Question d'origine :
Quelles sont les préparations médicinales employées autour du XVIe à base de matières humaines ?
merci d'avance
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 15/10/2005 à 15h35
A la suite du médecin de l’antiquité Dioscoride, la matière médicale était traditionnellement divisée en trois règnes : minéral, végétal et animal. Le règne animal était mis à profit aussi bien avec l’homme qu’avec les animaux entiers ou quelques-unes de leurs parties (crâne humain, poudre de vipère, corne de cerf, écailles d’huitre etc.)
Toutefois, la matière humaine était assez assez peu utilisée y compris au XVIe siècle (la matière animale ne représentait que 9%de la pharmacopée à cette époque). Néanmoins on considérait que le corps humain devait contribuer à sa propre médication. L'une des applications les plus connues est l'usage de la Momie, substance faite des restes des corps embaumés et du bitume et des drogues qui avaient servi à l'embaumemnt des momies egyptiennes. Elle avait un tel succès que des apothicaires parisiens furent condamnés pour en avoir fabriqué de fausses à partir de cadavres et de restes de cercueils.
Un certain nombre d’ouvrages de pharmacopée donnent des préparations tirées du corps humain. En voici quelques-unes :
« De l’homme mort se tirent :
1. La Momie . Ne parlons pas ici de celle qu’on apporte d’Afrique, mais de celle qui se prépare de cette manière. Prenez le cadavre entier d’un homme rousseau de l’age d’environ 24 ans, mort de mort violente frais et sans tare exposé à l’air serain pendant un jour ou deux, découpez par morceaux ses chairs musculeuses et les saupoudrez de poudre d’absynte, gentiane et scordium (ou herbe aux ails), puis les faites tremper quelques jours dans l’esprit de vin, puis l’exposez pendant dix jours, et l’imbibez derechef de l’esprit de vin, puis les faites sécher à l’ombre, mais en lieu sec jusques à ce qu’il soit semblable à la chair séchée à la fumée et sans puanteur. Cette momie résout le sang caillé, prise au poids de deux dragmes. On la tient bonne pour la morfondure, les fièvres, pleurésies, toux, rétention de mois, enfleures de tout le corps, douleurs de rate et affection de matrice. Au dehors, elle consolide les plaies.
2. La Graisse, fortifie, discute, apaise les douleurs, remplit les ulcères et marques de la petite vérole et guérit les contractions des membres.
3. Les Os, en général, déssèchent, discutent, resserrent toutes sortes de flux et sont utiles dans les catharres, les dysenteries, lyenteries, mois immodérés et douleurs des jointures.
4. La Moëlle des os est fort recommandée contre la contraction des membres.
5. Le crâne est fort bon pour les maladies du cerveau, particulièrement l’épilepsie et les convulsions. On en fait divers magistères, sels, huyles et extraits, qu’on prend au-dedans. La mousse qui croit sur le crâne des pendus est fort astringente et on en met dans les narines pour arrêtrer le sang qui en coule.
6. Le Cerveau de l’homme dont on fait un esprit excellent dans l’épilepsie pris au poids d’un scrupule et une huyle et une eau qui ont les mêmes vertus.
7. Le Fiel dont on fait un extrait qui étant mis dans l’oreille est un excellent remède contre la surdité.
8. Le Cœur séché et mis en poudre est excellent dans l’épilepsie.
9. Le Cuir. On en fait des ceintures qui étant appliquées aux femmes en travail d’enfant, facilitent l’accouchement. On s’en sert aussi heureusement pour celles qui sont travaillées de vapeurs et suffocation de matrice, on en applique aussi en forme de courroyes, brasselets, jartières sur les bras et les jambes travaillées de crampes. On en applique aussi en façon de collier dans l’épilepsie. »
(d’après Jacob Constant. Essay de Pharmacopée des Suisses. Berne, François de La Justice, 1709, pp.271-274. Fac-similé à la BML en cours de traitement)
On trouve également cité dans l'ouvrage de Christophe Lefébure. La France des pharmacies anciennes. Privat, 1999, p.57 (BML Sciences prêt 615 LEF) un autre exemple d’utilisation du crâne humain « Il faut choisir celui d’une personne morte de mort violente, on le rompra par morceaux, et on le fera sécher afin qu’il puisse être mis en poudre. Il est propre contre l’épilepsie, la paralysie, l’apoplexie et les autres maladies du cerveau ; la dose en est depuis demi-scrupule jusqu’à deux scrupules. Le crâne d’une personne morte de mort violente et prompte est meilleur pour les remèdes que celui d’une personne morte de maladie longue, ou qui aurait été tiré d’un cimetière, parce que ce dernier a retenu presque tous ses esprits, au lieu qu’ils ont été épuisés en l’autre, soit par maladie, soit dans la terre ».
L’urine même, en particulier, l’urine de femme mariée restée vierge sera longtemps considérée comme une panacée. Elle servait notamment à nettoyer les plaies.
On a vu aussi que la cire de l’oreille humaine et les rognures d’ongles étaient aussi utilisées comme panacées.
Pour bien comprendre l'utilisation de telles recettes, il faut y voir une médecine du corps par le corps et aussi se rappeler qu'« Il serait inexact de voir dans ces prescriptions médicales le résultat de fantaisies, et de fantasmagories gratuites, irrationnelles ou arbitraires. Il faut les placer dans une vision générale de l’univers [issue de l'époque médiévale] dont tous les composants sont solidaires et liés par des affinités réglées par le Créateur »
(Jean-Charles Sournia. Histoire de la médecine et des médecins. Paris : Larousse, 1991, p.162 (BML Sciences Us 610.9 SOU)
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