Question d'origine :
Bonjour à vous tous,
Pourriez-vous m'expliquer d'où viennent les expressions suivantes : "travail au noir", "rire jaune" et "être cousu de fil blanc" ?
Merci !
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 27/01/2006 à 14h13
La locution est attestée en 1594 (Satire Ménipée) ; fil blanc y équivaut métaphoriquement à ficelle, dans les emplois du type : les ficelles du métier. En outre, on emploie du fil blanc, très visible, pour faufiler les parties d'un vêtement avant les coutures définitives.
L'expression figure chez Saint-Simon. La valeur de jaune, qui est ici adverbe, est obscure, mais doit être rattachée au teint des bilieux. L'hépatique force sa mauvaise humeur habituelle et ne peut rire que d'une manière forcée.
source : Dictionnaire des expressions et locutions
[...] Contrairement à une idée que j'avais émise - croyant que le terme avait été inventé sous l'Occupation (1940-1945), période où il a fleuri - le marché noir, aussi bien que le travail au noir existaient en France avant la guerre de 1939 ; il semble même, selon mes informateurs, que l'un ne dérive pas de l'autre, mais qu'ils aient tous deux été empruntés à l'allemand dans les années qui suivirent la guerre précédente, années pendant lesquelles c'était le Français qui était « l'occupant ». Le professeur J. Fourquet, en retraite à Fresnes, m'a communiqué avec son témoignage les précisions suivantes :
« En allemand, dit-il, le terme de composition scbtvarz (noir) entre dans des composés tels que :
Schwarzarbeit, travail au noir.
Schwarzhrenner, bouilleur de cru clandestin
Schwarzfahren, voyager sans billet (brûler le dur)
Scbwargeschâft, trafic clandestin
Schwarzmarkpreis, prix de marché noir
Schwarzscblochten, abattage clandestin
Schwarzhôren, écouter la radio sans payer la taxe.
Ce sens de schwarz, continue M. Fourquet, a connu une diffusion particulière à l'époque des restrictions dues à la guerre de 1914-1918 ; je l'ai appris jeune soldat en occupation en 1918-1919, où l'on m'utilisait comme interprète (parce qu'étudiant d'allemand). Le Schwarz-schiachten, abattage clandestin, ou « au noir », de 1914-1918 avait amené la sérieuse administration prussienne à réagir : il y avait pour chaque cochon un bulletin de naissance, un passeport pour les déplacements, et un acte de décès ! J'en avais obtenu quelques exemplaires d'un maire, comme « souvenirs ». Il est donc très vraisemblable que le marché noir nous est venu de l'Allemagne de 1914-1918. »
Ces suggestions sont corroborées par un autre correspondant, M. Léon Martineau, de La Roche-sur-Yon : « L'expression marché noir était certainement connue dans des pays qui subissaient dès avant la guerre des restrictions alimentaires et de matières premières (l'Allemagne, par exemple), car il me souvient d'avoir entendu dès les débuts de l'occupation des Allemands employer l'expression Schwartz-markt. Or, le "marché noir" français ne devait apparaître que plusieurs mois après. » Sur le travail au noir M. Martineau me fournit également des renseignements très clairs : « Issu d'une famille d'artisans, j'ai soixante-cinq ans ; il me souvient d'avoir entendu déjà dans les années 30, les parents pester contre le "travail noir" ou le "travail au noir". L'expression était d'ailleurs, dès cette époque, employée dans des documents officiels et dans les revues des chambres de commerce et de métiers. » (Lettre du 5 février 1981.)
Reste que la pratique du marché noir en France se développe dès la première vague de pénurie, à la fin de 1940. René Benjamin, qui écrivit en avril 1941 un livre reportage sur l'une des premières visites du maréchal Pétain en France, rapporte la présentation au chef de l'Etat du président du tribunal d'une Préfecture : "Nous sommes bien entendu très indulgents en face de petits trafics... - Oh ! pourquoi ? recommence le Maréchal. Mais c'est là, justement, Monsieur le Président qu'il faut sévir ! Ah veillez... veillez au marché noir !" (Le Maréchal et son peuple, 1941).
source : La puce à l'oreille : anthologie des expressions populaires avec leur origine
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