Question d'origine :
Bonjour,
Il y a quelques années j'ai entendu parlé (aux informations télévisées) du développement des petits services aux employés d'une entreprise.
Il s'agissait d'ouvrir un "stand" dans une entreprise et de réaliser des services particuliers demandés par les employés de cette entreprise (démarches administratives, recherches internet, ...). Il ne s'agit pas là de gestion de crèches ou de cantines dans une entreprise mais bien de "petits" services.
Je voudrais savoir si ce secteur s'est développé et quels en sont les principaux acteurs ?
Merci de votre réponse
Olivier
Réponse du Guichet
bml_soc
- Département : Société
Le 09/08/2005 à 08h26
La loi sur les 35 heures, qui a catalysé les exigences des salariés, associée à l'effacement de la frontière entre les différents temps sociaux (temps de la vie privée et temps de la vie professionnelle) a fait émerger en France des réflexions dans les entreprises sur la gestion du temps. Aussi le développement des services aux employés d’une entreprise sur leur lieu de travail, apparait peu à peu dans l'Hexagone (Unilever, Monoprix...), suivant ainsi un mouvement commencé il y a déjà longtemps dans les pays anglo-saxons.
Les salariés/clients qui peuvent bénéficier de services tels qu’une crèche, un pressing, un coiffeur, des services automobiles, une agence de voyage, une salle de sport… sont considérés comme devant être soignés comme le sont les clients de l'entreprise, d’où le terme de « cliemployés » utilisé pour les désigner.
Des entreprises comme Affiniteam (Groupe ACCOR) se sont même spécialisées dans l’offre de services (brokers de services) pour les salariés de l'entreprise, déchargeant ainsi cette dernière d’une lourde gestion.
Voici l’analyse de ce phénomène du "cliemployé" que propose Alexandra PERRONET, doctorante en sciences de l’information à l’Université de Toulouse, dans une recherche intitulée « Le client coproducteur dans l'entreprise étendue » :
« LES SALARIES / CLIENTS
Les nouvelles préoccupations des besoins des clients et de la personnalisation des services, modifient les conditions de travail en modifiant ainsi les approches managériales. La fidélisation ne s'adresse plus seulement aux clients de l'entreprise mais aussi aux salariés. La rémunération et les possibilités d'épanouissement personnel ou d'évolution ne sont plus parmi les premiers critères de choix des salariés. Les avantages et services offerts par l'entreprise prennent de plus en plus d'importance. Car en effet, les salariés des entreprises sont avant tout des clients, des consommateurs.
Interpénétration vie privée/professionnelle: Les salariés déclarent manquer de temps dans leur vie quotidienne, et réclament ainsi de plus en plus de services, afin d'améliorer leur vie. Les entreprises pensent devoir donc aujourd'hui jouer un véritable rôle quant à l'amélioration de la vie quotidienne de leurs salariés, en leur proposant des services (crèches, pressing, réductions sur les produits maison, etc.). Les pratiques managériales sont très révélatrices de cette modification (chez France Télécom on reçoit avec sa fiche de paie, des publicités pour les produits proposés sur la "boutique des salariés", un portail intranet proposant des produits et services du groupe).
La figure du salarié et du consommateur sont donc inter-mêlées. La communication managériale à bien saisie cette évolution et modifier ses pratiques pour considérer le salarié comme un consommateur, en mêlant des discours sur les avantages professionnels et privés.
On parle d'intégration des besoins des individus à ceux des salariés. Une dimension marketing est donnée aux ressources humaines.
Ainsi les salariés/consommateurs ont récemment était rebaptisés des "cliemployés", contraction du terme de "client" et d'"employé". Alors qu'avec les nouvelles technologies la vie professionnelle a envahi la maison, pourquoi la vie privée n'envahirait-elle pas le bureau ?
Le salarié devient client : Au niveau de la communication managériale, de nouvelles stratégies pour attirer et fidéliser cette fois non pas des clients externes à l'entreprise, mais internes, les salariés eux mêmes, se mettent donc progressivement en place dans de nombreuses entreprises.
De la même manière qu'il semblerait que le client eut été redécouvert par l'entreprise, on parle aussi de "nouveaux salariés" qui deviendraient des cliemployés. L'utilisation de cette terminologie, exprime la manière dont les salariés sont considérés aujourd'hui par les entreprises: comme des clients et des consommateur avant tout. Pourtant n'ont-ils pas toujours été des consommateurs ?
Ainsi on leur propose de nouveaux services (pressing, livraison de courses, entretien de voiture, massage, aide parentale, crèche, conseil juridique ou social, réduction sur produits ou services internes, etc…). Les salariés peuvent ainsi avoir des pratiques de consommation de leur lieu de travail. La frontière entre la vie privée et la vie professionnelle des salariés s'estompe. Et selon le discours des entreprises, ils doivent être dorénavant considérés dans leur intégralité et dans leur individualité et non plus en tant qu'employés seulement.
Mais avec ce nouveau système de management, et ce nouveau concept de "cliemployé", n'y a t il pas un risque de retour au paternalisme ?
Finalement les entreprises ont rapidement compris que les stratégies marketing, et notamment celle du CRM pouvaient aussi s'appliquer aux clients internes, les salariés. Une fusion entre des techniques marketing et de communication managériale a donné lieu à l'ERM (employés relation management). On est donc passé du CRM à L'ERM, une manière de rechercher la satisfaction des salariés de la même manière qu'on recherche celle des clients.
Le discours managérial prétend ainsi "remettre l'homme au centre de la relation" remarque Danielle Linhart. Et plus que pour fidéliser et attirer les salariés, cette nouvelle stratégie permet surtout de jouer sur leur motivation et leur implication au travail. D'après le patron d'Affiniteam, Dominique Beaulieu, les services proposés "servent plutôt à motiver ceux qui sont en place et qui ont l'impression de travailler plus et de gagner moins". (Affiniteam propose d'ailleurs par ces services de contribuer au "bonheur" des salariés et de leur entreprise).
De la même manière que pour les clients externes la démarche se veut personnalisée, et fidélisante, elle l'est aussi pour les clients internes. Plusieurs articles parlent d'ailleurs "d'univers personnalisé", créés en amont avec la participation des salariés eux-mêmes (par des tests et des évaluations en ligne). Dans ce processus de création et de production de services, la participation des clients est requise. On leur propose de participer à la conception de l'intranet, et de définir leurs besoins avant de leur proposer un panel de services. Les salariés des entreprises sont sollicités, mais non pas en tant que salariés cette fois, mais en tant que client destinataires de l'offre.
Mais les offres de services étant difficile à gérer en interne, les entreprises optent pour la sous-traitance avec des sociétés comme Affiniteam qui propose des portails intranet où toutes les offres sont accessibles, via un mot de passe ("un univers personnalisé"). Je citerai donc ici le texte de la page d'accueil de leur site intranet :
"Affiniteam imagine le cliemployé : Déposez votre costume le matin au bureau, on vous le rend propre et repassé. Pas le temps de faire vos courses ? Elles sont déposées dans le coffre de votre voiture ou à votre domicile. En panne de baby -sitter ?.... Ce sont quelques-uns des services qu'Affiniteam peut mettre à la disposition des collaborateurs pour leur faciliter la vie. Née du constat selon lequel la frontière entre nos vies privées et professionnelles s'estompe, Affiniteam conçoit et met en oeuvre, avec la direction des entreprises, des programmes de service et d'avantages destinés à attirer, motiver et fidéliser leurs salariés." »
Les entreprises comme Affiniteam surfent ainsi sur la vague de la stratégie marketing « B to B to C » soit « Business to Business to Consumer » :
"Affiniteam ou le concept de B to B to C :
Proposer aux entreprises une prestation qui les mette en valeur vis-à-vis de leurs employés en leur offrant des avantages : l’objectif d’Affiniteam, start-up lancée par Dominique Beaulieu, associé de Valoris, sur le concept innovant du B to B to C.
La ligne de démarcation entre la vie professionnelle d’un salarié et la vie privée d’un homme ou d’une femme a tendance à s’estomper, constate Dominique Beaulieu, associé de Valoris et fondateur d’Affiniteam. On attend également de l’entreprise autre chose qu’un moyen de subsistance. Elle doit être un moyen d’expression, de développement personnel. Les entreprises qui veulent conserver intactes la motivation et la disponibilité de leurs collaborateurs doivent désormais les considérer dans l’entièreté de leur dimension, intégrer leurs besoins d’hommes et de femmes et non plus uniquement de salariés. Affiniteam a donc choisi de se spécialiser dans l’équilibre entre la vie privée et professionnelle, sachant que nous sommes convaincus que c’est du bien-être individuel et collectif que dépend la performance individuelle et collective de l’entreprise. » Pour parvenir à cet objectif, Dominique Beaulieu a mis au point un business modèle, déposé au niveau mondial et baptisé "B to B to C", « qui conjugue les avantages de tous les modèles développés jusqu’ici (C to C, B to B et B to C), tout en en palliant les limites ». La démarche proposée consiste à rassembler dans l’entreprise les avantages dont disposent déjà ses collaborateurs puis à constituer un ensemble de services complémentaires à forte valeur ajoutée et enfin à rendre l’ensemble facilement accessible via un Extranet.
Six types de services pour les "Cliemployés" :
Les "Cliemployés", selon le terme déposé par Affiniteam, peuvent ainsi se voir offrir six types de services : "offres maison" - conditions spéciales consenties par l’entreprise à ses employés sur les produits et services qu’elle commercialise - ; "corporate services", faisant bénéficier les collaborateurs des conditions négociées par leur entreprise pour ses propres besoins auprès de fournisseurs (billets d’avions, location de voiture...) ; tarifs pré-négociés par Affiniteam auprès de fournisseurs labellisés (informatique, hi-fi, voyage...) ; services de proximité, "Groom Service", destinés à faciliter la vie quotidienne (entretien automobile, pressing, livraison de fleur...) et comprenant un support téléphonique et e-mail pour des conseils juridiques, financier... ; plate-forme de communication bi-directionnelle entre l’entreprise et ses collaborateurs et enfin plate-forme d’échange entre employés, hébergeant pages personnelles, petites annonces, ventes aux enchères, achat group... A moyen terme, Affiniteam entend mettre en place un club, regroupant l’ensemble de ses entreprises clientes, et offrant ainsi une vaste place de marché à une communauté, dont l’un des avantages - et non le moindre - sera d’être constituée de personnes nominativement identifiées. Chaque collaborateur d’une entreprise adhérant à la démarche sera doté d’une carte de fidélité, cobrandée, permettant de matérialiser les transactions, accumuler des points. Servant de porte-monnaie électronique, cette carte pourra être abondée par l’entreprise ou les différents partenaires. Forte de dix personnes et démarrant à la fois en France et en Grande-Bretagne, Affiniteam lance son activité à la fois en "vente directe" en s’adressant directement aux présidents d’entreprises cible (high-tech, groupes multi-activité, média...) et en "vente indirecte" en souhaitant convaincre des fédérations professionnelles, places de marché de e-procurement avec les grandes banques, réseaux d’agents et courtiers d’assuranc... Objectif 2000 : faire adhérer sept entreprises dans chaque pays, avec 7 000 "Cliemployés". "
François Rouffiac in Marketing Magazine N° 51 - 2000
Vous pouvez compléter votre information en lisant les références suivantes :
Les nouveaux salariés deviennent des "cliemployés", Journal du Net, 01/12/2000
"Le salarié devient un client ", yahoo.fr, 14 mai 2002
"Tout ce que les salariés ont toujours rêvé d'avoir au bureau..." , Flore d'Arfeuilles in CB-News, 27/11/2000
"Pour attirer et fidéliser les profils, les entreprises se mettent à leur service" in Le Soir, 21/12/2002.
"Combler ses employés d'un coup de clic" in Le Soir, 15/09/2001.
"La gestion du Capital temps dans l'entreprise est encore balbutiante", Estelle Leroy, La Tribune, 20/03/2003.
"Rémunération : relever le défi de l'international" - Les cliemployés ; compétences, fidélisation, performance,Jean-Marie Peretti, professeur de management à l’ESSEC, Marcuevans, Paris, avril 2002.
"Le temps des uns, le temps des autres", Qualité/Chronopost International/Ipsos, éditions 2002.
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