etre bourreau en france
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 24/08/2005 à 07h34
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Question d'origine :
savez vous quelle formation fallait il faire pour etre bourreau en france et qu'est-il advenu du dernier bourreau apres l'abolition de la peine de mort ? par ailleurs etait ce un emploi a temps partiel ou complet?
merci beaucoup pour toutes vos reponses
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 25/08/2005 à 13h34
Vous pouvez consulter en préambule les deux réponses que nous avons déjà faites sur l'histoire des bourreaux :
* Bourreaux et révolution française
* Bibliographie sur l'histoire des bourreaux
Vous y lirez, entre autres, qu'il n'existait pas de "formation" de bourreaux sous l'Ancien Régime, ceux-ci étaient "formés" par leurs pères, eux-mêmes fils de bourreaux... C'est ainsi que l'on a pu voir se développer des lignées entières de bourreaux dont la plus célèbre est celle des Sanson, aux XVIIème et XVIIIème siècles, ce qui n'allait pas sans poser de réels problèmes de compétences ainsi que le relate le Professeur Jean Bastier dans "Histoire des bourreaux et des exécutions" :
Il s'agit pour Charles [le premier bourreau de la lignée Sanson, père de Charles II] d'exécuter une jeune noble du doux nom d'Angélique (!) à laquelle on reproche d'avoir fait tuer son mari. Pour elle et du fait de son rang, ce sera la décapitation, "trancher la tête d'un noble, explique Jean Bastier, se fait avec une épée, un glaive ou encore une hache qui sont armes de guerre." Pris de pitié pour la jeune veuve, Charles, le père, âgé alors de 64 ans renonce à l'exécution et demande à son fils de le suppléer. Très jeune (celui-ci n'a que 18 ans) et inexpérimenté, Charles II doit s'y reprendre à trois fois pour trancher le cou de la belle infortunée... provoquant un scandale.
Après la période de l'Antiquité (qui fait dire à l'auteur que le bourreau est certainement le plus vieux métier du monde), arrive le Moyen-Age et ses bourreaux spécialisés. "Une profusion de bourreaux exerce à ce moment là, note l'universitaire, car il y a une multitude de sièges de justice (on parle alors de justice seigneuriale). Tout un folklore prend son essor. Le bourreau fait peur, il habite la maison du pilori. Il ne faut pas le toucher, il est maudit. En même temps, l'idée qu'il touche la mort lui confère un pouvoir de guérir. En fait, nombre de bourreaux sont familiers de la souffrance, font commerce de remèdes contre la douleur, fournissent des drogues aux personnes soumises à la torture pour leur éviter d'avouer, se font rebouteux, chirurgiens, louent des échoppes dans la maison du pilori, vendent des billets pour le spectacle des exécutions." Bon an mal an, les bourreaux s'assurent ainsi un revenu confortable. Ils finissent par percevoir des droits fixes sur les denrées, des droits sur les dépouilles des condamnés qu'ils revendent ensuite. Leur traitement atteint quelque 16.000 livres au XVIIe, auxquels s'ajoutent le remboursement des fournitures...
Jusqu'en 1789, de multiples moyens sont mis à disposition des bourreaux : la potence, le bûcher, la roue, l'écartèlement, la décapitation étant exclusivement réservée au nobles. C'est alors que le docteur Guillotin invente la guillotine. En 1791, le Code pénal précise que "tout condamné à mort aura la tête tranchée".
(pour plus de détails voir le dossier en ligne sur l'abolition de la peine de mort sur le site de la Documentation Française).
Jacques Delarue, dans son ouvrage : Le métier de bourreau : du Moyen âge à aujourd'hui retrace l'histoire de ce métier. Le dernier chapitre est consacré à l'époque contemporaine, là non plus, pas de formation, même pas d'existence légale :
Nul ne peut dire qui est le bourreau, il n'a aucun statut légal, pas de véritable existence officielle. Nul texte ne définit sa fonction ; personne, depuis 1790, n'a cherché à fixer dans un texte légal ou administratif ce qu'il devait être, ni pourquoi il devait être. Le premier texte de l'Assemblée Nationale, qui choisit la décapitation comme mode d'exécution, la loi du 6 octobre 1791, ne dit pas qui l'appliquera. La loi du 13 juin 1793, établissant un exécuteur dans chaque département, et prescrivant l'établissement d'un tableau des exécuteurs, est tout aussi muette sur la façon de les choisir. Tous les décrets qui ont fixé leur nombre et leurs salaires sont semblables. On constate l'existence du bourreau et on lui alloue des gages, sans plus. Encore, autrefois, estait-ce par une loi ou par un décret signé par l'Empereur en 1811, par le roi et son Garde des sceaux en 1832, par l'Empereur et son Garde des sceaux en 1849 et en 1850, par le Ministre de la justice du gouvernement provisoire en 1870. Ce n'est même plus le cas.
Alors que les fonctions les plus banales, les plus quotidiennes, ont été définies par des textes précis et souvent surabondants, que le statut et le recrutement du moindre agent municipal, du fonctionnaire le plus subalterne, le plus humble, font l'objet de décrets, de lois et de réglements d'administration aussi nombreux que touffus, aucun texte n'a jamais tenté de préciser qui serait chargé de cette fonction suprêmement importante, capitale : donner la mort au nom de la société. On délègue ce pouvoir exorbitant, monstrueux à un homme raccolé à la sauvette dans des conditions indéfinissables, selon des critères inconnus. Et cela dure depuis des siècles. (...)
C'est que personne n'a jamais souhaité légiférer sur ce genre de sujet, c'est que tout le monde sent bien, au fond, tout de que cela a d'ignoble.
Les bourreaux étaient choisis par les fonctionnaires du Ministère de la Justice, la choix ne posant pas de problème particulier, le recrutement se fait par cooptation. C'est très souvent l'aide choisi par l'exécuteur en chef qui prend la place de ce dernier, à défaut le plus ancien ou celui qui lui est apparenté. L'avant dernier bourreau du XXème siècle, et le plus important avec 51 exécutions en tant qu'exécuteur en chef et 362 en tant qu'aide, est André Obrecht, apparenté à d'anciens bourreaux. Il prend ses fonctions en 1951 et les quitte en 1976 à l'âge de 77 ans. Son successeur est Marcel Chevalier.
L'exécuteur en chef et ses adjoints ne sont pas fonctionnaires. Comment pourraient-ils l'être ? Ils ne peuvent en rien correspondre aux définitions de la fonction publique en particulier pour tout ce qui touche au recrutement. Selon quels critères les recruterait-on ? Quels diplômes devraient-ils posséder ? Quel genre d'examen leur ferait-on passer ? On n'ose penser aux épreuves qu'ils devraient subir et aux examinateurs qui devraient les juger. Il n'est donc pas possible de mettre ces postes au concours.
C'est le Directeur des affaires criminelles et des grâces qui signe les arrêtés de nomination ou de fin de fonction.
Jacques Delarue précise par ailleurs que, même si les nominations se font par cooptation, les candidatures ne manquent pas auprès du Ministère de la justice.
Le salaire de Marcel Chevalier était en 1979 de 40833 francs annuels, soit l'équivalent de celui d'un ouvrier d'administration ou d'un employé de bureau. Compte tenu de la rareté des exécutions (de 1964 à 1979, on a exécuté 13 personnes, aucune exécution n'a eu lieu lors des années 1978 et 1979 ; les deux dernières exécutions en France avant l'abolition de la peine de mort, le 18 septembre 1981, ont eu lieu en 1977), l'exécuteur conserve son métier. Marcel Chevalier était monteur copiste dans une imprimerie industrielle de la banlieue sud de Paris.
Et le bourreau, qu'est-il devenu dans tout cela ? N'étant pas fonctionnaire, il a été très simplement mis fin à ses fonctions. Rompant avec une tradition plusieurs fois séculaire, on a décidé de ne pas lui verser le "secours annuel payable trimestriellement" lui tenant lieu de retraite. Pour la première fois, en une matière où tout reposait sur les traditions, celle-ci n'a pas été respectée. On lui a simplement versé une indemnité forfaitaire, modeste, fixée arbitrairement, pour solde de tout compte.
Vous trouverez sur le site Peine de mort une interview de Marcel Chevalier à Radio France.
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