Question d'origine :
Bonjour,
Existe-t-il des références historiques sur la date et le lieu du martyr de 4 chrétiens lyonnais en 178 : Saint Epipode et saint Alexandre, martyrisés à Lyon et St. Valérien et St. Marcel, respectivement martyrisés à Tournus et à Chalon sur Saône.
Par ailleurs connaît-on le nombre exact de martyrs de 177 : 46, 48, 50 ?
Merci de votre réponse
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 12/03/2019 à 14h52
Nous commencerons par votre dernière question sur le nombre de martyrs de 177, en nous appuyant sur l’ouvrage Lyon et les origines du christianisme en Occident, de François Richard et André Pelletier, paru en 2011 aux éd. lyonnaises d'art et d'histoire. Cet ouvrage se base sur l’étude de la principale source historique sur les martyrs lyonnais de 177, à savoir un dossier qui se trouvait vers 300 à Césarée de Palestine, partiellement publié par Eusèbe de Césarée, et repris dans différents écrits. « Ce dossier rassemblait trois documents et un petit groupe de lettres, tous écrits en grec et copies d’originaux lyonnais datables de la fin de la persécution, 177 ou peu après : le plus intéressant est de loin la « Lettre des martyrs » de177, un texte anonyme très bien écrit, au point qu’on a souvent émis l’hypothèse (invérifiable, mais non invraisemblable) que son auteur était Irénée lui-même. Il raconte avec précision et émotion le déroulement de la persécution. Eusèbe nous dit qu’il en donne seulement des extraits, parce qu’il a déjà eu l’occasion de la publier intégralement dans un « Recueil des martyrs » maintenant perdu. Mais ces extraits forment déjà un ensemble important de dix-neuf pages dans l’édition française de la collection des Sources chrétiennes (HE V, 1-3).
Suivait une liste nominative des chrétiens, hommes et femmes, morts pour la foi, et des confesseurs, qui avaient confessé le Christ, mais n’en étaient pas morts. La composition de cette liste est évoquée par Eusèbe : martyrs et confesseurs étaient répartis en quatre groupes. Mais il ne la transcrit pas, car il déclare l’avoir publiée dans le recueil déjà cité. Elle a pourtant été conservée en latin dans divers documents du Haut Moyen Age, sur lesquels nous reviendront plus loin, où seuls les noms des trois premiers groupes, ceux des martyrs, ont été retenus. (…)
Son intérêt majeur, certes, tient à l’admirable évocation du martyre des Lyonnais, mais Pierre Nautin invite aussi à ne pas en oublier la valeur doctrinale, qui justifiait les copies et les transmissions : il donnait les opinions autorisées sur deux questions brûlantes dans l’histoire de l’Eglise ancienne, le choix entre indulgence et sévérité envers les chrétiens coupables de défaillances pendant les persécutions, et la valeur des visions montanistes. »
Voici ce qu’on peut y lire à propos de la liste des martyrs : « cette liste, sans doute sauvegardée dans la traduction latine de Rufin d’Aquilée, grand traducteur d’Eusèbe au début du Ve siècle, a été recopiée à part, et s’est diffusée en France ou en Europe, pendant tout le Moyen Age, reproduite dans des martyrologes et des passionnaires, mais aussi chez un écrivain bien connu du VIe siècle, Grégoire de Tours, dans son ouvrage, La gloire des Martyrs. (…) Dom H. Quentin dans les Analecta Bollandiana, a réussi à retrouver la première traduction médiévale, antérieure à Grégoire de Tours, qui donne 48 noms, divisés en trois sections qui correspondent à celles qu’Eusèbe annonçait, la quatrième, celle des confesseurs, n’ayant pas été retenue. Don Quentin explique que
Lorsqu’il s’agit de trouver des références historiques (entendons par là avec des informations attestables sur le plan historique et non de l'ordre de la légende) sur Saint-Epipode, Saint-Alexandre, Saint-Valérien et Saint-Marcel, l’affaire se gâte.
Dans son Mémorial de la confrérie des Saints-Martyrs de Lyon, (1880) Dominique Meynis écrivait à propos de saint Alexandre et saint Epipode (p. 17) : « Bien que les Actes de leur martyre ne soient pas des originaux, les auteurs les plus graves s’accordent à reconnaitre qu’ils remontent à une époque très reculée. (…) ».
Simone Wyss, dans Les martyrs lyonnais entre l’histoire et la légende (1999) se penche sur cette question :
« Il ne faut pas oublier qu’il certain nombre des documents écrits aux premiers siècles de notre ère ne sont pas parvenus jusqu’à nous, d’autre part qu’aux époques anciennes on écrivait peu, alors que la mémoire orale était particulièrement développée. (…) ces traditions locales, insaisissables puisque non écrites, seront elles aussi à la base des vies de saints qui s’élaborent dès la 2ème moitié du Ve siècle.
C’est en effet probablement à cette époque que sont rédigés, peut-être à Lyon, les Actes (ou passion) de Saint-Alexandre et Saint Epipode, source d’à peu près tout ce que nous savons sur eux. Ce sont peut-être des éléments de cette Passion que nous retrouvons dans une homélie sur les deux martyrs attribuée à Fauste, évêque de Riez (deuxième moitié du Ve siècle). (…) Cette homélie fut prêchée vers 470 : si elle est plus ancienne que les Actes et ne s’en inspire donc pas, les deux auteurs ont vraisemblablement utilisé les mêmes traditions locales. (…) avec la Passion de saint Irénée et les Actes de saint Alexandre et saint Epipode, nous sommes en plein dans la légende, c'est-à-dire au sens propre l’histoire qu’il faut lire la veille ou le jour de la fête du saint (…), abstraction faite de sa valeur historique. »
En conclusion à sa première partie, l’auteur résume ainsi : «
L’auteure cite « le martyrologe hiéronymien, complété en Bourgogne à l’aide des calendriers des différentes églises, dont celle de Lyon, indique le 22 avril pour Epipode, le 24 avril pour Alexandre. »
L’ouvrage reproduit en outre une traduction de la Passion de saint Epipode et de saint Alexandre qui décrit le jugement et la mise à mort des deux hommes.
Les chrétiens Saint Marcel et Saint Valérien dont le martyr aurait eu lieu en Saône-et-Loire ne figurent pas dans les ouvrages que nous avons consulté sur les martyrs lyonnais, hormis dans Saint Pothin et ses compagnons martyrs : origines de l'église de Lyon par le P. André Gouilloud, 1868, dont vous pouvez retrouver le contenu sur Numelyo ou encore sur le site Méditerranée antique :
Saint Pothin et ses compagnons martyrs, livre troisième. Martyrs de l’année 178. Chapitre II. Comment saint Marcel et saint Valérien se rattachent à cette histoire. Du dire même de l’auteur, les sources sont encore moins fiables que pour les précédents :
« Les Actes que nous avons sur saint Marcel et sur saint Valérien sont loin d'avoir une valeur historique et littéraire aussi grande que ceux des saints Epipode et Alexandre. Toutefois, comme ces passions s'accordent sur tous les faits principaux avec les Martyrologes les plus anciens, notamment avec celui d'Adon, le plus autorisé pour les saints lyonnais, nous pouvons en toute sécurité les suivre sur les points concordants, sauf à ne pas exagérer leur mérite, à faire quelques réserves sur les détails. »
Voir Le martyrologe lyonnais d'Adon (850) [Livre] : avec ses additions de Besançon (850-886), Brescia (886-1010), Apt (1010-1064), Gap (1064-1100) et Toulon (1121-1587) / Georges de Manteyer, 1898
Voir également sur Gallica : Saint Marcel, martyr, apôtre du Chalonnais, et saint Agricol, confesseur évêque de Chalon-sur-Saône, par l'abbé C.-F. Bugniot,... 1862
Voir aussi Saint Valérien martyr et le processus de christianisation, extrait de la thèse Tournus. le castrum, l'abbaye, la ville, XIe - IVe siècles et prémices par Benjamin SAINT -JEAN VITUS, 2006, Université Lumière Lyon 2.
Vous trouverez d’autres références bibliographiques sur ces deux saints dans le fonds patrimonial de la bibliothèque de Châlon-sur-Saône.
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