Question d'origine :
Au delà de notions très générales comme le transfert de sommes considérables d'Italie en France par Bonaparte, ou puis-je trouver une documentation plus détaillée sur le financement des armées révolutionnaires par les pays occupés de 1792 à 1800, ce qui a été une politique systématique de la France?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 08/12/2005 à 15h46
Sujet délicat s’il en est. La preuve en est que nombre d’ouvrages que nous avons consultés abordent cette question de manière assez allusive.
Citons par exemple L’Histoire militaire de la France sous la direction d’André Corvisier :
Le gouvernement révolutionnaire adopta les pratiques de l’Ancien Régime qui consistait à faire vivre les armées en territoire étranger. Sous le directoire, on alla encore plus loin dans cette voie en faisant exploiter les pays occupés (ou « libérés ») au profit des finances françaises. A partir de 1794, la doctrine du gouvernement était que la guerre devait nourrir la guerre. Les pays occupés furent mis en coupe réglée au moyen d’agences d’exploitation. C’est en partie pour échapper au régime des contributions de guerre qu’ils acceptèrent leur annexion. En 1795, la République batave, qui avait cédé Maastricht et Venloo à la France, s’engagea à payer une indemnité de 100 millions de florins et à entretenir une armée de 25 000 hommes stationnant sur son sol. La république cisalpine dut verser 10 millions de lires et solder un corps du même effectif.
Les français trompèrent cruellement les espérances des pays qu’ils occupèrent, en renversant leurs institutions et en les soumettant à un lourd régime de contributions. A Aix-la- Chapelle, une partie des habitants fit le coup de feu contre les français à l’arrivée des Autrichiens. Ce fut, avec l’insurrection de Francfort, la seule révolte qui se produisit cintre l’occupation française en Rhénanie mais il y en eut de nombreuses en Belgique, en Italie et en Suisse.
Dans le même registre, vous pouvez consulter aussi :
La Révolution Française par Jean Meyer et André Corvisier.
Cependant, Thierry Lenz, spécialiste de Napoléon, écrit dans Napoléon, paru dans l’excellente collection « idées reçues » :
Dès le début des guerres révolutionnaires, la confiscation des œuvres d’art au profit des collections françaises fut autorisée (et même requise) par les différents gouvernements. Un arrêté organisa les prélèvements, le 26 juillet 1794. Le Directoire accéléra ce mouvement et Bonaparte en Italie (1796-1797) ne fut pas le dernier à y participer. Son butin fut même si considérable que l’arrivée à Paris dans les rues de la capitale. Mais cette pratique qui concernait seulement les œuvres d’art fut étendue à tout ce qui pouvait permettre de renflouer les caisses d’un Etat en quasi-faillite. Les commandants en chefs des armées révolutionnaires envoyèrent ainsi au Directoire des millions prélevés ou « empruntés » sur les terres conquises et, une fois encore, Bonaparte se distingua. Il est vrai que les plaines d’Italie avaient été peu dévastées en comparaison de l’Allemagne qui servait de théâtre guerrier depuis 1792.
De telles pratiques, qui faisaient partie, si l’on ose dire, de l’art de la guerre de l’époque se poursuivirent tout naturellement sous le Consulat et l’Empire. Elles se fondaient d’abord sur la nécessité de nourrir, de loger et de chauffer les troupes d’invasion (hommes et chevaux) puis d’occupation. Les armées se servaient sur le pays. Cette habitude n’a pas disparue de nos jours. La faiblesse de l’intendance et la masse des denrées qu’il aurait fallu emporter à la suite de la Grande Armée étaient telles qu’aucun chef n’aurait pu se passer du pillage qui, lorsqu’il était mieux organisé, était appelé « réquisitions ». On tenta bien , au moment de la campagne de Russie, d’emporter des bœufs à la suite de l’armée : ils moururent d’épuisement en quelques jours […] La route de Moscou fut donc dévastée par les centaines de milliers de soldats qui l’empruntèrent.
Ce pillage qu’on pourrait dire « coutumier » se doubla de celui, beaucoup plus condamnable, des généraux qui s’enrichirent par leurs propres prélèvements. Rares sont, par exemple, les maréchaux qui échappent à la critique d’avoir été des pillards. Dans l’armée, on disait « Voler à la Brune » ou on détournait parfois le nom de Masséna, l’ « enfant chéri de la victoire » en « enfant pourri de la victoire ». La collection de tableaux de Soult était considérable. Et pourtant, ces chefs militaires étaient gâtés par le régime : ils reçurent des dotations (sur des domaines confisqués à l’étranger), des honneurs rétribués, voire des primes pour leurs actions d’éclat. Rien n’y fit : dans la Grande Armée, chacun pillait selon son grade et ses moyens. Quant à Napoléon, il fermait les yeux la plupart du temps (même si le règlement interdisait le pillage individuel), n’intervenant que lorsque les malversations étaient trop flagrantes.
Il est vrai que l’empereur y allait lui même de ses propres saisies. Les prises de guerre alimentaient les quinze musées crées en 1801, le Louvre (Musée Napoléon) se taillant bien sûr la part du lion. Rome, Venise (dont le lion ailé de Saint- Marc orna longtemps une fontaine parisienne), Parme, Pérouse, Modène, Bologne, Vienne, Anvers, Cassel et bien d’autres villes occupées furent contraintes de céder des joyaux qui ne furent que partiellement restitués après 1815. Contrairement à une idée très répandue, parmi les confiscations napoléoniennes ne figure pas l’obélisque de la place de la Concorde qui fut offert à la France en 1833 (sous le règne de Louis Philippe) et installé à son emplacement définitif trois ans plus tard…
Issu d’une sorte de « droit de conquête » un tantinet « archaïque » (M. Bruguière, « Domaine extraordinaire », Dictionnaire Napoléon), Le Domaine extraordinaire évita les emprunts pour financer la guerre et après Waterloo, le solde permit à la France de régler rubis sur l’ongle la solde des armées d’occupation, évitant ainsi les réquisitions… et un juste retour des choses de la part des pays qui avaient tant souffert des guerres révolutionnaires et impériales.
pratique qui concernait seulement les œuvres d’art fut étendue à tout ce qui pouvait permettre de renflouer les caisses d’un Etat en quasi-faillite. Les commandants en chefs des armées révolutionnaires envoyèrent ainsi au Directoire des millions prélevés ou « empruntés » sur les terres conquises et, une fois encore, Bonaparte se distingua. Il est vrai que les plaines d’Italie avaient été peu dévastées en comparaison de l’Allemagne qui servait de théâtre guerrier depuis 1792.
De telles pratiques, qui faisaient partie, si l’on ose dire, de l’art de la guerre de l’époque se poursuivirent tout naturellement sous le Consulat et l’Empire. Elles se fondaient d’abord sur la nécessité de nourrir, de loger et de chauffer les troupes d’invasion (hommes et chevaux) puis d’occupation. Les armées se servaient sur le pays. Cette habitude n’a pas disparue de nos jours. La faiblesse de l’intendance et la masse des denrées qu’il aurait fallu emporter à la suite de la Grande Armée étaient telles qu’aucun chef n’aurait pu se passer du pillage qui, lorsqu’il était mieux organisé, était appelé « réquisitions ». On tenta bien , au moment de la campagne de Russie, d’emporter des bœufs à la suite de l’armée : ils moururent d’épuisement en quelques jours […] La route de Moscou fut donc dévastée par les centaines de milliers de soldats qui l’empruntèrent.
Ce pillage qu’on pourrait dire « coutumier » se doubla de celui, beaucoup plus condamnable, des généraux qui s’enrichirent par leurs propres prélèvements. Rares sont, par exemple, les maréchaux qui échappent à la critique d’avoir été des pillards. Dans l’armée, on disait « Voler à la Brune » ou on détournait parfois le nom de Masséna, l’ « enfant chéri de la victoire » en « enfant pourri de la victoire ». La collection de tableaux de Soult était considérable. Et pourtant, ces chefs militaires étaient gâtés par le régime : ils reçurent des dotations (sur des domaines confisqués à l’étranger), des honneurs rétribués, voire des primes pour leurs actions d’éclat. Rien n’y fit : dans la Grande Armée, chacun pillait selon son grade et ses moyens. Quant à Napoléon, il fermait les yeux la plupart du temps (même si le règlement interdisait le pillage individuel), n’intervenant que lorsque les malversations étaient trop flagrantes.
Il est vrai que l’empereur y allait lui même de ses propres saisies. Les prises de guerre alimentaient les quinze musées crées en 1801, le Louvre (Musée Napoléon) se taillant bien sûr la part du lion. Rome, Venise (dont le lion ailé de Saint- Marc orna longtemps une fontaine parisienne), Parme, Pérouse, Modène, Bologne, Vienne, Anvers, Cassel et bien d’autres villes occupées furent contraintes de céder des joyaux qui ne furent que partiellement restitués après 1815. Contrairement à une idée très répandue, parmi les confiscations napoléoniennes ne figure pas l’obélisque de la place de la Concorde qui fut offert à la France en 1833 (sous le règne de Louis Philippe) et installé à son emplacement définitif trois ans plus tard…
Issu d’une sorte de « droit de conquête » un tantinet « archaïque » (M. Bruguière, « Domaine extraordinaire », Dictionnaire Napoléon), Le Domaine extraordinaire évita les emprunts pour financer la guerre et après Waterloo, le solde permit à la France de régler rubis sur l’ongle la solde des armées d’occupation, évitant ainsi les réquisitions… et un juste retour des choses de la part des pays qui avaient tant souffert des guerres révolutionnaires et impériales.
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