Question d'origine :
Bonjour,
Au musée lapidaire de Narbonne, on voit de nombreuses représentations de taureaux parmi les stèles funéraires.
Pourquoi ce symbole?
Cela vient-il du culte de Cybèle?
Merci d'avance,
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 02/09/2005 à 10h13
« Cent quarante et un blocs à frise dorique ornée presque exclusivement de têtes de bovidés et de rosettes végétales sont l’objet de mon étude. Ils sont aujourd’hui conservés, avec de nombreux autres fragments de diverse nature, dans l’église Notre-Dame de Lamourguier, ancien prieuré bénédictin transformé en Musée Lapidaire ».
Ainsi commence l’ouvrage très spécialisé de Jean-Claude Joulia, maître de conférences en histoire et archéologie à Paris IV (Sorbonne) Les frises doriques de Narbonne .
Cette référence nous a été très aimablement indiquée par Madame Farré, guide bénévole au Musée Archéologique de Narbonne, que vous pouvez contacter par l’intermédiaire du Musée Lapidaire de Narbonne (04-68-90-30-54).
Poursuivons notre lecture :
«Le décor des métopes est formé de motifs animaliers, végétaux et cultuels. Les frises continues qui accompagnent les frises doriques de trois blocs d’angle sont ornées de motifs militaires. (…)
« Hormis la représentation unique d’un scorpion, qui interrompt la frise dorique du bloc 7, et celle du bucrane qui n’est figuré qu’une seule fois, le motif animalier habituellement représenté est la tête de bovidé. (…)
« D’une façon générale, les motifs animaliers et végétaux tendent à se rapprocher du modèle naturel. Et malgré quelques déformations, volontaires ou non, il est aisé de reconnaître les particularités anatomiques des têtes de bovidé ou les caractères botaniques des rosettes végétales.
« Les exemples les mieux conservés illustrent bien cette tendance ainsi que le goût du détail. Les yeux, les mèches du chignon ou de l’épi frontal, le chanfrein qui se détache du plat des joues, les naseaux et leurs cavités, voire les plis de peau, sont rendus avec une assez grande exactitude. . Les types de têtes de bovidé ne sont pas eux-mêmes exempts de réalisme. Chez certains, la minceur de la tête et le chanfrein allongé et pincé rappellent des têtes de
Il ne s'agirait donc pas exclusivement de taureaux.
Suit une étude très documentée et assez complexe de la taille, la fréquence, l’alternance des motifs recensés sur les différents blocs, qui ayant été taillés et retaillés au cours de leurs réemplois successifs, ne révèlent pas facilement leur fonction d’origine (corniche, autel, stèle funéraire ou autre).
Il ressort de cette étude que la présence de têtes de bovidés sur les monuments funéraires narbonnais serait due à une sorte de « mode », il ne s’agirait en fait que de « motifs décoratifs ».
« Ainsi est mis clairement en relief le bien fondé de l’hypothèse que j’ai avancée pour Narbonne : à la similitude des têtes de bovidés sur un bloc, qui m’est apparue relativement constante, devait répondre une même similitude sur la totalité d’une frise, ce qui m’autorisait à établir le principe d’uniformisation du décor à partir des têtes de bovidé. »
« Les blocs de Narbonne portent une frise et assez souvent une corniche. Ils ne forment donc pas à eux seuls une élévation complète, mais s’intègrent par leur forme paralélépipédique dans des structures appareillées. La meilleure preuve en est la présence de trous de louve et de cavités de scellement sur leur lit d’attente, et parfois de cavités de scellement sur leur lit de pose, qui sont propres à leur mise en place et à leur consolidation dans ces structures appareillées.«
L’auteur avance ainsi l’hypothèse que ces blocs de Narbonne appartiendraient à des monuments funéraires, mais cette fabrication normalisée ne serait pas « d’ordre cultuel : cela aurait impliqué un trop grand nombre d’édifices religieux, en plus de ceux déjà connus pour Narbonne. Le culte domestique est aussi à écarter : si le nombre élevé de monuments auxquels les frises doriques appartiennent peut s’accorder à cette affectation, les dimensions relativement importantes de nos monuments l’excluent automatiquement. »
« Sans en avoir une certitude absolue, une datation à l’époque augustéenne pour beaucoup de monuments à frise dorique De Narbonne me semble tout à fait plausible étant donné la situation narbonnaise après la déduction de César en 45 av. J.-C. et la forte immigration italienne qui s’en suivit. Les modèles de monuments funéraires à frise dorique ont très certainement été importés par les immigrés italiens (…) Quel que soit le destinataire du monument, on a toujours fait figurer des têtes de bovidé et des rosettes végétales, très rarement des bucranes ou des « phiales ». Par ailleurs, il ne semble exister aucune relation entre ces motifs et l’eschatologie du propriétaire. Certes, la tête de bovidé et le bucrane, dont les formes empruntées à l’art grec et introduites dans la culture hellénistique tardive, sont des symboles cultuels que l’on retrouve sur des monuments religieux contemporains tels que les autels ou les bases d’offrande. Sur les monuments funéraires, l’allusion cultuelle est parfois évidente (…) mais c’est loin d’être toujours le cas et à Narbonne ce ne l’est pas. »
Cette étude, qui semble faire autorité aujourd’hui, n’évoque pas le culte de Cybèle, même si, selon Madame Farré, cette interprétation avait été envisagée au XIXe siècle.
Sur le rôle du taureau dans l’Antiquité romaine,des tauroboles et le culte de Cybèle, vous pouvez consulter :
- Les cultes orientaux dans le monde romain
- Petit atlas historique de l’Antiquité romaine
- Dictionnaire de mythologie et de symbolique romaine
- Le culte de Cybèle : mère des dieux à Rome et dans l'empire romain
- Du temple de Cybèle au prétoire d’Agrippa
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