Question d'origine :
Bonjour.
Pourquoi est-ce que ce sujet est aussi tabou?
et parmi les "idées reçues" sur ce fait, "que ça rend sourd" , "que ca prévient du cancer de la prostate" (pour les hommes), et d'autres encore,
lesquelles sont fondées, voire vraies? Et sinon, d'ou ça vient, si ça ne l'est pas?
Merci
Réponse du Guichet
bml_san
- Département : Médiathèque du Bachut Santé
Le 31/01/2006 à 12h40
Jusqu'au XVIIIe siècle on explique toujours le fonctionnement du corps comme les Grecs : le corps humain contient quatre liquides - le sang, le phlegme (liquide plus ou moins clair que l'on voit en se mouchant), la bile jaune (dans certains vomissements) et la bile noire. La santé existe quand ces quatre liquides sont équilibrés en volume et à leur place. La maladie vient de l'insuffisance ou de l'excès de l'un au moins d'entre eux, ou de sa stagnation dans une des parties du corps (oedème). En vertu de ces croyances, la masturbation est considérée comme dangereuse pour la santé.
Le sperme de l'homme et le liquide émis par les femmes sont considérés comme venant du sang par élaboration physique et chimique, et une éjaculation équivaudrait à une perte d'un quart de litre de sang. Cette croyance des Anciens toujours vivace au Moyen-âge implique que perdre trop de sperme c'est perdre du sang, donc se débiliter et risquer la maladie, voire la mort.
Mais le problème ne concerne que les adultes, surtout mariés. Les jeunes sont censés émettre seulement un liquide imparfait, donc ne pas risquer grand-chose à son émission. Au Moyen-âge les enfants et les adolescents pourront se caresser sans qu'il n'y ait intervention. Au XVIIIe siècle encore, les adultes ne se préoccupent pas de ces jeux d'enfants, même s'ils ont lieu sous leurs yeux, dans la salle commune, ou autour du poêle, à l'école.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, on se focalisera de plus en plus sur cette dépense "gratuite" d'une énergie vitale dont le capital nous est compté. Courir le risque d'être malade ne se justifie que par une raison impérieuse : avoir un enfant, répètent les moralistes. Elle ne peut être excusée par la seule volonté d'éprouver du plaisir. C'est là la seule raison de la montée des interdits sur la masturbation. Cette obsession de la masturbation aura des effets pervers.
Les médecins affirment alors que ce sont les pratiques de masturbation qui sont la cause des nombreuses maladies inexpliquées. Ils lui attribueront ainsi abusivement de multiples maladies nerveuses, des maladies sexuellement transmissibles, dont la syphilis, ainsi que des cancers. Sans compter la surdité. Ils terrorisent ainsi les adolescents, et préconisent des méthodes pour les contraindre à la chasteté : port de moufles la nuit, bras attachés pendant le sommeil, combinaisons entravant les mouvements et empêchant les contacts génitaux, excision ou brûlure du clitoris pour les fillettes, appareils pour bloquer les érections nocturnes pour les garçons.
Tout cela jusque dans les années 30… C'est la violence et les excès de cette lutte toute récente contre la masturbation qui expliquent les idées négatives qui survivent encore aujourd'hui.
Aujourd'hui, l'innocuité de la masturbation est une certitude ! On peut donc se libérer des fantasmes d'autrefois.
Entre 1994 et 1998, une équipe de chercheurs du Centre d'épidémiologie du Cancer de Melbourne (Australie)1 a demandé à 1079 hommes atteints d'un cancer de la prostate diagnostiqués avant 70 ans de remplir un questionnaire sur leurs habitudes sexuelles. Leurs réponses ont ensuite été comparées à 1259 hommes en bonne santé du même âge.
L'équipe conclut que plus les hommes éjaculent entre 20 et 40 ans, moins ils risquent de développer un cancer de la prostate. Et la prévention n'attend pas le nombre des années, puisque l'effet protecteur le plus visible concerne les jeunes hommes. Les hommes qui éjaculent plus de cinq fois par semaine durant la vingtaine d'années réduiraient d'un tiers leur risque de développer un cancer de la prostate au cours de leur vie !
Mais ces résultats risquent ainsi d'ébranler quelques certitudes. Dans cette étude, aucune association avec le nombre de partenaires sexuels n'a été mise en lumière. Pourtant, plusieurs travaux avaient évoqué une telle influence. En juin 2001, une étude américaine avait même mis à jour une relation directement proportionnelle. Les plus grands séducteurs plus de 30 partenaires) étaient plus souvent touchés par des formes agressives de ce cancer. Les auteurs avaient alors évoqué la possible responsabilité d'une ou plusieurs infections sexuellement transmissibles. L'augmentation des cas de cancers chez des patients ayant rapportés un passé de blennorragie ou de syphilis accréditait cette piste.
Dans l'hebdomadaire scientifique New Scientist, les auteurs australiens estiment que leurs résultats ne sont pas en contradiction avec l'hypothèse infectieuse, bien au contraire. La différence entre les deux études repose sur l'activité sexuelle prise en compte. L'enquête américaine retient la quantité de rapports sexuels, alors que les chercheurs australiens prennent en compte le nombre d'éjaculations, avec ou sans partenaire. Le sexe en solo ne comporterait ainsi pas le même risque infectieux, comme le confirme l'un des auteurs Graham Giles : "Si nous avions pu isolé les éjaculations associées à des rapports sexuels, nous aurions certainement pu constater un effet protecteur encore plus important".
Mais quelles hypothèses peuvent accréditer ce pouvoir protecteur des pratiques solitaires ? Selon les auteurs, cette activité limiterait l'accumulation de liquide séminal. Certains composés de ce fluide constituant du sperme (potassium, zinc, fructose, acide citrique ainsi que du 3-methylcholanthrene pour les fumeurs) pourraient avoir des propriétés cancérigènes en cas de stagnation dans les canaux de la prostate. Cette hypothèse repose ainsi que un raisonnement assez simple, plus le flot dans ces "tuyaux" est important, moins les substances qu'ils contient peuvent s'y accrocher et endommager les cellules qui le constituent. Autre possibilité, l'éjaculation pourrait induire une maturation plus complète des cellules prostatiques, les rendant ainsi moins susceptibles de devenir cancéreuses. Mais pour le moment, il ne s'agit-là que de simples spéculations.
Source : Eloge de la masturbation, doctissimo.fr
Voir aussi :
- article sur la masturbation, wikipedia.fr
- Histoire d'une grande peur : la masturbation / Jean Stengers, Anne Van Neck
- Un plaisir maudit : enjeux de la masturbation / Bertrand Ferrier
- Histoire de l'onanisme / Didier-Jacques Duché
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