Antagonisme franco-américain
DIVERS
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Le 07/10/2005 à 16h34
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Question d'origine :
Quand on lit des livres d'auteurs américains,on remarque des critiques plus ou moins explicite à l'égard des français.Les français n'aiment pas les américains pour diverses raisons.Mais quels sont les raisons ou les faits qui font que les américains ne nous aiment pas?
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 08/10/2005 à 18h19
Aborder la question de l'antagonisme franco-américain du seul point de vue des raisons des Américains de ne pas aimer les Français, en affirmant simplement que les français n'aiment pas les américains pour diverses raisons semble quelque peu réducteur. Selon une célèbre expression, il faut être deux pour danser le tango...
L'antagonisme franco-américain peut-être abordé selon deux angles : une crise conjoncturelle en lien avec l'opposition de la France à la guerre en Irak ; et une dualité historique qui remonte à la Seconde Guerre mondiale. Nous vous proposons de consulter les trois articles suivants en ligne.
Le premier est une interview de mars 2004 de Pascal Boniface, Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), enseignant à l’Institut d’Etudes européennes de l’Université de Paris 8 et aussi, entre autres, membre du Conseil consultatif pour les questions de désarmement de l'ONU (depuis 2001). Il est intitulé : Penser que l’élection d’un démocrate à la Maison-Blanche aplanirait toutes différences entre Paris et Washington est illusoire. En voici un extrait :
J'aurai tendance à dire les deux à la fois. C'est une crise passagère dans la mesure où il n'y aura probablement pas de si tôt une guerre que les Etats-Unis veulent lancer contre un autre pays et à laquelle la France s'oppose. Le caractère exacerbé de l'affrontement franco-américain venait bien de là. Mais, c'est en même temps une donnée structurelle des relations internationales. La relation France/Etats-Unis n'a jamais été totalement apaisée. La France depuis la Vème République veut toujours maintenir une autonomie stratégique qui n'a pas toujours été bien perçue ni même comprise par Washington.
La francophobie aux Etats-Unis s'explique par le sentiment de trahison qu'ont eu les Américains du fait de l'opposition de la France à la guerre en Irak. Les dirigeants veulent punir la France pour avoir non seulement refusé l'argumentation américaine mais surtout pour avoir milité contre elle et forgé une coalition anti-américaine à l'ONU. La population américaine est pour sa part persuadée que Saddam Hussein était responsable du 11 septembre et que la France sauvée par les Américains en 1945 n'a été ni reconnaissante, ni solidaire. Quant à l'anti-américanisme français, je crois qu'il s'agit d'un faux débat ou qu'on mélange plusieurs choses. Il y a bien sûr un anti-américanisme traditionnel qui peut venir à la fois de l'extrême gauche - l'anti-capitalisme - et de l'extrême droite - anti-démocratie -. Mais traiter d'anti-américanisme le mouvement qui s'opposait à la guerre d'Irak me paraît un peu court. C'est la politique de George W. Bush qui a été critiquée comme elle l'est d'ailleurs non seulement en France mais dans l'immense majorité des pays du monde quelle que soit l'attitude de leur propre gouvernement.
Le deuxième article, très développé, est écrit par François Heisbourg, Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, : La France, l'Europe et les Etats-Unis : l'aggiornamento des relations transatlatiques. Il revient sur les raisons historiques de cet antagonisme, notamment sur les relations Roosevelt-de Gaulle. En voici l'introduction :
Les relations franco-américaines ne peuvent que fasciner l’observateur des questions internationales, tant est paradoxal, et parfois détonant, le mélange d’amour-haine, ou peut-être plus justement, d’attraction-répulsion, qu’elles recèlent. Une formule américaine en résume bien la tonalité générale : « we love to hate the French » – « nous adorons détester les Français ». En sens inverse, les Etats-Unis sont l’objet préféré du rejet/désir de la France : nous sommes un pays dont les habitants se ruent dans les salles de cinéma pour regarder les dernières productions de Hollywood – dont certaines sortent dorénavant de studios appartenant à des capitaux français – avant de se rendre toujours plus nombreux dans les McDo, tout en acclamant les actions musclées de José Bové contre Mc Donald’s et en défendant bec et ongles l’« exception culturelle » dans les négociations commerciales multilatérales.
Ajoutons que cette combinaison des contraires vaut davantage encore à Paris qu’à Washington, puisque les Etats-Unis occupent naturellement dans les préoccupations françaises une place largement plus importante que la France n’en tient dans les réflexions américaines.
Cette situation a des racines anciennes, la relation Roosevelt/de Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale ayant établi les éléments fondamentaux de ce « modèle » de relations d’alliés antagonistes. De surcroît et l’on peut arguer, du point de vue français mais aussi américain, que cette relation paradoxale a pendant longtemps assez bien servi les intérêts nationaux des uns et des autres.
(...)
Le dernier est un texte de Simon Serfaty, Directeur des études européennes au Centre d’études internationales et stratégiques (CSIS) de Washington et enseignant à l’Université Old Dominion de Norfolk (Etats-Unis) : Querelle permanente : réflexions sur la francophobie aux Etats-Unis, dont voici un extrait :
La création d’une Europe libre et unie – whole and free – est le dénouement ultime d’un « projet » américain dont l’hégémonie américaine est un résultat accidentel, plutôt que l’aboutissement d’un « complot », voire d’un dessein précis. Conséquence de ce résultat, le « mal américain » qui sévit en France affirme le besoin de s’opposer à cette domination hégémonique des Etats-Unis, rendue de surcroît responsable de tout contre-temps dans le projet communautaire européen auquel les Etats-Unis seraient d’autant plus hostiles que l’Europe se rapproche de sa finalité.
Cependant, un « mal français » existe aussi aux Etats-Unis : il consiste à identifier toute obstruction à la politique américaine comme inévitablement inspirée par la France. C’est donc en dépit de la France, sinon contre elle, pense-t-on aux Etats-Unis, que peuvent s’affirmer les préférences américaines sur le continent européen.
Le mal français aux Etats-Unis et le mal américain en France se renforcent mutuellement et imprègnent profondément les réactions de l’un aux initiatives de l’autre. Cela étant, l’éventualité d’un divorce transatlantique, souvent évoquée, n’a jamais été concrétisée, ni même sérieusement envisagée.
A cet égard, les prochaines années seront certainement décisives. Les tensions persistant sur des dossiers sensibles, voire existentiels, pourraient déclencher une nouvelle réévaluation, plus radicale, des liens entre nos deux continents, encouragée d’un côté de l’Atlantique et acceptée de l’autre. Pour ce qui est des relations bilatérales entre les Etats-Unis et la France, elles restent un mystère. Ces deux pays, qui ont toujours eu une certaine idée d’eux-mêmes, répondent également aux idées préconçues que chacun d’entre eux a de l’autre. Nourries par une méfiance réciproque sans remède apparent, ces idées semblent immuables – à la base d’une crispation permanente.
(...)
Nous vous conseillons pour en savoir plus de consulter les documents suivants des auteurs cités dans cette réponse et disponibles à la BmL :
* Après la guerre d'Irak : l'image de la France dans le monde sous la dir. de Pascal Boniface, La revue internationale et stratégique; n° 53, printemps 2004
* La France contre l'Empire, Pascal Boniface, 2003.
* La fin de l'Occident ? : l'Amérique, l'Europe et le Moyen-Orient, François Heisbourg, 2005.
* La France vue par les Etats-Unis : réflexions sur la francophobie à Washington, Simon Serfaty, 2001.
* La tentation impériale, Simon Serfaty, 2004.
Site web : L'annuaire français des relations internationales - Ministère des Affaires étrangères.
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