l'écriture et la danse
Le 27/12/2005 à 10h34
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Question d'origine :
j'ai lu récemment que dans son ouvrage Système de politique positive Auguste Comte faisait un rapprochement entre l'écriture et la danse, l'écriture étant fille de la "mimique" et de la danse, la main en mouvement représentant le corps (alors que la parole est issue du chant ...)Pouvez vous m'en dire plus à ce sujet? D'autre auteurs contemporains ont-ils fait/dévelopé ce rapprochement ?
merci beaucoup.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 28/12/2005 à 15h12
Le rapprochement entre l’écriture et la danse que fait Auguste Comte n’est qu’un élément de sa philosophie du langage, philosophie du langage qui, elle- même, s’appuie sur la théorie de la « Statique sociale » originale qu’il a développé dans son « Système de philosophie positive » publié entre 1851 et 1854.
Pour avoir une vue synthétique de la question, vous pouvez lire la communication suivante d’Angèle Kremer-Marietti au Colloque qui s’est tenu à Carthage en 1999. Kremer-Marietti qui a consacré sa thèse de doctorat d’Etat à l’anthropologie d’Auguste Comte est une spécialiste reconnue de sa pensée. Auguste Comte et la philosophie du langage
Pour replacer un peu la pensée d’Auguste Comte dans l’histoire intellectuelle du XIXe siècle français et européen, consultez le site suivant :
Elisée Reclus : pages de sociologie préhistorique
Si vous voulez vous reporter à l’œuvre originale, consultez le tome 2 duSystème de politique positive ou traité de sociologie instituant la religion de l’humanité d’Auguste Comte
Si la question vous passionne, lisez les amples analyses qui se trouvent à la fin de la thèse d’Angèle Kremer-Marietti : L’anthropologie positiviste d’Auguste Comte (chapitre 6. 3e partie. P. 457-503)
Vous pouvez retrouver ces analyses dans un petit livre de Kremer-Marietti Entre le signe et l’histoire : l’anthropologie positiviste d’Auguste Comte (chapitre 3. P. 210-251) publié postérieurement.
Quant à affirmer que des auteurs contemporains aient fait un rapprochement analogue, je n’ai pas d’élément pour l’affirmer. Je vous suggère de chercher plutôt chez les auteurs allemands (écrivains, philosophes, sociologues, ethnologues) romantiques et néo-romantiques. Pour vous orienter, consulter le tome IX du monumental travail de Georges Gusdorf : « Les sciences humaines et la pensée occidentale » intitulé Fondements du savoir romantique.
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 29/12/2005 à 11h00
Dans l’introduction de l’ouvrage Ecrire la danse qu'il dirige, Alain Montandon écrit :
«A l’origine de l’écriture, il y aurait eu la danse, du moins c’est ce qu’affirmait Rudolf Laban, mais aussi André Leroi-Gourhan (in : Le geste et la parole) qui pensait que les premiers signes étaient des représentations rythmiques qui renvoyaient à un contexte de chant, de performance et de déclamation. L’éloquence persuasive et polyglotte de la danse a également pu animer la gestuelle et le mimique de l’orateur antique dont ce même Laban imaginait qu’il considérait ses auditeurs comme des partenaires de danse. Ce lien de la danse et de la parole semble bien originaire. Mais l’écriture de la danse, sa notation, sa description, son expression dans un autre mode d’expression que le sien propre ne sont pas sans poser de problèmes non seulement techniques, mais essentiels, amenant à reconsidérer la nature même de l’un et de l’autre.
[…]
L’écriture elle-même, dans ses métaphores et sa pratique, animée du mouvement comme symbole de la vie, ronde de vie ou danse macabre, faisant place aussi bien au processus de civilisation avec la mise ne place des bonnes manières, du système de la distinction sociale et de ses contraintes, qu’aux pulsions érotiques refoulées, à la dimension orgiaque de la danse, s’exhibe également comme danse, mouvement dansant avec flexibilités, courbes, rythmes, vertiges, enchaînements, rêve d’extase, à la graphé sautillante, serpentine, onomatopéique, etc. Valéry avoue à Louis Séchan avoir tenté de «faire du Dialogue lui-même une manière de ballet». Et nul mieux que le poète ne sait jouer du repos et du mouvement, de la pesanteur et de la grâce, retrouvant le mouvement coulé de la phrase suivant la danse – qui ne dit cependant rien d’autre qu’elle-même.»
Divers aspects du sujet sont abordés dans cet ouvrage, pourvu par ailleurs d’une abondante bibliographie.
Pour compléter et enrichir le débat sur les rapports de la danse et de l’écriture, on peut citer le livre de la danseuse Marie-Claude Pietragalla Ecrire la danse : de Ronsard à Antonin Artaud, anthologie de textes littéraires qui l’ont nourrie, dont un texte de Valéry, justement, mais aussi d'autres de Pierre de Ronsard, Rabelais, Petipa, Isadora Duncan et Joris-Karl Huysmans…
Et puis celui de Guylaine Massoutre, L'atelier du danseur, qui pour une réflexion sur la danse s’appuie sur des lectures d’œuvres littéraires.
Sur la notation de la danse, voici une liste des ouvrages de et sur Rudolf Laban que la Bibliothèque municipale de Lyon possède,
ainsi que sur la technique Benesh… qui utilise des portées parentes de celles utilisées en musique. Il existe aussi un site web sur la notation Laban et un autre sur la notation Benesh.
Reste un autre lien intéressant à explorer : celui du rapport de la danse et de la philosophie, par exemple en s'appuyant sur le très savant ouvrage issu des actes du premier colloque international pour la danse et la recherche chorégraphique contemporaines et intitulé : Danse et pensée : une autre scène pour la danse.
Il pourra être illustré par le récent Allitérations, conversations entre la chorégraphe Mathilde Monnier et le philosophe Jean-Luc Nancy à partir du spectacle du même nom autour d’un texte du philosophe : «Quand je dis que la danse est une pensée, il faut bien entendre qu’elle l’est en tant que danse, et non parce qu’elle produirait ou nourrirait des pensées. La phrase de Nietzsche, « les grandes pensées viennent en marchant » est pour moi étrangère […]. Lorsque je marche, je ne pense à rien, ou plutôt mes pensées se dissolvent dans la marche. Plus encore si je danse. C’est cette dissolution, ou bien cette dissipation et distraction de la pensée – distraction par attraction dans le corps – qui est alors véritablement la pensée : l’épreuve du sens ou de la vérité.
La pensée comme danse : là où elle commence, là où elle se lève, encore incertaine de soi, inconnue à elle-même. Immense étrangeté de l’écriture ou de la parole (de la parole enseignante, ou oratoire, c'est-à-dire vraiment adressée, lancée) : elle se précède dans un espace qui s’ouvre pourtant et où elle n’a pas encore pénétré ni personne avant elle.»
Réponse du Guichet
bml_litt
- Département : Langues et Littératures
Le 29/12/2005 à 11h56
Vous avez peut-être trouvé votre référence à Auguste Comte faisant un rapprochement entre l'écriture et la danse en lisant le compte-rendu du livre de Marcel Cohen et Jérome Peignot :
Histoire et art de l'écriture
fait par Alain Rey dans le Monde des livres du 23 / 12 / 2005 : article d'Alain Rey
nous ne pouvons que vous conseiller la consultation ou la lecture passionnante de cet ouvrage qui fait le tour de la question de l'histoire de l'écriture des origines à nos jours et dans toutes les civilisations. Cet ouvrage donne la parole aux linguistes, aux anthropologues, aux historiens, aux philosophes, aux calligraphes et typographes. Cet ouvrage comporte une excellente bibliographie qui permet de découvrir les rapports particuliers de certains écrivains avec l'art, la manière, le fait d'écrire (Mallarmé, Michaux, Joyce...pour n'en citer que quelques-uns)
une citation de
"L'écriture, c'est la main, c'est donc le corps : ses pulsions, ses contrôles, ses rythmes, ses pensées, ses glissements, ses complications, ses fuites, bref, non pas l'âme (peu importe la graphologie), mais le sujet lesté de son désir et de son inconscient"
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