Question d'origine :
Epictète établit des disctinctions par coupe entre "orexis" et "ecclisis" (désir et dégoût) et "ormê" et "aphormê" (propension et répulsion). A quel niveau cette distinction s'établit-elle? Autrement dit, est-ce que par exemple désir et dégoût joueraient au niveau des passions et propension et répulsion au niveau de la raison, ou inversement?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 08/06/2004 à 15h12
Comme le rappelle le Manuel, la première caractéristique du vivant est le désir, orexis, qui lui fait rechercher son bien et ce qui lui est utile. Le désir est fondamentalement désir de la conservation de soi. Le définir comme la recherche d’un bien, tout comme l’aversion est définie comme la fuite devant un mal, c’est supposer qu’une évaluation est nécessairement déjà présente dans le désir. Le premier lieu est aussi celui des passions ou perturbations, parce qu’elles ne sont pas autre chose que la conséquence d’une frustration du désir, ou d’un échec de l’aversion. Le meilleur destin pour le désir est donc de se réaliser. La philosophie ne nous demande pas de renoncer à nos désirs, mais au contraire de les réaliser c’est-à-dire d’avoir des désirs de telle nature qu’ils puissent être réalisables ! […] Mais la formation philosophique a ses exigences propres ; notre nature n’est pas atteinte immédiatement, mais au terme de ce temps long et bien rythmé qu’est la paieda. Ainsi le désir , pour le débutant, doit être purement et simplement supprimé. Tant que le désir n’a pas subi cette conversion qui le rend tel qu’il soit réalisable, il reste exposé constamment au risque de la frustration, donc de la passion. […] A la question du désir succèdent alors les préceptes de conduite.
Le deuxième lieu, en effet, est le domaine de l’action. Epictète entend par hormè, impulsion, et aphormè, répulsion, ce qui pousse le vivant à l’action. Dans le cas de l’homme, cette activité est aussi bien celle de son être social que de son être biologique. Relèvent de ce deuxième lieu les relations naturelles et acquises, les dispositions de fils, de père, etc … Si le problème posé au désir est celui de sa réalisation, le problème posé à l’impulsion à agir est celui de son opportunité. Le deuxième lieu suppose un savoir de l’occasion propice. […]Le deuxième lieu est ,par conséquent, celui des conduites convenables … […]
Tout comme le premier lieu, qui supposait une évaluation implicite qui considère comme un bien la chose poursuivie, le deuxième lieu mobilise la raison.
Manuel d’Epictète , GF Flammarion, 1997
Il y a trois domaines dans lesquels doit s’exercer celui qui veut devenir un homme parfait :
-le domaine qui concerne les désirs et les aversions
-le domaine qui concerne les tendances à agir et les refus d’agir
-le domaine dans lequel il s’agit de se garder de l’erreur et des raisons insuffisantes, le domaine du jugement
[…]
C’est la raison, absolument bonne , qui impose sa loi au désir et à l’action, inférieurs et irrationnels, qui peuvent causer le mal dans l’âme.
Manuel d’Epictète, Classiques de poche, 2000.
Désir et aversion ne sont donc associés aux passions que dans un premier temps, pour le débutant, puisque le but est de savoir n’avoir que des désirs réalisables. Propension et répulsion participent de l’action et pas de la raison puisque chez Epictète, c’est la raison toute entière qui est jugement, impulsion et désir : les trois activités sont au même niveau. […]Finalement nous ne sommes responsables que de nos bons ou mauvais désirs, de nos bonnes ou mauvaises actions. C’est le domaine de notre liberté. (ibidem)
Nous vous invitons donc à venir consulter les documents que nous possédons sur la philosophie d’Epictète, car votre question est une question centrale, qui souligne toute la subtilité de sa philosophie et sa différence avec le stoïcisme classique.
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