Question d'origine :
Bonjour,
Je cherche l’histoire des rêves aborigènes d’Australie,
Notamment le rêve de la fourmi volante et le rêve du lézard sauvage.
Je vous remercie pour votre aide.
Très bon week-end à toute l’équipe.
Réponde attendue pour le 24/05/18
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 23/05/2018 à 15h14
Bonjour,
Nous vous conseillons la lecture de cet ouvrage : L'art des aborigènes d'Australie / Wally Caruana. En voici quelques extraits expliquant dans les grandes lignes « l’histoire des rêves aborigènes en Australie » : Ce qu’on appelle le temps des rêves chez les aborigènes d’Australie, fait référence à une époque mythique où « le monde et tout ce qui le compose ont vu le jour », « où les ancêtres des hommes d’aujourd’hui, qui vivaient sous forme animale, ont parcouru le continent, parfois sur des centaines et des centaines de kilomètres. Au fil de leurs pérégrinations et de leurs aventures, ils ont constitué le paysage. Tel rocher représente un animal tué par le héros ancestral… Cette ère d’une ancienneté inconcevable est ce que l’on appelle parfois le dreamtime ou dreaming (en français : temps du rêve). Les faits et actes des ancêtres mythiques ont défini non seulement le territoire, mais le monde dans son intégralité : les hommes, les espèces animales et végétales, les règles de vie de toutes ces espèces, notamment les règles de parenté, les langues… Ainsi le concept de dreaming renvoie plutôt à la notion de « Loi » -loi absolue, totale, infaillible, dictée par les ancêtres- qu’à la notion de rêve… ». Les peintures ne sont pas imprégnées de pouvoir sacré mais « elles peuvent représenter des ancêtres importants, des épisodes particulièrement signifiants de l’histoire de la création, ou même seulement un élément d’un de ces épisodes qui peut suffire à conférer à une peinture un caractère sacré… ». L’artiste est propriétaire de récits, qui sont associés à des motifs, sur lesquels l’artiste a aussi des droits : ce sont ceux que l’artiste peut peindre, que l’on appelle parfois ses « totems ». Au-delà de l’hérédité, ces droits à la représentation se cultivent : un artiste est une personne qui s’est appliquée à s’instruire des détails de chaque récit auprès de maîtres plus âgés, qui s’est donné la peine de retenir sans faite chaque détail – ce qui, en l’absence d’écriture, a son importance. »… Ainsi, les peintures aborigènes sont l’illustration d’un récit mythologique (appelé « rêve » par les artistes du désert central). Un mythe ancestral transmis de père en fils, de mère en fille. La peinture aborigène est l’une des formes d’expression d’un événement rituel plus large, une sorte « d’opéra » : à la fois élément de décor dans lequel le peintre incarne des récits, parure corporelle pour une cérémonie chantée et dansée, et relation stylisée de ce rituel… « Les peintres mettent en scène le plantes et les animaux totémiques de leur territoire et de leur famille, la « tomate du bush », les plantes médicinales ou l’igname sauvage… »
Ainsi, le Rêve de la fourmi volante est représenté par Maxie Tjampitjinpa. « Son tableau s’inspire lui aussi d’activités cérémonielles, comme le dénote l’arrangement régulier des éléments iconographiques. Les cercles indiquent les trous à la surface du sol d’où émergent les termites mythiques, appelés aussi les fourmis volantes, pour accomplir leurs actes créateurs. Les médaillons flanqués de barres horizontales reproduisent les motifs peints sur la peau des principaux protagonistes des cérémonies. Les termites qui sortent après la pluie pour accomplir leur vol nuptial, sont associés aux notions de fertilité et de reproduction. Les mouchetures caractéristiques de la technique de Tjampitjinpa traduisent ce foisonnement et évoquent les enduits de peinture sur la peau des acteurs et sur les objets cérémoniels. » (p. 122)
« Un des grands mythes Warlpiri, le rêve de Pamapardu, le Fourmi volante, célébré à Wantungurru, à l’ouest de Yuendumu, appartient au groupe Nampijinpa/Nangala. Parce qu’elles procurent aux ignames une nourriture et un nid où déposer leurs œufs et aussi parce qu’elles servent d’aliment aux humains, les fourmis volantes, ou termites, sont regardées comme un symbole de fécondité du sol. »
Une autre artiste a représenté le Rêve de la fourmi volante : Clarise Nampijinpa Poulson. Dans son œuvre, « le groupe de cercles concentriques central représente à la fois le site de Wantungurru et la structure qui occupe le centre du terrain cérémoniel » et « les formes en fer-à-cheval qui les entourent symbolisent les femmes qui collectent les termites et leurs œufs » (p. 130-131)
Voir aussi les œuvres de Jack Ross Jakamarra. L’une d’elles, datée de 1999 est analysée dans Aborigènes : collections australiennes contemporaines du Musée des confluences (p. 129) / Wally Caruana, Jessica De Largy Healy, Barbara Glowczewski... : Le peuple Pamapardu aurait façonné de grands monticules, mingkirri, des termitières qui parsèment aujourd’hui les paysages du désert. Le fond (couvert de points blancs) figure la texture du sable, les trois cercles au centre de la peinture sont les points d’accès par lesquels les ancêtres sortent de la terre et y retournent. Les pointillés représentent à la fois les ailes des ancêtres et leur parcours. Dans le rituel dont la peinture s’inspire, ces cercles sont formés par un dessin de sable et recouverts de kapok blanc (coton sauvage). Ils sont détruits par le spas des danseurs pendant la cérémonie » (p. 110)
Quant au Rêve du lézard sauvage, l’ouvrage La peinture aborigène / Stéphane Jacob, Pierre Grundmann, Maïa Ponsonnet, donne une analyse de l’œuvre de Kathleen Petyarre, intitulée Mountaine Devil Lizard Dreaming. « Sur une toile complexe comme le Rêve du lézard sauvage, l’artiste trace d’abord l’axe central. Ce motif coloré en diagonale représente la rivière Sandover… elle retranscrit l’histoire de sa famille. Elle a été initiée à la Loi et à la culture de son groupe, elle a participé aux cérémonies rituelles propres aux femmes de son clan et on lui a enseigné les décorations corporelles. Elle possède quatre histoires, ou « dreamings », illustrant quatre sites et récits mythologiques totémiques. Cette œuvre est consacrée au rêve du « mountain devil lizard » (ou « thorny lizard », en français « moloch hérissé)… Cette œuvre évoque le « rêve » ou mythe de la vielle femme lézard Arnkerrth, la figure totémique de Kathleen, ancêtre de la lignée Petyarre, incarnée dans la personne humaine de Kathleen. Arnkerrth est la gardienne des mines d’ocres, les pigments dont se servaient les artistes traditionnels pour réaliser les peintures corporelles ou sur le sol. C’est une figure tutélaire qui a établi la Loi et les règles de vie pour les femmes du clan de l’artiste. Les femmes la célèbrent en participant à des cérémonies rituelles autour des sites où elle s’est arrêtée au cours de ses déplacements dans le désert, et par l’intermédiaire de ces peintures qui retracent son voyage et ceux d’autres héros totémiques. Au centre du tableau se trouvent les sites d’initiation des hommes et des femmes, séparés l’un de l’autre. Des quatre coins du tableau (les points cardinaux), convergent vers ce site les chemins empruntés au temps de la création par les ancêtres. Ces chemins conduisent à des éléments topographiques et à des sources de nourriture. Les territoires des clans voisins et alliés sont identifiés par les totems ancestraux et les sites cérémoniels créés par les ancêtres. Ainsi la ligne qui descend vers le coin droit, se dirige vers le territoire de l’igname –totem de l’artiste Emily Kame Kngwarreye- à qui il est ainsi rendu hommage » (p. 118-121). Sa sœur Gloria Tamerre Petyarre a aussi peint Un Rêve du lézard sauvage (p. 85).
« Kathleen Petyarre est en effet la gardienne d’un mythe hérité du Temps du Rêve : celui de la Femme-lézard Arnkerrth, divinité législatrice qui a fixé les règles de vie pour les femmes du clan de l’artiste… Au centre de l’œuvre se trouve symbolisé un site cérémoniel ; les parties supérieure, inférieure et latérale droite représentent des zones d’initiation masculine, celle de gauche désigne le site où s’exerce l’activité cérémonielle des femmes… La ligne qui s’élève vers le coin supérieur droit indique la direction du territoire de l’Ancêtre Emeu. La partie opposée est consacrée à la légende d’Arnkerrth. Cette œuvre complexe révèle toute la richesse de la peinture aborigène, convoquant le passé et le présent, mêlant souvenirs mythiques et claniques et histoires familiales où lignée masculine et lignée féminine se répondent en une cartographie mystique» dans Aborigènes : collections australiennes contemporaines du Musée des confluences (p. 129) / Wally Caruana, Jessica De Largy Healy, Barbara Glowczewski...
Voir aussi :
L'art aborigène / Howard Morphy
Rêves en colère : alliances aborigènes dans le Nord-Ouest australien / Barbara Glowczewski
Pistes de rêves : voyage en terres aborigènes / Barbara Glowczewski, Jessica De Largy Healy et les artistes de Lajamanu et Galiwin'ku
Paysages rêvés : artistes aborigènes contemporains de Balgo Hills (Australie occidentale)
Peintres aborigènes d'Australie
Les Aborigènes d'Australie / Stephen Muecke, Adam Shoemaker
Bonne lecture.
Nous vous conseillons la lecture de cet ouvrage : L'art des aborigènes d'Australie / Wally Caruana. En voici quelques extraits expliquant dans les grandes lignes « l’histoire des rêves aborigènes en Australie » : Ce qu’on appelle le temps des rêves chez les aborigènes d’Australie, fait référence à une époque mythique où « le monde et tout ce qui le compose ont vu le jour », « où les ancêtres des hommes d’aujourd’hui, qui vivaient sous forme animale, ont parcouru le continent, parfois sur des centaines et des centaines de kilomètres. Au fil de leurs pérégrinations et de leurs aventures, ils ont constitué le paysage. Tel rocher représente un animal tué par le héros ancestral… Cette ère d’une ancienneté inconcevable est ce que l’on appelle parfois le dreamtime ou dreaming (en français : temps du rêve). Les faits et actes des ancêtres mythiques ont défini non seulement le territoire, mais le monde dans son intégralité : les hommes, les espèces animales et végétales, les règles de vie de toutes ces espèces, notamment les règles de parenté, les langues… Ainsi le concept de dreaming renvoie plutôt à la notion de « Loi » -loi absolue, totale, infaillible, dictée par les ancêtres- qu’à la notion de rêve… ». Les peintures ne sont pas imprégnées de pouvoir sacré mais « elles peuvent représenter des ancêtres importants, des épisodes particulièrement signifiants de l’histoire de la création, ou même seulement un élément d’un de ces épisodes qui peut suffire à conférer à une peinture un caractère sacré… ». L’artiste est propriétaire de récits, qui sont associés à des motifs, sur lesquels l’artiste a aussi des droits : ce sont ceux que l’artiste peut peindre, que l’on appelle parfois ses « totems ». Au-delà de l’hérédité, ces droits à la représentation se cultivent : un artiste est une personne qui s’est appliquée à s’instruire des détails de chaque récit auprès de maîtres plus âgés, qui s’est donné la peine de retenir sans faite chaque détail – ce qui, en l’absence d’écriture, a son importance. »… Ainsi, les peintures aborigènes sont l’illustration d’un récit mythologique (appelé « rêve » par les artistes du désert central). Un mythe ancestral transmis de père en fils, de mère en fille. La peinture aborigène est l’une des formes d’expression d’un événement rituel plus large, une sorte « d’opéra » : à la fois élément de décor dans lequel le peintre incarne des récits, parure corporelle pour une cérémonie chantée et dansée, et relation stylisée de ce rituel… « Les peintres mettent en scène le plantes et les animaux totémiques de leur territoire et de leur famille, la « tomate du bush », les plantes médicinales ou l’igname sauvage… »
Ainsi, le Rêve de la fourmi volante est représenté par Maxie Tjampitjinpa. « Son tableau s’inspire lui aussi d’activités cérémonielles, comme le dénote l’arrangement régulier des éléments iconographiques. Les cercles indiquent les trous à la surface du sol d’où émergent les termites mythiques, appelés aussi les fourmis volantes, pour accomplir leurs actes créateurs. Les médaillons flanqués de barres horizontales reproduisent les motifs peints sur la peau des principaux protagonistes des cérémonies. Les termites qui sortent après la pluie pour accomplir leur vol nuptial, sont associés aux notions de fertilité et de reproduction. Les mouchetures caractéristiques de la technique de Tjampitjinpa traduisent ce foisonnement et évoquent les enduits de peinture sur la peau des acteurs et sur les objets cérémoniels. » (p. 122)
« Un des grands mythes Warlpiri, le rêve de Pamapardu, le Fourmi volante, célébré à Wantungurru, à l’ouest de Yuendumu, appartient au groupe Nampijinpa/Nangala. Parce qu’elles procurent aux ignames une nourriture et un nid où déposer leurs œufs et aussi parce qu’elles servent d’aliment aux humains, les fourmis volantes, ou termites, sont regardées comme un symbole de fécondité du sol. »
Une autre artiste a représenté le Rêve de la fourmi volante : Clarise Nampijinpa Poulson. Dans son œuvre, « le groupe de cercles concentriques central représente à la fois le site de Wantungurru et la structure qui occupe le centre du terrain cérémoniel » et « les formes en fer-à-cheval qui les entourent symbolisent les femmes qui collectent les termites et leurs œufs » (p. 130-131)
Voir aussi les œuvres de Jack Ross Jakamarra. L’une d’elles, datée de 1999 est analysée dans Aborigènes : collections australiennes contemporaines du Musée des confluences (p. 129) / Wally Caruana, Jessica De Largy Healy, Barbara Glowczewski... : Le peuple Pamapardu aurait façonné de grands monticules, mingkirri, des termitières qui parsèment aujourd’hui les paysages du désert. Le fond (couvert de points blancs) figure la texture du sable, les trois cercles au centre de la peinture sont les points d’accès par lesquels les ancêtres sortent de la terre et y retournent. Les pointillés représentent à la fois les ailes des ancêtres et leur parcours. Dans le rituel dont la peinture s’inspire, ces cercles sont formés par un dessin de sable et recouverts de kapok blanc (coton sauvage). Ils sont détruits par le spas des danseurs pendant la cérémonie » (p. 110)
Quant au Rêve du lézard sauvage, l’ouvrage La peinture aborigène / Stéphane Jacob, Pierre Grundmann, Maïa Ponsonnet, donne une analyse de l’œuvre de Kathleen Petyarre, intitulée Mountaine Devil Lizard Dreaming. « Sur une toile complexe comme le Rêve du lézard sauvage, l’artiste trace d’abord l’axe central. Ce motif coloré en diagonale représente la rivière Sandover… elle retranscrit l’histoire de sa famille. Elle a été initiée à la Loi et à la culture de son groupe, elle a participé aux cérémonies rituelles propres aux femmes de son clan et on lui a enseigné les décorations corporelles. Elle possède quatre histoires, ou « dreamings », illustrant quatre sites et récits mythologiques totémiques. Cette œuvre est consacrée au rêve du « mountain devil lizard » (ou « thorny lizard », en français « moloch hérissé)… Cette œuvre évoque le « rêve » ou mythe de la vielle femme lézard Arnkerrth, la figure totémique de Kathleen, ancêtre de la lignée Petyarre, incarnée dans la personne humaine de Kathleen. Arnkerrth est la gardienne des mines d’ocres, les pigments dont se servaient les artistes traditionnels pour réaliser les peintures corporelles ou sur le sol. C’est une figure tutélaire qui a établi la Loi et les règles de vie pour les femmes du clan de l’artiste. Les femmes la célèbrent en participant à des cérémonies rituelles autour des sites où elle s’est arrêtée au cours de ses déplacements dans le désert, et par l’intermédiaire de ces peintures qui retracent son voyage et ceux d’autres héros totémiques. Au centre du tableau se trouvent les sites d’initiation des hommes et des femmes, séparés l’un de l’autre. Des quatre coins du tableau (les points cardinaux), convergent vers ce site les chemins empruntés au temps de la création par les ancêtres. Ces chemins conduisent à des éléments topographiques et à des sources de nourriture. Les territoires des clans voisins et alliés sont identifiés par les totems ancestraux et les sites cérémoniels créés par les ancêtres. Ainsi la ligne qui descend vers le coin droit, se dirige vers le territoire de l’igname –totem de l’artiste Emily Kame Kngwarreye- à qui il est ainsi rendu hommage » (p. 118-121). Sa sœur Gloria Tamerre Petyarre a aussi peint Un Rêve du lézard sauvage (p. 85).
« Kathleen Petyarre est en effet la gardienne d’un mythe hérité du Temps du Rêve : celui de la Femme-lézard Arnkerrth, divinité législatrice qui a fixé les règles de vie pour les femmes du clan de l’artiste… Au centre de l’œuvre se trouve symbolisé un site cérémoniel ; les parties supérieure, inférieure et latérale droite représentent des zones d’initiation masculine, celle de gauche désigne le site où s’exerce l’activité cérémonielle des femmes… La ligne qui s’élève vers le coin supérieur droit indique la direction du territoire de l’Ancêtre Emeu. La partie opposée est consacrée à la légende d’Arnkerrth. Cette œuvre complexe révèle toute la richesse de la peinture aborigène, convoquant le passé et le présent, mêlant souvenirs mythiques et claniques et histoires familiales où lignée masculine et lignée féminine se répondent en une cartographie mystique» dans Aborigènes : collections australiennes contemporaines du Musée des confluences (p. 129) / Wally Caruana, Jessica De Largy Healy, Barbara Glowczewski...
Voir aussi :
L'art aborigène / Howard Morphy
Rêves en colère : alliances aborigènes dans le Nord-Ouest australien / Barbara Glowczewski
Pistes de rêves : voyage en terres aborigènes / Barbara Glowczewski, Jessica De Largy Healy et les artistes de Lajamanu et Galiwin'ku
Paysages rêvés : artistes aborigènes contemporains de Balgo Hills (Australie occidentale)
Peintres aborigènes d'Australie
Les Aborigènes d'Australie / Stephen Muecke, Adam Shoemaker
Bonne lecture.
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