Question d'origine :
bonjour
les romains construisaient des acqueducs ayant plusieurs dizaines de km
- quel est le plus long qu'ils aient construit?
- d'autres civilisations utilisaient elles des systemes d'adduction d'eau semblables?
- comment faisaient ils avec leurs connaissances et leur technologie pour construire ces "serpentins" gigantesques en allant au but par dela les vallées et montagnes donc en gardant le cap et surtout la dénivellation suffisante pour arriver "a la bonne hauteur". Autrement dit, comment mesuraient ils la dénivellation sur plusieurs kilomètres avec des obstacles empéchant la visée, et comment gardaient ils le cap malgré les contournements dus aux vicissitudes de la topographie?
la question est claire?
merci de vos indications
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 06/01/2006 à 10h50
« AQUEDUC, subst. masc.
A. Canal en maçonnerie, souterrain, à fleur de sol ou plus généralement aérien, destiné à capter et à conduire l'eau d'un lieu à un autre. »
Trésor de la langue française informatisé
« Les trajets sur arcades qui se retrouvent souvent à proximité des villes, servent essentiellement à maintenir l’altitude du canal. Ce sont ces trajets sur arcades , encore visibles en de nombreux endroits de l’Empire romain, que l’on associe communément aux aqueducs romains. Rappelons-nous cependant qu’ils ne représentent qu’une petite fraction de l’ouvrage. »
Hydraulique dans les civilisations anciennes, de Pierre-Louis Viollet
C’est pourquoi le plus long des aqueducs romains n’est pas forcément celui dont la partie visible est la plus impressionnante.
« Dans le monde romain, de très nombreux aqueducs ont été retrouvés et étudiés […]. Le plus long à notre connaissance est celui d’Apamée sur l’Oronte, en Syrie […](150 Km). Un autre, cependant, mérite ici encore notre attention : il s’agit de l’une des merveilles de l’architecture romaine en Afrique, du plus long de tous les aqueducs romains d’Occident, l’aqueduc de Carthage (132 km). »
Ouvrage cité p. 191-193.
« Le plus haut pont-aqueduc de tout le monde romain est le pont du Gard »
Ouvrage cité p. 189.
Cet ouvrage nous apprend aussi que les Romains n’étaient pas les seuls à construire des aqueducs :
« Les aqueducs crétois, grecs et, plus tard, hellénistiques utilisaient principalement des tubes en terre cuite. Les Romains, dans la lignée de l’héritage étrusque, construisent leurs aqueducs sous la forme de canaux maçonnés, de section généralement rectangulaire, et couverts par une voûte ou par des dalles. (p. 167).
Cependant, les romains améliorent notablement la technique de construction des ponts :
« LES AQUEDUCS ET LEUR ROLE A TRAVERS LES AGES :
« C'est au moment du règne du roi Salomon (au 10e siècle, il y a donc plus de 3 000 ans aujourd'hui), que des canaux et des aqueducs furent construits pour alimenter la ville de Jérusalem.
En - 690 un aqueduc fut construit à Ninive; il fut alors fait appel à des maçons phéniciens particulièrement réputés en la matière.
Les Grecs, eux, dirigèrent leurs eaux par des conduits souterrains qui se conformaient presque toujours à la configuration du sol, et en suivaient les détours.
C'est chez les Romains que le calcul des masses nécessaires à la construction d'un pont trouve son épanouissement ; l'utilisation de l'opus caementicum y est également pour quelque chose ». (P. Gros) (3). L'opus caementicum n'est autre que de la maçonnerie porteuse liée au mortier. »
Source : Les Aqueducs antiques. Conduire l’eau (Jean Claude Litaudon © 2004, TRAIANVS © 2004 )
Ce site, qui vous apprendra tout sur l’hydraulique à Rome permet aussi de répondre à votre question sur les mesures du dénivellé.
« Pour faire un aqueduc l'essentiel, de tout temps, a été de découvrir un endroit en altitude suffisante par rapport au point d'arrivée où l'eau est toujours pure, abondante et pérenne.
S'ils pouvaient ignorer microbes et bactéries, les Romains particulièrement savaient qu'une eau peut être impure et dangereuse à boire ; Vitruve (1) conseille d'observer l'allure et l'état de santé des gens du voisinage pour apprécier la qualité de l'eau.
On apportait donc un soin extrême au captage des eaux, qu'il s'agisse d'une source (on la reçoit alors dans un bassin) d'une rivière, ou d'un lac (il suffit alors d'établir un barrage au meilleur endroit de la berge).
D'un point qu'on ne devait établir, ni trop haut pour éviter l'étiage l'été, ni trop bas pour ne pas entraîner boues et autres limons, l'eau circulait alors dans un canal, presque toujours couvert que les Romains appelaient specus.
Les dimensions des conduits variaient en fonction du débit espéré. Leur profil en coupe était généralement rectangulaire, ovoïde, trapézoïdal, quelques fois elliptique ; la couverture étant assurée par des voûtes en plein cintre (claveaux), des dalles uniques ou en ressauts et parfois des tuiles.
Le radier (partie horizontale du canal) consiste le plus souvent en une épaisse couche de béton constitué de cailloux et de brique concassée (tuileau), l'étanchéité et la bonne circulation de l'eau étant assurée par des applications de plus en plus fines de ce mélange (l'opus signinum), sur le radier, les piédroits et les solins ou quarts de ronds (bourrelets se trouvant à la jonction des parties verticales et horizontales).
Des regards (putei ou lumina) permettaient au moment de la construction de vérifier la direction à suivre, le niveau, l'évacuation des déblais, l'aération pour les ouvriers par l'accès à l'intérieur de l'aqueduc ; puis lorsque l'ouvrage était en utilisation de procéder à son entretien (l'aqueduc du Gier en comporte tous les deux actus) ; voir Pline l'Ancien (2) « …in binos actus lumina esse debebunt… ».
L'inclinaison, la pente, ne devaient être ni trop forte, elle aurait provoqué usure et destruction entraînant la dégradation de l'enduit hydraulique (à base de brique écrasée et de chaux (l'opus signinim) ni trop faible, elle n'aurait alors pas permis l'écoulement normal, les eaux se seraient alors échauffées devenant plus ou moins stagnantes.
Pour tracer le parcours les ingénieurs romains disposaient de trois instruments : la groma, le chorobate et la dioptre. »
Voir aussi toujours sur ce site TRAIANUS, L’archéologie des aqueducs et Conception hydraulique des Aqueducs romains
Ces textes comportent, outre des renseignements très pointus sur la question, des bibliographies intéressantes.
La groma :
« Grâce à des moyens dont la simplicité peut nous étonner (fil à plomb, jalon, perche d'arpenteur, groma, avec, pour tout contrôle des orientations, le repérage de l'ombre du soleil à midi grâce à un gnomon), ils étaient capables de construire des réseaux orthonormés sur d'immenses territoires avec une grande précision, comme on a pu le vérifier en Tunisie grâce au GPS. Ces réseaux, appelés limitations, sont caractéristiques du découpage des sols lié à la conquête romaine; ils furent mis en place par l'administration romaine afin de gérer au mieux l'attribution des terres, soit à des particuliers soit à la collectivité.
Fils à plomb et jalons permettaient de construire les alignements ou de les vérifier, alors que les perches d'arpenteur munies d'embouts associées aux fils à plomb suffisaient pour mesurer les distances à l'horizontale. La groma, constituée d'un support métallique et d'une croix aux branches perpendiculaires à l'extrémité desquelles pendent quatre fils suffisamment lestés, est un instrument qui autorise des visées orthogonales à très longue distance, même en terrain accidenté. Les orientations sont repérées par rapport à deux axes principaux. L'un, le kardo, peut être vérifié avec précision chaque jour à la même heure en mesurant la course apparente du soleil, l'ombre d'un piquet vertical, le gnomon, indiquant le nord géographique à midi (la sixième heure pour les Romains). L'autre axe, le decumanus, élevé perpendiculairement grâce à la groma, partage le territoire en deux. »
Etudes rurales : Note de lecture sur L’arpentage romain, de Gérard Chouquer
Pour le chorobate et la dioptre, voir cette page du site Thot encyclopédie libre et gratuite sur Les niveaux à eau
Si vous voulez en savoir encore plus :
Les Romains et l’eau, d’Alain Malissard
Gallia, n° 62, 2005, Les Aqueducs de la Gaule méditerranéenne
Les Aqueducs de la Gaule et des régions voisines
Et vu la situation privilégiée en la matière de notre bibliothèque, l’exemple des aqueducs de la région lyonnaise
Enfin, le texte source essentiel : De l’architecture, de Vitruve
DANS NOS COLLECTIONS :
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