Question d'origine :
1) A plusieurs reprises, j'ai lu la même anecdote, mais une amie chinoise vient de me le démentir. Qui croire ?
Il s'agit de l'album de Tintin intitulé "Le Lotus Bleu". Tintin mène son aventure en Chine, donc dans le décor, il y a des affiches, des panneaux, etc. écrits en mandarin.
Si Tintin lisait le mandarin, il lirait les affiches qui sont des avertissements des malheurs qui l'attendent dans la bulle suivante. Par exemple, il saurait qu'il va se faire assomer dans la bulle suivante, il saurait qu'on lui joue un mauvais tour, etc, etc.
2) J'ai entendu dire qu'il n'y avait qu'un seul alphabet pour toute la Chine. Mais si un Chinois du nord lit son texte à un Chinois du sud, le Chinois du sud ne comprendra pas forcément, parce qu'il ne s'agit pas de la même langue. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que la prononciation d'un même texte est si différente d'une extrémité à l'autre du pays ? Est-ce des prononciations différentes ou est-ce que c'est parce que les accents régionaux sont très forts ?
3) J'ai entendu dire que les idéogrammes chinois ne donnaient pas la prononciation d'un mot (comme avec l'alphabet latin). Comment un jeune Chinois qui est à l'équivalent du collège fait-il pour apprendre la prononciation des mots qu'il découvre dans un roman que son prof lui a donné à lire, par exemple ?
Cordialement
Réponse du Guichet
bml_chin
- Département : Fonds Chinois
Le 02/09/2005 à 13h13
Après avoir relu attentivement l’album de Tintin intitulé Le lotus bleu, il semble que ce soit votre amie chinoise qui ait raison. En effet, les phrases écrites en chinois dans cet album sont sans lien direct avec l’intrigue. Il ne paraît donc pas possible d’accréditer l’idée selon laquelle Tintin aurait pu être mis au courant des déboires qui l’attendaient si, comme vous le suggériez, il avait su lire le chinois. La lecture très instructive du livre de Pierre Assouline intitulé Hergé, consultable à la BM de Lyon, permet de mieux comprendre le sens de ces mots et phrases en chinois. Voici ce qu’il écrit à ce sujet dans un chapitre consacré à Tchang, l’ami chinois qui inspira à Hergé l’idée de cette histoire et à qui ce dernier proposa de cosigner l’album : " L’ami chinois signera tout de même. Mais pas sur la couverture. Clandestinement, dans l’album. Son nom apparaît une fois en chinois parmi les innombrables inscriptions dont il fut le patient calligraphe, qu’il s’agisse d’appels au boycott de l’impérialisme japonais, de signalisations (" Pharmacie ", " Petite épicerie "…) ou de conseils publics sous forme de proverbes tels que " Posséder mille hectares de terrain ne vaut pas un petit métier sous votre toit " ou " Sur l’eau morte des étangs poussent des plantes et des fleurs libres et sans racines " ou encore la très taoïste maxime : " Le lotus est serein parce que son cœur est vide. "
Références :
Dans les collections de la BM de Lyon:
Hergé, de Pierre Assouline
Hergé, fils de Tintin, de Benoît Peeters
Hergé : portrait biographique, Thierry Smolderen et al.
Le terme " alphabet " que nous employons communément pour désigner les systèmes d’écriture de la plupart des langues écrites dans le monde ne s’applique pas à la langue chinoise qui utilise de son côté des caractères tous différents les uns par rapport aux autres. Voici comment Viviane Alleton dans un ouvrage intitulé L’écriture chinoise paru dans la collection Que sais-je ? défini ce qu’est un caractère chinois : " Les caractères sont des formes graphiques, isolées matériellement les unes des autres par un espace, et invariables en ce sens que leur tracé ne change pas, quelles que soient les formes environnantes. "
La variété des dialectes chinois utilisés en Chine est une réalité qui surprend souvent ceux qui ont appris la " langue commune " (putonghua) aussi appelée " mandarin " et qui pensaient pouvoir facilement communiquer avec tous les Chinois. Voici ce qu’écrit Viviane Alleton à ce sujet : " Tous les Chinois, qu’ils habitent la Mandchourie, Pékin, Canton ou Singapour, parlent une variété ou une autre de " chinois ", c’est-à-dire que leur parler a une origine commune, et se caractérise par le fait que toutes les syllabes y ont un sens. Néanmoins, dans bien des cas, il n’y a pas de communication orale possible entre ces hommes, pour autant qu’ils se limitent à leur parler quotidien, leur " dialecte ". L’unité linguistique du monde chinois n’est effective, à l’heure actuelle, qu’au niveau de l’écriture. Abstraction faite des régions habitées par des " minorités nationales ", qui parlent des langues non chinoises, on peut distinguer en Chine deux domaines linguistiques. La zone du " mandarin " couvre tout le nord de la Chine, jusqu’au fleuve Bleu, plus le Sichuan (Se Tchouan) et les populations chinoises du Guizhou (Kouei-Tcheou) et du Yunnan. Elle est relativement homogène, en ce sens que les différences de prononciations ne sont pas telles qu’on ne puisse se comprendre d’un bout à l’autre. D’autre part, la zone " dialectale ", qui correspond aux provinces côtières situées au sud du Fleuve Bleu, plus le Hunan (Hounan) et le Jiangxi (Kiang Si), est fragmentée en un grand nombre de parlers différents : des gens, originaires de localités situées à quelques dizaines de kilomètres les unes des autres, peuvent éprouver les plus grandes difficultés à se comprendre et, bien entendu, ils ne comprennent le mandarin que s’ils l’ont appris à l’école, comme une deuxième langue. A l’heure actuelle, tous les habitants de la Chine sont censé apprendre la " langue commune " (putonghua), qui est définie, comme le mandarin tel qu’on le prononce à Pékin. "
La prononciation d’un même texte par un locuteur employant tel dialecte est donc effectivement différente mais il peut aussi arriver que certains caractères ne soient pas employés de la même façon dans un dialecte donné et il existe aussi certains caractères chinois qui ne servent qu’à transcrire un terme dialectal précis. Voici ce qu’écrit encore Viviane Alleton à ce sujet : " Dans la langue de la vie quotidienne, il existe entre les différentes régions, non seulement des différences phonologiques et phonétiques, mais aussi des écarts sensibles de vocabulaires. Ces différences portent par exemple, sur les désignations des parties du corps, des relations de famille, des denrées agricoles et aussi quelques verbes très fréquents. Si un Cantonnais écrit un roman, il peut soit employer la langue commune, soit transcrire le parler cantonnais. Dans ce cas-là, son texte ne sera pas tout à fait clair pour un Chinois d’une autre région, non pas tant à cause de quelques formes inusitées en chinois commun, qu’à cause du choix des termes, d’un emploi particulier des caractères."
Pour vous faire une meilleure idée des différents dialectes chinois utilisés en Chine, nous vous conseillons de consulter le site de l'encyclopédie
Wikipedia.
L’apprentissage des caractères chinois est ce qui rebute le plus souvent ceux qui veulent s’initier au chinois. A n’en pas douter, cette difficulté réelle affecte aussi les petits Chinois qui doivent apprendre pour chaque " mot " le caractère unique qui lui correspond. Voici ce qu’écrit Viviane Alleton sur l’apprentissage de l’écriture par les enfants en Chine : " En Chine, un enfant, dès qu’il sait parler, peut reconnaître un caractère, le mettre en correspondance avec une forme orale et savoir ce qu’il signifie. Dans des conditions favorables, un petit Chinois peut véritablement lire quelques caractères dès l’âge de deux ans. Mais il ne lui servirait pas à grand-chose de savoir lire un caractère pour chaque syllabe de son parler, puisqu’une syllabe donnée s’écrit d’autant de façons différentes qu’elle a de sens distincts ! Il devra apprendre plus de mille caractères pour lire des textes faciles, et même si, plus tard, il vient à en savoir plus de dix mille et qu’il rencontre un caractère qu’il ne connaît pas, il ne sera capable de déduire de son aspect ni sa prononciation, ni son sens. Tout au plus pourra-t-il, par analogie avec des caractères connus, faire une hypothèse sur quelques lectures plausibles et le genre de chose signifiée. "
Lorsque le jeune collégien voudra donc lire correctement le roman que son professeur lui aura demandé de lire, il devra soit déjà connaître le sens et la prononciation des caractères qu’il aura devant les yeux soit rechercher dans un dictionnaire le ou les caractères inconnus. En effet comme le souligne encore Viviane Alleton, un caractère chinois est une unité de sens qui correspond à la fois à un segment sonore, la syllabe, et à une unité de sens. C’est ainsi qu’une même syllabe prononcée hé, quand elle signifie " noyau ", s’écrit 核, et la même syllabe, quand elle signifie " cours d’eau ", s’écrit de toute autre façon : 河. En voyant écrit l’un de ces caractères, il n’est pas possible d’en deviner ni le sens, ni le ton, ni non plus la prononciation exacte. Il faut donc apprendre par cœur pour chacun de ces caractères le sens, le ton et la prononciation exacte et si l’on veut être sûr de ne pas se tromper de caractère à la lecture ou bien lorsque l’on écrit, il faut encore apprendre leurs écritures avec le plus de précision possible étant donné que certains caractères se ressemblent parfois comme deux gouttes d’eau.
La consultation de ce site personnel vous donnera d’utiles précisions quant à la longue histoire de l’écriture chinoise et vous invitera à découvrir son indéniable richesse.
Nous vous invitons également à consulter les sites suivants qui soit traitent de la langue chinoise soit vous permettront de vous y initier :
Langue chinoise.
Ces sites, et d'autres, font partie de " l'Annuaire de sites Internet - La Chine " qui est consultable sur le site de la BM de Lyon.
Références :
Dans les collections de la BM de Lyon :
L'écriture chinoise, de Viviane Alleton
Caractères chinois : du dessin à l'idée, 214 clés pour comprendre la Chine, de Edoardo Fazzioli
Les langues dans le monde chinois, de Maurice Coyaud
Histoire de l'écriture, de James Février.
DANS NOS COLLECTIONS :
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