Question d'origine :
Bonjour.
Je cherche actuellement à savoir la chose suivante :
Pendant le moyen age (406 après J.C jusqu'en 1300 après J.C) à qui appartenait les églises (édifices) ?
Les église, abbayes et autres monastères étaient-ils propriétés de l'Eglise Catholique ou alors possessions du Seigneur régnant sur la région en laquelle ils/elles étaient bâtis ?
Si, ces édifices cultuelles étaient la possession de l'Eglise Catholique, quelle pouvait être l'influence seigneurale sur celle-ci ? Ces édifices étaient-ils lieux d'asile échappant à la loi seigeurale ? Y avait-il un accord d'entente sur l'indépendance de ces lieux échappant plus ou moins à l'autorité seigneurale ?
Et concernant la Justice Religieuse, le seigneur avait-il droit de s'imiscer dans les affaires juridiques d'ordre religieuse ? (procès pour blasphème d'un lieu de culte, d'une figure sainte ou encore d'un membre du clergé. Calomnie à l'encontre d'un membre du clergé)
Vous remerciant par avance pour les réponses que vous pourriez m'apporter, je vous souhaite une bonne continuation pour entretenir et faire avancer ce site encyclopédique formidable qui permet à chacun d'apprendre et de toucher de près ou de loin à la culture.
Veuillez agréer, monseigneur, madame, mes salutations respectueuses et distinguées.
Morfa
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/10/2005 à 10h24
Votre question se décline en 3 parties :
- Les églises étaient-elles propriété de l’Eglise catholique ?
Il est bien difficile de répondre à cette première question. Quelles églises ? Et surtout quelle notion juridique le mot église recouvre-t-il ? : « Les églises ont été désignées dans la littérature patristique, les documents officiels et les textes juridiques par des noms fort divers… » : ecclesia, dominicum, basilica, martyrium, confessio, memoria, templum, oratorium, capella, sanctuarium. « …Jusqu’au Ve siècle, les lieux de culte n’ont guère fait l’objet de prescriptions canoniques ; aucune distinction d’ordre juridique, aucun classement n’ont été opéré parmi eux, les dénominations d’église ou d’oratoire leur sont indifféremment attribuées.
Dans la suite, une discrimination paraît s’établir entre ces deux dénominations… Le terme église a été progressivement réservé aux lieux de culte qui jouissaient des droits paroissiaux, dans lesquels le peuple fidèle devait se réunir, les dimanches et jours de fête de précepte, pour la pratique publique du culte, c’est donc pratiquement aux seules églises cathédrales et paroissiales que fut réservé le nom d’église. Tous les autres lieux de culte, notamment les églises établies dans les domaines privés des seigneurs, celles des abbayes et monastères, quelles que fussent leur ampleur ou leur munificence, étaient plutôt dénommées oratoires, et plus tard chapelles. »
Stutz a défini ainsi la notion d’église privée : « elle signifie qu’un grand propriétaire, un « seigneur », construisant sur son domaine, pour lui et ses gens, une église, quelle qu’elle fût, et la dotant de ses biens propres, considérait comme sienne (sauf donation à l’évêque) cette église avec ses revenus, en disposait selon les règles du droit privé (vente, échange, don…), en choisissait le desservant à présenter à l’évêque ; il considérait aussi comme normal de disposer de tout ou partie des offrandes (oblations) et des dîmes (légalisées à l’époque carolingienne) en échange des frais qu’il supportait pour construire et entretenir le bâtiment de l’église.
Dans l’antiquité chrétienne, la seule église (publique) était celle de l’archevêque au chef-lieu de la cité. La christianisation des campagnes amena les évêques à fonder quelques églises dans les bourgs. Les propriétaires ruraux convertis furent surtout nombreux à ériger dans leurs domaines des églises que l’évêque consacrait…
Les églises privées, dont l’âge d’or alla du VIIe au Xie siècle, étaient aux mains des aristocrates laïques et ecclésiastiques. Par là, les campagnes de l’Europe se couvrirent plus vite d’églises, notamment à l’époque carolingienne : ce fut un instrument de christianisation… »
In Dictionnaire encyclopédique du Moyen Age sous la dir. D’André Vauchez.
D’où, pour simplifier, plusieurs cas de figure sont possibles, d’une chapelle privée d’un seigneur laïc au monastère ayant pouvoir seigneurial.
Pour plus de détails, vous pouvez consulter :
* l’Histoire du christianisme T . 4 à 6
* le Dictionnaire de droit canonique T7 pp 921-927
- L’autorité seigneuriale et le droit d’asile
« Asile : lieu de refuge dans lequel personnes et choses (ou, pour le moins, certaines personnes, certaines choses) sont à l’abri de toute contrainte ou saisie, par l’effet d’un privilège, de la coutume ou de la loi.
De tels lieux se rencontrent, aux diverses périodes historiques, dans un grand nombre de sociétés, surtout dans celles où, faute d’une justice publique universellement compétente, ni la paix générale ni la protection individuelle ne sont bien assurées, et où le respect commun des choses sacrées préserve certains édifices, certains districts des actes de violence. Vengeance privée, fermeté des liens religieux : telles sont les conditions sociales les plus favorables à la multiplication des asiles…
A partir du Ive siècle, les églises furent considérées comme lieux d’asile, d’abord par l’effet d’une coutume dont plusieurs textes de saint Ambroise, saint Grégoire de Nazianze, Ammien Marcellin nous portent témoignage…
On discute particulièrement le sort de l’asile pendant les années qui suivirent la mort de Théodore 1er (395). La coutume qui l’avait introduite, et qui aurait été confirmée par une loi due à l’inspiration d’Eutrope, si l’on en croit Zosime, semble avoir été abrogée vers 397-398 par plusieurs lois portées à l’instigation de ce même Eutrope… La première reconnaissance générale de l’asile ecclésiastique par l’Etat romain est très probablement celle contenue dans la constitution du 21 novembre 419. La loi du 1er avril 409 que l’on trouve au Code de Justinien et qui affirme le droit d’asile n’est probablement, en cette partie de sa rédaction, que l’œuvre des commissaires byzantins. Le code Théodosien, publié en 438, recueille une série de dispositions relatives à l’étendue de l’asile et aux personnes qui n’en peuvent profiter.
Peut –être la coutume n’avait-elle établie le privilège qu’en faveur de l’église ou même de l’autel. Mais la constitution du 21novembre 419 l’étend à cinquante pas en dehors des portes de la basilique : une arrestation opérée dans ce rayon est sacrilège… »
Dans les derniers siècles du Moyen âge, « au moment où l’asile atteignait son plus grand développement dans les divers pays de la chrétienté, la législation ecclésiastique en complétait les règles et lui donnait un statut universel. Les conciles réformateurs de Clermont (1095), Reims (1131), Pise (1134) préparaient le … second concile de Latran (1139) qui se termine par l’énoncé général du droit d’asile des églises et cimetières…
Le droit d’asile est considéré comme l’un des privilèges généraux des lieux sacrés, comme une conséquence de l’immunité locale, qui les met à l’abri de toute invasion des laïcs, de toute action profane…
Mais toute personne n’a point droit à la protection de l’asile et la tendance constante de la législation pontificale, à partir du XIIIe siècle, a été d’en priver des catégories toujours plus nombreuses d’indésirables. Innocent III énumère : les brigands…, les bandits de grand chemin…, Grégoire IX : ceux qui commettent l’homicide ou des mutilations sur le territoire de l’asile, Jean XXII : les hérétiques ou suspects d’hérésie et les juifs apostats…
Ces règles du droit canonique n’ont pas été officiellement reçues par les Etats du Moyen Age, mais ils les ont généralement respectées. Elles étaient défendues par le sentiment religieux, par la faveur de l’opinion publique et juridiquement par la coutume, par les droits séculiers, par les serments des Associés de la Paix, surtout par les privilèges particuliers de chaque établissement ecclésiastique. »
- Comment étaient traitées les affaires juridiques d’ordre religieux ?
Pour l’essentiel, ces affaires relevaient de la juridiction ecclésiastique, ainsi que vous pourrez vous en apercevoir en consultant le détail des articles contenus dans le Dictionnaire de droit canonique
Pour toutes ces questions, vous pouvez aussi vous reporter aux ouvrages suivants :
* Droit canonique
* Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique
* Catholicisme
* Les papes, l’église et l’argent
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter