Question d'origine :
Cher guichet,
Il y a bien longtemps que je cherche sans y parvenir des informations sur un mystère concernant le roi Philippe Auguste. D'après ce que j'ai pu en savoir, celui-ci répudia sa seconde épouse Ingeburge le lendemain même de leur nuit de noces et, après l'avoir fait croupir en prison, l'épousa à nouveau bien des années plus tard... Saurais tu démeler pour nous l'écheveau de ce vaudeville médiéval ? D'avance merci.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/09/2005 à 11h55
Philippe II dit Philippe Auguste, né le 21 août 1165 à Gonesse Val-d'Oise, mort à Mantes-la-Jolie Yvelines, France le 14 juillet 1223, fut roi de France de 1180 à 1223, septième roi de la dynastie dite des Capétiens directs.
Il est le fils de Louis VII dit le Jeune et d' Adèle de Champagne.
De son règne, un des plus marquants de la dynastie capétienne, il faut retenir :
un renforcement important du pouvoir royal et une extension de son domaine
la participation à la troisième croisade
la planification de l'urbanisation de Paris, avec le pavage des rues, la construction de fortifications, et notamment du premier Louvre (dit la Grosse Tour).
la lutte, largement victorieuse, contre la dynastie des Plantagenêts, rois d'Angleterre, en particulier Richard Cœur de Lion. La victoire décisive est remportée à Bouvines en 1214 contre l'empereur Otton IV, allié du roi d'Angleterre Jean sans Terre.
un conflit avec l'Église sur l'annulation de son second mariage, qui voit le royaume frappé d'interdit en 1200.
1. 1180 : Isabelle de Hainaut, comtesse d'Artois (1170-1190), fille de Baudoin V comte de Hainaut.Elle lui donne un fils:
o Louis VIII le Lion.
2. 1193 :
3. 1196 : Agnès de Méranie (v.1176-1201), fille de Berthold IV de Méranie. Elle lui donne deux enfants.
o Marie (1198-1238?), qui épouse en 1206 Philippe comte de Namur (1175-1212). Elle se remarie en 1213 avec Henri duc de Brabant (?-1235),
o Philippe Hurepel (1200-1234) comte de Clermont et de Boulogne qui épouse en 1216 Mathilde de Dammartin (?-1261).
Philippe Auguste, désireux d'une alliance danoise contre l'Angleterre et veuf d'Isabelle de Hainaut, épouse Ingeburge le 14 août 1193. Les témoins s'accordent de parler de la beauté de la princesse.
Néanmoins, à la fin de la nuit de noces, le roi manifeste une vive aversion pour sa jeune femme et s'enfuit. Une assemblée d'évêques et de barons, tenue à Compiègne à la fin de l'année, casse le mariage, ce que n'accepte pas le pape Innocent III, fort heureux de pouvoir se mêler des affaires du royaume.
Ingeburge est emprisonnée à Étampes, puis, sur l'intervention du roi de Danemark, assignée à résidence dans un couvent.
Trois ans plus tard, inquiet d'une succession mal assurée par le fils unique que lui a donné Isabelle de Hainaut, le roi épouse Agnès de Méranie, ce qui détermine une grave crise dans les relations du roi et de la papauté. Le royaume mis en interdit, ce qui suspend toute vie sacrementelle et empêche les sépultures religieuses, Philippe Auguste préfère céder. Il écarte Agnès, fait revenir à la cour Ingeburge, qu'il affecte de traiter en reine mais avec laquelle il ne reprend pas la vie conjugale.
Retirée à Orléans, ce qui lui vaudra l'appellation officieuse de la reine d'Orléans chez les contemporains qui ne savent trop quel titre lui donner, Ingeburge continue de se tenir pour reine et choisit même, dans son testament, d'être enterrée à Saint-Denis, ce que refusera saint Louis, à la fois par respect pour la volonté de son grand-père, et en considération du fait qu'elle n'a pas été sacrée et n'est donc pas reine aux yeux de l'Église.
cf. Encyclopédie Wikipédia
Nous vous conseillons la lecture approfondie de la biographie extrêmement documentée de John Baldwin qui vous éclairera sur les démêlés de Philippe Auguste avec son épouse Ingeburge et L’ Eglise ainsi que sur ses comportements irrationnels qui avaient déjà laissé perplexes les chroniqueurs contemporains du roi.
Le second souci majeur de Philippe, à son retour de Croisade, est la fragilité de la succession dynastique capétienne. La reine Isabelle est morte, et le seul héritier survivant du roi est Louis, un enfant de quatre ans, dont la vie vient d’être mise en danger par une grave maladie. En monarque responsable, Philippe a besoin d’une nouvelle épouse pour s’assurer d’autres héritiers. Tel est le principe évident qui sous-tend la politique matrimoniale du roi au cours de la décennie qui va suivre, même si sa mise en œuvre défie toute explication rationnelle et peut au mieux s’expliquer par les inclinations personnelles et les névroses de Philippe.
L’histoire énigmatique des plans matrimoniaux du roi commence avec la personne que Philippe choisit pour nouvelle épouse… On sait seulement que le roi français engagea des négociations en 1193 avec le roi Knud VI de Danemark pour obtenir la main de sa sœur Ingeburge, âgée de 18 ans. Pourquoi avoir choisi une princesse danoise parmi tant de candidates possibles ? Il est difficile de répondre à cette question…
Qu’elles qu’aient été les raisons du mariage danois, elles sont rapidement obscurcies par une succession d’événements bien plus déroutants encore…Philippe rencontre la princesse pour la première fois à Amiens le 14 aôut 1193 et l’épouse le jour même. Le lendemain, les époux sont couronnés par l’archevêque de Reims… Au cours de la cérémonie, le roi devient pâle, nerveux et fébrile, et c’est à peine s‘il peut attendre la fin. Il se sépare d’Ingeburge après, l’expédie au monastère de Saint-Maur-Des Fossés, près de Paris, et annonce son intention de faire annuler le mariage…Pratiquement tous les chroniqueurs et les commentateurs des deux décennies suivantes défendent la reine et protestent que sa beauté et sa vertu ne donnaient aucun sujet de plainte à Philippe. Mais celui-ci devait avoir des raisons d’ordre personnel et sexuel, car il refusa obstinément de la voir pendant sept ans. Même, par la suite, lorsqu’une sévère pression ecclésiastique le contraindra à la revoir, il ne consentira jamais à lui rendre ses droits conjugaux. Sa justification officielle, à cette époque, pour faire annuler son mariage avec Ingeburge, est leur parenté à un degré prohibé par l église, prétexte fréquemment utilisé au XIIe siècle…
Séquestrée dans un monastère royal , ne comprenant pas le français et privée de tout contact avec ses compatriotes, la jeune reine en appelle au pape…Philippe pour sa part, se hâte de chercher une autre fiancée, ne laissant aucun doute sur sa résolution de se remarier pour avoir de nouveaux héritiers…Il finit par trouver une candidate consentante en Agnès, originaire de Bavière et fille de Bertold, duc de Méran. ..En juin 1196, un mois après que l’assemblée eut échouer à dissuader le roi, Philippe épouse Agnès de Méran, qui lui donne avant de mourir en 1201, deux des enfants qu’il espérait d’elle – une fille, Marie , et un fils Philippe…Précédemment Philippe n’avait pas accédé à la demande du pape Innocent III de renvoyer Agnès et de rendre à Ingeburge sa position d’épouse et de reine. Innocent III avait donné pouvoir à son légat en France, Pierre de Capoue, d’appliquer des sanctions contre lui et même d’utiliser l’arme ultime qu’était la mise en interdit du royaume, interdit prononcé à compter du 13 janvier1200…Plus tard Philippe accepte de renvoyer Agnès de sa cour mais refuse de l’exiler du royaume, car elle attend son second enfant. Il consent aussi à rencontrer publiquement Ingeburge en présence du légat et d’autres ecclésiastiques, mais l’entrevue a lieu dans une maison de plaisance isolée de Saint-Léger-en Yvelines d’où il l’envoie directement au château royal d’Etampes.
La réconciliation solennelle, jointe au serment que Philippe ne se séparera pas d’ingeburge sans le jugement de l’église fait lever l’interdit en septembre 1200….
Suivent encore d’autres épisodes et atermoiements tactiques .
Certes, les revendications d’Ingeburge en tant que reine et épouse restent une affaire pendante ; elles continueront à gêner Philippe pendant encore une douzaine d’années, mais ce n’est plus désormais qu’un sujet d’irritation, et non pas un problème fondamental et urgent...
Suivront encore d’autres gestes spectaculaires. Un véritable feuilleton…
Il est peu probable que les revendications de la princesse danoise, débattues par les chroniqueurs en 1193, aient encore été prises au sérieux vingt après...
Encore quelques précisions sur la santé de Philippe. Pour ce faire, citons encore John Baldwin :
Si Philippe souffre bien à son retour de croisade, de la suette, fièvre arnoldine ainsi que l’appellent les chroniqueurs anglais, certains de ses comportements extrêmes pourraient alors s’expliquer par des désordres nerveux. Par exemple, lorsqu’il apprend l’assassinat du marquis de Montferrat, le roi est pris d’une grande agitation et s’enferme pendant des jours….
La vie sexuelle de Philippe a peut-être aussi pâti de la maladie…Son attitude à l’égard d’Ingeburge est loin d’être normale. Leur vie sexuelle se limite, tout au plus, à leur nuit de noces. Après quoi le roi refusera le reste de ses jours d’admettre son épouse dans son lit.
Même lorsqu’il se réconcilie avec Ingeburge à la veille de Bouvines, c’est en tant que reine et non en tant qu’épouse. La princesse danoise a-t-elle une part dans les difficultés supposées de leur nuit de noces ? Philippe se refuse obstinément, en tout cas, à toute relation sexuelle avec elle. Désireux de renforcer le lignage royal par un second fils (Louis était chétif), il a pu être frappé, lors de la nuit de noces d’une impuissance temporaire exacerbée par sa récente maladie. Les phobies sont des conséquences psychologiques de la suette et pourraient contribuer à expliquer ce comportement. Cependant, les clercs du roi n’invoquent pas la possibilité de son impuissance avant 1201, lorsqu’ils accusent Ingeburge d’avoir empêché la consommation du mariage par sorcellerie. Quelque créance que l’on accorde aux arguments avancés en faveur du divorce (qui n’ont pas plus convaincu les historiens modernes que les contemporains), l’hypothétique impuissance de Philippe est sûrement guérie en 1196 par Agnès de Méran qui lui donne deux enfants. Après la mort de celle-ci en 1201, le roi se console sans doute par plusieurs liaisons, dont une seule avec la demoiselle d’Arras, est apparue au grand jour, puisque le roi a reconnu leur fils, Pierre Charlot, né entre 1205 et 1209. A sa mort, Philippe est encore réputé par son appétit sexuel...
Il ressort de cette lecture que Philippe n’a jamais véritablement divorcé d’Ingeburge, qu’il a été bigame et a pu néanmoins faire légitimer les enfants nés de son troisième mariage.
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