Question d'origine :
Les fortifications qui entourent la ville de Lyon sont-elles liées à la crainte d'une invasion après 1815 ou dans les années 1840/ 1845 (tensions internationales ? ou sont-elles la conséquence de la révolte des canuts en 1831 ou la conséquence des deux "dangers"?
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 08/12/2007 à 15h34
Nous vous renvoyons à la lecture de la thèse de Madeleine Mettey-Bunevod,
Dès 1815, les lyonnais s'inquiétaient de l'insuffisance des défenses entourant leur ville.
L’auteure considère que les fortifications de 1830, décidées avant les révoltes des canuts, relèvent d’ « une véritable entreprise sociale » :
En novembre 1830, le préfet, outre quelques mesures prises pour améliorer les subsistances, ouvre un comité de travail destiné à mettre en œuvre une série de grands chantiers de terrassements, ultime recours de tous les gouvernements contre le chômage. C’est ainsi que s’ouvrent à Lyon, afin de faciliter l’embauche des chômeurs à l’approche de l’hiver, de grands travaux de fortifications pour lesquels une souscription a ét ouverte. Le directeur des fortifications, le colonel Huart, transmet l’ordre d’ouvrir ces chantiers avant même que le décret en soit signé de Louis-Philippe, tant l’urgence s’en fait sentir. La lettre du 15 décembre 1830 souligne que la décision gouvernementale aura le triple avantage « de faire de Lyon un des plus puissants boulevard de l’Etat », de garantir la fortune de ses habitants et de procurer à la classe ouvrière « des moyens d’occupation dans une saison ordinairement rigoureuses pour l’indigence ». Le général Montfort ne précisait-il pas déjà, en 1815, qu’il attachait à l’exécution des travaux ordonnés par l’Empereur un double intérêt : activer la mise en état de la défense de la ville et « occuper des bras qui peuvent devenir dangereux »…
Le sort a voulu que les travaux de fortifications, ouverts dans la précipitation, coïncident avec l’un des paroxysmes du mouvement ouvrier des années 1830-1831, alors que les dangers de la guerre extérieure s’éloignaient, laissant espérer l’instauration d’un climat de paix qui s’établissait effectivement pour une trentaine d’années. Ce concours de circonstances ne fut pas présenté par les politiques dans l’esprit didactique qui se devait de l’accompagner : l’époque d’ailleurs ne s’y prêtait pas, et la peur régnait encore. Aussi l’évènement fut-il accueilli avec passion, rouvrant les anciennes blessures, ranimant les vieux contentieux, faisant redouter le pire à la ville qui se vit de nouveau encerclée et vouée pour la seconde fois au parisianisme dominateur : rien d’étonnant à ce que les bouleversements engendrés par les travaux de la première ceinture de forts, si mal accueils aient effrayé et n’aient pas été compris…
En tout état de cause, il est impossible d’admettre que les dix-huit forts ceinturant la grande place stratégique du sud-est du royaume qu’est la ville de Lyon, maintenue sous la pression constante des Sardes et la menace autrichienne, se dressent contre les citoyens… Ce serait ignorer que les fortifications, depuis leur plus lointaines origines ont toujours eu pour but de protéger et de conserver le patrimoine commune comme elles l’ont si souvent démontré. C’est surtout ignorer qu’un ouvrage de défense est une construction mathématique implantée non pas au jugé, mais en fonction de flanquements parfaitement déterminés, que ses commandements sur la campagne ou sur un autre ouvrage, son défilement et ses vues sont rigoureusement analysés…
S'appuyant sur les écrits des stratèges militaires, comme le commandant Choumara en 1847, l'auteure ajoute que des fortifications destinées à contenir des insurrections populaires comme celle de 1830 seraient totalement inutiles, car elles n'y résisteraient pas, ... ce sont des torrents auxquels rien ne résiste : c'est à la sagesse du gouvernement à les empêcher de naître en se plaçant à la tête de l'opinion et en marchant avec son siècle.
Bel exemple de sagesse militaire.
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