Question d'origine :
Bonjour,
j'effectue en ce moment des recherches pour mon mémoire. Celui-ci porte sur "l'art comme outil de paix dans les zones en situation de conflits". Auriez-vous des documents concernants l'art comme médiateur dans les zones de conflit ou post-conflit, l'art comme médiateur inter-culturel, "l'humanitaire artistique", le maintien de l'art ou des activités artistiques pendant des conflits, l'art comme moyen de sortir du conflit (ne serait-ce que mentalement). Mon étude porte davantage sur le conflit en ex-yougoslavie et en Colombie mais des documents se rapportant à d'autres zones de conflits ou post-conflit ou plus généraux peuvent aussi être intéressant.
Merci beaucoup pour le temps passé à me répondre.
Aurélie
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 05/08/2005 à 12h48
Les plus grands artistes ont utilisé leur talent d’expression pour dénoncer les atrocités de la guerre : Goya, Jacques Callot, André Masson, Otto Dix, Picasso, et bien d’autres. Ils l’on fait en réaction à des événements historiques précis, mais ont traduit plus généralement les multiples visages de la guerre, aussi bien du côté de l’agresseur que du versant des victimes. C’est en tant qu’homme que ces artistes ont réagi, comme le déclare Picasso dans ces quelques lignes : « Que croyez-vous que soit un artiste ? Un imbécile qui n’a que des yeux s’il est peintre, des oreilles s’il est musicien, ou une lyre à tous les étages du cœur s’il est poète, ou même, s’il est boxeur seulement des muscles ? Bien au contraire, il est en même temps un être politique, constamment en éveil devant les déchirants ou doux événements du monde, se façonnant de toute pièce à leur image.» De telles œuvres préparent l’esprit de chacun d’entre nous à rechercher la paix, voire déterminent l’opinion publique à réagir face à un conflit. Les photos des photographes de Life sur la guerre du Viêt-Nam ont concouru à l’abandon de la guerre du côté américain.
De nos jours, les artistes se sentent également concernés, mais les modes d’expression et de communication artistiques ont évolué avec la société. Les formes et les objectifs développés par les artistes contemporains sont multiples et intègrent à divers titres des éléments directement rattachés à des conflits particuliers, pour faire œuvre individuelle ou collective.
A titre d’exemple, nous avons repéré certains documents de notre fonds dans lesquels apparaît clairement la démarche artistique :
Grand tableau antifasciste collectif / dir. Laurent Chollet, éd. Dagorno, 2000.
Livre consacré au « Grand tableau antifasciste collectif », peint à l’automne 1960 par Jean-Jacques Lebel, Enrico Baj, , Erro, Roberto Crippa, Gianni Dova et Antonio Recalcati qui s’engagent dans l’opposition à la « sale guerre » que menait la France en Algérie. L’historique de ce tableau, cas typique d’une oeuvre collective révolutionnaire, de sa conception par les artistes à sa réception par le public, est abondamment exposé.
Stolice : situations / Dominique Blaise, in Numéro, n° 16, 1994
Journal tenu au jour le jour par l’artiste sur l’exécution de la commande d’une œuvre lors du conflit serbo-croate, dans le cadre de « Présence artistique » de l’association Equilibre.
A ce propos, signalons le mémoire DESS déposé à la Faculté d’anthropologie et de sociologie, à Bron : Pascale Fougère, « Présence artistique », le département culturel de l'association humanitaire Equilibre, précurseur d'une action artistique au sein d'une ONG, 1994, 45p.
Sentinelles de l'ombre / Jane Evelyn Atwood, éd . Seuil, 2004.
Autre collaboration exemplaire avec une ONG, le travail photographique de Jane Evelyn Atwood, spécialisée dans la rencontre des exclus, qui s’associe à Handicap international pour témoigner par les images et un carnet de bord, des conséquences de l’emploi des mines antipersonnel au Kosovo, Mozambique, Cambodge, en Angola et en Afghanistan
Détails du monde, W B, Sophie Ristelhueber
Trois ouvrages d’une artiste contemporaine qui utilise la photographie pour montrer de façon singulière des lieux où se sont déroulés des conflits récents : Beyrouth en 82, le Golfe en 91, l’ex-Yougoslavie de 1991 à 1997, l’Irak en 2001.
Rwanda 94 : le théâtre face au génocide : Groupov, récit d’une création. Numéro de la revue Alternatives théâtrales, 67-68, avril 2001, qui présente et analyse toutes les étapes de l’évolution de ce projet théâtral (journaux de travail, entretiens, analyses, textes inédits, photos du spectacle) basé sur le génocide des Tutsi au Rwanda.
La pratique du dessin peut être utilisée par des psychologues comme moyen privilégié pour les enfants d’exprimer leur traumatisme dû à la situation de guerre. Voici deux ouvrages sur cet aspect :
Je ne veux plus dessiner la guerre / Médecins du monde, 2002
Recueil de dessins d’enfants tchétchènes réfugiés, en 1994, 1995, 2000 et 2001.
Dessine-moi la paix : la guerre vue par les enfants de l'ex-Yougoslavie, éd. Chêne, 1994
Dessins et textes recueillis par l’UNICEF pour répondre aux troubles psychologiques des enfants contraints de vivre en pleine guerre.
Sur la question de la possibilité de représenter la guerre, deux ouvrages semblent intéressants :
Le silence des peintres : les artistes face à la Grande Guerre / Philippe Dagen, éd. Fayard, 1996
Etude historique détaillée concernant la difficulté des peintres confrontés à la guerre de 14-18 à réaliser des peintures qui en témoignent.
La guerre imaginée / sous la dir. De Philippe Buton, éd. S. Arslan, 2002
Etude des illustrations de la guerre où il apparaît que toute guerre imagée est une guerre imaginée. Loin de dire le vrai, l’image est toujours synonyme de médiation, donc de médiation. Ainsi saisie, elle permet aux auteurs de cet ouvrage de fouiller les données politiques comme les inconscients sociaux, de l’époque reculée de la guerre de Troie jusqu’au récent conflit vietnamien.
Plus généralement et de manière plus succincte, l’ouvrage Art et politique / Daniel Vander Gucht, éd. Labor, 2004, donne quelques pistes de réflexion sur la problématique de l’engagement de l’artiste dans l’art contemporain, depuis 1970.
En ce qui concerne l’aspect du maintien de l’art dans une situation de conflits, nous vous signalons les livres :
La littérature arabe et le conflit au Proche-Orient / Shimon Ballas, éd. Anthropos, 1980, qui décrit l’évolution de la littérature palestinienne, production romanesque et théâtrale, de 1948 à 1973.
Israéliens, Palestiniens, que peut le cinéma ? / Janine Halbreich-Euvrard, éd. Michalon, 2005.
L’auteur, critique de cinéma, sous forme de carnets de route, nous décrit sa tentative de réconciliation entre deux peuples qui se déchirent, par la mise en place d’un festival de cinéma.
Par ailleurs, vous trouverez sur Internet des comptes rendus du festival de Sarajevo, créé en pleine guerre, dont Van Der Keuken a tiré lui-même un film. Et toujours à Sarajevo, le projet de Louis Jammes qui engage la participation des enfants qui y vivent.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter