Question d'origine :
L'autre jour, nous préparions de la purée avec mon amie, et maladroit comme je suis, j'ai inversé les proportions entre le lait et l'eau. (4OOmL de lait pour deux fois moins d'eau). Résultat, en passant à la casserole, ça n'a rien fait, jusqu'au moment où le mélange a gonflé spontanément et où je me suis fait réprimander...Pouvez vous me dire quel processus chimique est à l'origine de cette réaction singulière?
Par ailleurs, pouvez-vous m'expliquer la réaction à l'origine de l'oxydation des pommes, responsable de l'apparition de leur couleur jaunâtre, et me dire si elles sont alors comestibles?
Merci beaucoup pour les réponses concises que vous m'avez déjà apportées, ainsi que pour le temps que vous nous consacrez.
Réponse du Guichet
bml_sci
- Département : Sciences et Techniques
Le 15/12/2005 à 13h14
Une des difficultés majeures de la science est la juste appréciation des situations : jusqu’à quel point peut-on simplifier un système sans perdre l’essence du phénomène que l’on veut comprendre ?
Pour savoir comment la soupe refroidissait, nous l’avons assimilée à de l’eau, parce que les échanges de chaleur en surface, seuls responsables du refroidissement, sont identiques pour de la soupe ou de l’eau. Si nous nous étions intéressés aux propriétés d’écoulement, seule une soupe très fluide aurait pu être assimilée à de l’eau.
Comme le poète, le physicien et le chimiste doivent maîtriser les métaphores.
Pour comprendre pourquoi le lait déborde, pouvons-nous également considérer qu’il est analogue à de l’eau ?
Certainement pas, car de l’eau qui bout ne déborde pas. Manifestement le lait est un liquide plus complexe que l’eau. Un soupçon d’observation nous révèle sa nature cachée : laissons du lait reposer ; sa surface se charge de crème, c'est-à-dire d’une matière grasse (puisque la crème battue donne le beurre). Sous quelle forme la crème se trouvait-elle dans le lait dans le lait ?
Une observation de ce dernier au microscope nous aurait révélé d’innombrables petits globules, dispersés dans la solution. Le lait est une « émulsion », et les globules de matière grasse dispersés dans l’eau, en déviant la lumière dans toutes les directions, sont responsables da la couleur blanche du liquide.
Naturellement le lait n’est pas qu’eau et matière grasse, car les deux corps ne se mélangent pas : du beurre fondu et de l’eau restent séparés (en science, on dit qu’ils forment deux phases) ; et avec du beurre non fondu, le divorce est encore pire. De fait, le lait contient également des protéines et diverses autres molécules « tensio-actives », c'est-à-dire qui ont une partie soluble dans l’eau et une partie soluble dans la matière grasse. En plaçant au contact de l’eau leur partie soluble dans l’eau et au contact de la graisse leur partie soluble dans la graisse, ces molécules tensio-actives forment un enrobage qui délimite les globules de matière grasse, les stabilise et assure leur dispersion dans l’eau. Cette stabilisation est renforcée par les molécules de caséine, qui, à la surface des globules, assurent une répulsion mutuelle de ceux-ci parce qu’elles sont négativement chargées.
Toutefois les répulsions dues à la caséine, notamment, ne suffisent pas à éviter la coalescence occasionnelle des globules, c’est-à-dire leur fusion : dans un liquide, les globules sont en mouvement incessants, à des vitesses variables ; ceux qui sont les plus rapides parviennent à se rencontrer et à fusionner en globules plus gros. Or plus les globules sont gros, plus les forces de répulsions deviennent faibles par rapport à la poussée d’Archimède. Progressivement les globules grossissent et montent : la crème s’établit à la surface de l’émulsion.
Quand on chauffe le lait, l’effet est encore plus rapide, car les globules sont eux-mêmes plus rapides : leurs chocs provoquent plus souvent leur fusion et, à température supérieure à 80 degrés, la caséine qui a coagulé ne protège plus les globules, et elle forme une couche continue à la surface du lait, la peau. La vapeur d’eau qui se forme au fond de la casserole, progressivement piégée sous la peau, soulève cette dernière… et verse sur la cuisinière.
(extrait de les secrets de la casserole d’Hervé This.)
Quand on pèle ou quand on coupe une pomme, sa surface, initialement blanche, brunit en quelques minutes. Les abricots, les poires, les cerises et les pêches ne brunissent pas, mais pis ! Ils noircissent. Les bananes et les pommes de terre rosissent avant de brunir. En revanche, les citrons, les oranges ne brunissent pas. Leur acidité naturelle les protègeraient-elle ?
Absolument.
Si certains fruits brunissent quand on les coupe, c’est parce que le couteau endommage certaines des cellules dont ils sont composés, libérant leur contenu et, notamment, des enzymes qui y étaient enfermés dans des compartiments spéciaux.
Plus précisément, des enzymes nommées polyphénolases oxydent les molécules de polyphénols incolores des fruits en composés de type ortho-quinone, qui se réarrangent, subissent une oxydation et polymérisent en mélanine colorée (la mélanine est la molécule qui nous fait paraître d’une belle couleur bronzée quand nous nous sommes exposés au soleil).
L’acidité retarde ces réactions, car elle limite l’action des enzymes ; en outre, l’acide ascorbique des citrons et des autres fruits de la même famille (oranges, pamplemousses…) est un anti-oxydant.
Deux raisons pour laquelle on a avantage à arroser de citron la surface des fruits coupés pour leur conserver leur couleur d’origine.
(extrait de les secrets de la casserole d’Hervé This.)
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