Question d'origine :
J'ai sous les yeux un ouvrage relié (une édition de 1883) portant sur le premier plat "LE LIVRE ÉCHANGE",
A l'intérieur une vignette collée "Entré, sorti, MACON N° 54".
Page de garde avec, entre autres indications, la mention Montpellier, Imprimerie Centrale du Midi,
(Hamelin Frères) Imprimeurs du Libre-Échange.
Pouvez-vous m'indiquer comment fonctionnait ce système de prêt, qui l'a créé, et s'il existe des études sur ce sujet?
Merci.
Cordialement
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 09/01/2009 à 16h40
Pouvez-vous nous envoyer une reproduction photographique des différentes parties de l'ouvrage que vous nous avez décrites afin que nous puissions mieux orienter notre recherche ?
Merci.
Commentaire de
jeannot1935 :
Publié le 26/01/2009 à 17:45
Je possède un ouvrage (Davyl- Les Idées de Pierre Quiroul- 1883) relié en percaline verte avec sur le plat la mention "Le LIVRE ÉCHANGE", une petite locomotive et un monogramme MPC.
A l'intérieur une vignette collée "Entré Sortie MACON N° 54" avec cachet et signature, et sur les pages de garde suivantes pour chaque ville la liste des dépositaires et des hôtels.
J'aimerai connaitre l'origine et l'histoire de cette organisation de prêt.
Je vous remercie.
Cordialement.
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 06/02/2009 à 16h49
Le LIVRE-ECHANGE est une forme originale de bibliothèque tournante qui fut lancée en 1882 par un voyageur de commerce de l’orfèvrerie Christofle,
Il a été récemment étudié d'une manière approfondie par Bernard Grelle, Noë Richter, Edmond Thomas dans «
En voici résumées les conclusions principales :
La seconde moitié du XIXe siècle voit l’apparition d’une lecture de masse. Des réseaux parallèles aux bibliothèques municipales (réservées à l’érudition), et aux cabinets de lecture dont l’activité est en déclin, se mettent en place. Mais leur conception, leur structure et leur fonctionnement sont différents et souvent originaux. Ces réseaux ont été peu étudiés, car pour la plupart il n’existe ni archives, ni catalogues des livres mis en circulation. Seules les pièces rapportées, les cahiers encartés porteurs de messages utiles ou publicitaires contenus dans les volumes de ces bibliothèques permettent de fixer des chronologies.
"On connait peu la personnalité du créateur du Livre-Echange, Molles-Puyredon. Voyageur de commerce pour le compte de la maison Christofle, il organise un réseau de lecture pour ses confrères habitant en France, et il en installe le siège à Bruxelles dans l’immeuble qui abrite le magasin belge de Christophle. Bruxelles, Montpellier et Paris seront les principaux sièges du Livre-Echange.
En ce qui concerne les modalités de fonctionnement du réseau, Molles fait d’abord dessiner et fabriquer de petits meubles-bibliothèques d’une contenance de 60 volumes in-18 Charpentier à 3, 50 francs qu’il propose en location aux hôteliers pour 50 centimes par jour. Les livres reliés dans la couverture originale du Livre-Echange sont facturés 3 francs au dépositaire qui assume deux fonctions étroitement imbriquées : libraire et loueur de livres. Libraire, il vend les livres reliés 3,50 francs et garde pour lui le bénéfice de la vente. La plupart des livres, cependant, sont utilisés comme monnaie d’échange dans les dépôts du Livre-Echange. L’hôtelier-libraire devient ainsi loueur de livres et il est rétribué par la perception d’un droit d’échange de 50 centimes. Le promoteur s’engage de son côté à maintenir l’intégrité du fonds de lecture en remplaçant aussitôt les livres vendus et en assure également l’actualisation en renouvelant chaque année le tiers de la bibliothèque.
Le projet initial était destiné essentiellement un service de lecture destiné aux personnels nomades. Peu à peu, le système évoluera vers une pratique purement commerciale, avec une utilisation importante de la publicité. Il s’y ajouta même un commerce de bazar (droguerie, instrument de musique, quincaillerie etc.). Dans la première période du réseau, de 1884 à 1890 le nombre de livres et des dépôts desservis ne cesse d’augmenter. Leur répartition au sein de l’hexagone donne l’image d’un réseau provincial organisé pour les voyageurs de commerce en tournée. Après 1890, les chiffres montrent une modification de la répartition géographique et typologique des dépôts. La structure s’inverse : de 1 en 1890 à 106 en 1897 et à 124 en 1905, les dépôts parisiens forment le tiers de l’ensemble.
L’analyse des annonces publicitaires révèle l’apparition d’entreprises et de commerce ignorés jusqu’alors : par exemple les Compagnies de chemins de fer du Nord et d’Orléans. Les libraires et les loueurs de livres adhèrent, nombreux, à une organisation qui assure un renouvellement régulier de leurs fonds de lecture. Les imprimeurs, les éditeurs et distributeurs, les kiosquiers apparaissent dans la foulée. Plus motivés que les hôteliers et les restaurateurs, les professionnels du livre passent de 3 en 1890 à 358 en 1897. Enfin, le nombre des hôteliers diminue brutalement : ils ne sont plus que 64 sur 448 en 1897.
Initiateur et maître du système, Molles-Puyredon impose son tarif aux dépositaires. Dans les premières années, il a voulu aussi contrôler l’activité des dépôts. Dès 1884, il a tenu un registre matricule. Les numéros d’enregistrement ne figurent pas dans les répertoires, mais sur des timbres imprimés portant le nom des établissements dépositaires que ceux-ci devaient coller dans les volumes,(Dans votre cas, Dépôt de Mâcon). Cette pratique fut abandonnée après 1890.
Le créateur du Livre-Echange a apporté tout son soin à la couverture des livres de la bibliothèque, dont il a déposé le modèle pour éviter les contrefaçons. Il s'agit d'un "cartonnage", carton mince recouvert de percaline vert sombre, au décor frappé d'un décor doré. Sur le plat supérieur, une locomotive surmontée d’un panache de fumée et son tender sont posés de profil sur un rail. Dans le coin inférieur, le monogramme du fondateur : EMP. Entre ces deux motifs un large zigzag avec l’inscription LE LIVRE ECHANGE. Le fer est signé de « Charles Magnier et ses fils rel. » (cf. Sophie Malavieille Reliure et cartonnages d’éditeur en France au dix-neuvième siècle)."
Système simple et souple (les entrées et les transactions demeuraient anonymes), le Livre-Echange par le nomadisme de ses emprunteurs impulsait un mouvement perpétuel et un auto-renouvellement des dépôts qui permettait d’éviter la stagnation dont souffraient les bibliothèques populaires. Il y eut des émules du Livre-Echange : le Livre-Annonce, qui vit le jour quelques années plus tard, et la Société des bibliothèques du Roman-Réclame dans les toutes dernières années du XIXe siècle. Actuellement on en retrouve une résurgence dans le « Livre voyageur » des hôtels Ibis.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 1
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter