Question d'origine :
Existe -t -il une école / mouvement d'architecture / ingénieurie qui à la fin du 20eme siècle
fasse la MISE en MODèLE des DIMENSIONS d'OBJET (mesurables en épaisseurs, longueurs, largeurs etc)
nécessaires à atteindre le beau dans la construction d'édifices en béton moderne Pour des édifices public et l'habitat?
Post-Corbusier? totalement indépendants de ce dernier?
Particularisant quoi, outre les dimensions globales
(ex: minceur de voiles des coques non développables) et les formes exceptionnelles
(de piliers et tablier de pont, aéroréfrigérants de centrales électriques)
-C'est à dire pour par exemple des portes, des fenêtres, des escaliers, les composants simples-?.
Y a il un mouvement de ce genre pour les structures en acier et les matériaux plastique / composite hors des gratte-ciels monuments particuliers ?
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 10/08/2005 à 09h24
Au vu de votre question et des différentes interrogations qui sont les vôtres, il paraît utile de donner quelques repères concernant l’architecture contemporaine, ses rapports avec les sciences et techniques et de préciser la notion de standard à laquelle vous semblez faire référence.
L’Encyclopédie Universalis en ligne (accessible à la Bibliothèque Municipale de Lyon) indique :
« Comme production matérielle, mais aussi comme art investi d'une finalité expressive, l'architecture entretient de nombreux rapports avec les sciences et les techniques. De tels rapports peuvent être rangés sous deux rubriques. L'architecture fait tout d'abord appel à des savoirs et à des procédés scientifiques et techniques qui interviennent directement dans la conception et la réalisation des édifices : résistance des matériaux, procédés de fabrication et d'assemblage des éléments constructifs, par exemple. (…)
Au xxe siècle, la diversification des techniques qui s'était amorcée avec la révolution industrielle s'intensifie encore. Cette diversification concerne tout d'abord les matériaux. Tandis que le béton armé envahit progressivement le secteur de la construction, l'ingénieur Freyssinet met au point les techniques de précontrainte pendant l'entre-deux-guerres. Bien d'autres matériaux vont faire leur apparition par la suite : produits dérivés du bois comme les agglomérés, les contreplaqués ou les lamellés-collés, aciers et verres spéciaux, plastiques, colles. Les techniques de chantier évoluent également avec la préfabrication de nombreux éléments de gros œuvre et de second œuvre et la mécanisation de plus en plus poussée des tâches qui vont permettre de produire logements et équipements à une échelle inconnue jusque-là.
En matière d'architecture, le progrès technique abolit de nombreuses contraintes. Avec les systèmes poteaux-poutres en béton, puis avec les premiers murs-rideaux, il devient possible de désolidariser la structure de l'enveloppe, comme le fait remarquer très tôt Le Corbusier. Structure et enveloppe se confondent au contraire dans les ouvrages de grande portée faisant appel aux propriétés des systèmes nervurés, des voiles minces ou des coques, construits par des ingénieurs comme Torroja, Candela ou Nervi.
Par-delà ces contrastes qui s'accusent, toutes les formes sont a priori réalisables, ce qui était loin d'être le cas auparavant. Devant la richesse des choix constructifs et formels qui s'offrent aux concepteurs, la question de la morale constructive prend un nouveau relief. En France, cette morale trouve l'un de ses défenseurs les plus convaincus en la personne d’Auguste Perret. Par l'accent qu'il met sur l'ossature, le grand pionnier de la construction en béton armé apparaît comme l'héritier de la tradition rationaliste.
En dépit des nouveaux moyens dont ils disposent, les architectes de ce siècle ont souvent tendance à se sentir dépassés par l'industrie, en retard sur son éclatante modernité. Tel est le sentiment qui anime par exemple Le Corbusier dans Vers une architecture (1924) où l'apologie du « standart » le conduit à mettre en parallèle les formes exactes du Parthénon et les lignes non moins exactes des automobiles les plus récentes afin de critiquer le passéisme dont fait preuve selon lui la discipline architecturale dans son acception académique. De même que le taylorisme tend à rationaliser les opérations et les temps de travail, la redéfinition de l'espace architectural doit conduire à une reformulation des rythmes de la vie quotidienne en accord avec les nouvelles exigences de la société industrielle.
Chez les architectes de la branche allemande du mouvement moderne, Gropius et Mies van der Rohe en tête, la dimension constructive s'impose avec plus de netteté. Elle n'en demeure pas moins subordonnée à la recherche d'effets plastiques d'une tout autre portée. Le caractère toujours unique de l'œuvre architecturale qui contraste avec la production en série des objets industriels, la dimension esthétique dont elle se pare constituent autant d'obstacles à la réintégration de l'architecture dans le champ de l'activité technicienne la plus générale.
C'est à cette réintégration que vont pourtant s'atteler toute une lignée d'architectes, d'ingénieurs et d'autodidactes, comme Jean Prouvé ou Buckminster-Fuller, qui cherchent à renouer avec une certaine pureté de l'invention constructive. La beauté des profilés métalliques conçus par Prouvé ou le caractère saisissant des dômes géodésiques de Fuller ne veulent rien devoir à la tradition académique ; ils sont en effet conçus comme autant de réponses à des besoins génériques de l'espèce humaine, réponses renvoyant à la fois à l'ensemble des techniques contemporaines et au caractère toujours singulier du processus d'édification.
Par leur optimisme technologique comme par leur rejet de la figure traditionnelle de l'architecte-artiste, Prouvé et Fuller vont exercer une grande influence sur l'architecture des années 1950-1970 qui correspond à l'apogée d'une certaine réflexion structurelle.
Cette conception holistique va décliner par la suite tandis que les architectes vont redécouvrir les vertus de la ville ancienne. Chez les représentants les plus authentiques du courant high-tech, Renzo Piano, Richard Rogers ou Norman Foster, l'héritage de Prouvé et Fuller conserve cependant tout son prestige. Affranchi de l'utopie méga-structurelle, rendu en quelque sorte à la pureté de son dessein initial, il est placé au service de projets qui mettent en scène la construction en référence à l'univers de l'industrie et de la machine, non sans tomber parfois dans un certain formalisme.
Entre architecture, sciences et techniques, le fossé s'est en effet singulièrement creusé depuis le xixe siècle, si bien que ce n'est qu'au travers de la manipulation des signes qu'il se trouve la plupart du temps surmonté par les concepteurs. Un Jean Nouvel semble l'avoir très bien compris lorsqu'il conçoit des ambiances technologiques sans pour autant chercher à combler l'écart qui s'accuse entre un univers scientifique et technique de moins en moins spatial et la discipline architecturale.
Cet écart est-il désormais inévitable ? Les réflexions visant à renouer des liens riches de sens entre architecture, sciences et techniques empruntent actuellement trois directions. Certains veulent faire de la pratique du projet le prototype des processus de conception auxquels s'intéressent tant les sciences cognitives. D'autres considèrent plutôt la complexité croissante des bâtiments, complexité constructive, mais aussi fonctionnelle avec l'introduction des dispositifs électroniques et informatiques les plus récents. Dans cette perspective, la maison ou l'immeuble de bureaux « intelligents » pourraient bien reconquérir cette technicité de pointe qui fait défaut à l'architecture contemporaine. Une dernière voie consiste enfin à explorer les liens entre l'organisation de l'espace et les manifestations d'ordre psychologique qu'ils provoquent. Dans tous les cas, il s'agit bien de surmonter l'isolement dont croient souffrir la discipline architecturale et ses représentants dans ce monde de flux immatériels que les sciences et les techniques tissent autour de nous. En l'absence d'une théorie de l'architecture faisant l'objet d'un vaste consensus à l'instar du vitruvianisme, il ne peut s'agir cependant que de tentatives dispersées. Les rapports entre architecture, sciences et techniques renvoient ainsi à l'une des causes majeures d'incertitude de la création architecturale. »
Concernant l’idée de standardisation, Konrad Waschmann peut être considéré comme le premier théoricien moderne de l’industrialisation du bâtiment. Dans son livre, The Turning Point of Building, publié en 1961, il définit la condition première de l'industrialisation, la série : « Le principe de l'industrialisation est identique à l'idée de production en masse. Pour élaborer un objet unique, une machine, une série de machines ou une usine automatique constituent une dépense tout à fait irrationnelle de capital et d'énergie. La machine ne peut être comprise que comme outil répétant continuellement un cycle prédéterminé d'activités dont le résultat économique est la production d'un nombre élevé de parties identiques. »
Les premières résistances à une architecture de répétition ont été balayées par la génération de Gropius. Pour les architectes de cette époque, l'idée de série devait conduire à une architecture nouvelle.
La problématique de l'industrialisation du bâtiment pendant la première partie du xxe siècle s'appuie sur deux concepts qu'on retrouve en permanence, celui de standard et celui de module. Gropius , Le Corbusier, Wachsmann, Mies van der Rohe et bien d'autres architectes ont marqué le devenir de l'architecture moderne par leur foi dans la standardisation et ont prôné la coordination modulaire.
Les architectes de cette époque ont considéré l'industrialisation du bâtiment comme étant seule capable de conduire l'architecture à la perfection qu'ils admiraient dans les objets manufacturés : les premiers avions de transport, les premières voitures de série. Pour les deux architectes qui ont eu la plus grande influence sur l' architecture moderne, Le Corbusier et Gropius, la standardisation n'est pas un moyen technologique ou économique, mais un objectif idéologique (…).
Gropius exprime avec clarté l'idée que « La standardisation n'est pas un obstacle au développement de la civilisation, mais elle en est, au contraire, une des conditions préalables immédiates [...]. L'unification de composantes architecturales aurait l'effet salutaire de conférer à nos villes ce caractère homogène, marque distinctive d'une culture urbaine supérieure [...].L'objectif de standardisation apparaît donc comme le fruit d'une idéologie éthique et esthétique chez Gropius et chez Le Corbusier. Les projets les plus marquants issus de cette conception sont le projet de la maison Citrohan par Le Corbusier, et les maisons industrialisées de Gropius et Wachsmann.
Cette conception de la standardisation appliquée aux logements apparut toutefois à une nouvelle génération d'architectes comme trop simpliste. Vers les années 1960, le groupe Team X, avec en particulier Candilis et Van Eyck, aborde d'une façon nouvelle le problème de la standardisation. Préoccupés de la libre articulation des espaces construits et de leur évolutivité, ces architectes ne considèrent plus les bâtiments comme un tout. Au contraire, ils cherchent à créer des configurations variées par l'utilisation de la combinatoire. En 1962, Candilis construit à Sèvres un centre artisanal à partir de volumes cubiques. Ces éléments constituent le « module », et leur liberté de composition assure la variété. On assiste donc à l'invention d'un « système » de variété, c'est-à-dire à l'adoption d'une règle du jeu. »
En ce début du XXI° siècle l’utilisation du numérique et l’évolution des matériaux bouleversent la création architecturale. On parle alors d’ architecture molle avec la généralisation de formes molles et la fin de l’angle droit.
Selon Christophe Catsaros in L’architecture contre-attaque. Art press, hors série mai 2005, « le non standard se présente comme un renouvellement radical des normes esthétiques en architecture. Un nouvel élan qui ose le design et l’expérimentation des formes, rompant avec l’autoréférentialité du postmodernisme. Spectaculaire, le non standard se montre innocent et impulsif dans ses jeux de morphogenèse. Une des interprétations de l’apparition de cette nouvelle architecture est une explication technique : de nouveaux outils informatiques sont en train de révolutionner les applications statiques du bâtir avec comme première conséquence, une capacité quasi infinie à réaliser des formes. Toute forme serait potentiellement traduisible en construction. »
Concernant cette question, nous vous renvoyons à l’exposition « Architectures non standard» qui s’est tenue au Centre Pompidou à Paris (décembre 2003-mars 2004).
La notion du beau est elle aussi aujourd’hui revisitée. Nous vous renvoyons par exemple à l’ouvrage « Qu’est ce que le beau ? » de Jean Lacoste qui s'interroge sur une possible définition de la beauté moderne. « L’idée du beau, l’idée qu’il pourrait y avoir une norme permanente et universelle de la beauté, sur laquelle se fonderait le jugement esthétique et qui guiderait l’artiste dans sa création, ne peut plus avoir cours. La notion de beau idéal est une illusion du passé».
Parmi une production abondante, quelques ouvrages complémentaires que vous pouvez consulter à la Bibliothèque Municipale de Lyon :
Le béton: histoire d'un matériau, économie, technique, architecture
Splendeur du béton : les prédécesseurs et l'oeuvre d'Auguste Perret
Propriétés des bétons
Construire avec les bétons
Architectures expérimentales 1950-2000
DANS NOS COLLECTIONS :
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