lire/écrire
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 06/07/2016 à 14h16
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Question d'origine :
Bonjour et merci par avance,
ayant lu qu'au XVIe siècle il n'était pas étonnant qu'un document de justice affirmant "avoir lu" fut signé d'une croix, dés lors que l'enseignement de la lecture et celui de l'écriture étaient dissociés.
Donc : on pouvait savoir lire et ne pas savoir écrire (et pas l'inverse).
Existe-t-il des termes qui discriminent ces deux savoir, existe-t-il des statistiques historiques à ce propos ?
Merci derechef.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 08/07/2016 à 14h17
Bonjour,
Voici les informations que nous trouvons dans l’article de François Furet et Wladimir Sachs, La croissance de l'alphabétisation en France (XVIIIe-XIXe siècle) :
On discute depuis des années de la valeur de l’indicateur « signature » : de quel niveau d’alphabétisation réel est-il représentatif ? L’expérience actuelle de l’apprentissage d’un enfant suggère que l’aptitude à signer, c’est-à-dire à reproduire quelques lettres soigneusement sélectionnées et apprises, précède largement la capacité à écrire, et même à lire couramment ; elle ne constitue qu’un stade tout à fait élémentaire de l’alphabétisation : le choix de ce critère, auquel nous contraint l’état des sources avant le XIXe siècle, tendrait de ce fait à surestimer le niveau d’instruction des populations de l’ancienne Europe. Comme beaucoup d’autres indicateurs historiques, la capacité à signer, faute de pouvoir être objectivement décomposée en niveaux de plus ou moins grande aisance à manier l’écriture, mêlerait les quasi-analphabètes et ceux qui sont vraiment alphabétisés.
Le problème se complique du fait qu’avant le milieu du XIXe siècle, l’enseignement de la lecture et de l’écriture n’était pas simultané, ni même forcément donné dans la même école. […] En France, jusqu’à une date tardive dans le XIXe siècle, les types d’écoles élémentaires, les taux de fréquentation scolaire, les pédagogies pratiquées sont trop divers pour qu’on puisse facilement connaître les performances qu’ils autorisent dans la population scolarisée. De plus, le curriculum classique de l’enseignement élémentaire a très longtemps disposé les apprentissages en ordre successif : lire d’abord, puis écrire, enfin compter. Chaque stage comportait plusieurs années, et comme beaucoup d’enfants quittaient l’école avant d’en avoir parcouru tous les cycles, il est difficile de mesurer précisément ce qu’ils y avaient appris.
Reste enfin le problème de savoir si, dans bien des cas, l’acquisition d’un minimum d’instruction ne s’opérait pas à travers d’autres institutions que l’école – la famille par exemple – et, dans cette hypothèse, quel type d’alphabétisation minimale avait priorité : lire, signer, écrire ? On peut imaginer, sans qu’il soit actuellement possible de le prouver, que la hiérarchie des connaissances y était la même qu’à l’école, et que la lecture y constituait le premier enseignement, avant l’écriture.
C’est cette hiérarchie traditionnelle de l’apprentissage qui conduit R. Schofield à suggérer que la capacité à signer est un indicateur d’alphabétisation intermédiaire entre la maîtrise de la lecture et celle de l’écriture, incluant moins de gens que ceux qui sont capables d’écrire, mais plus que ceux qui savent lire […].
Paradoxalement, la signature serait ainsi un bon indicateur, non de l’écriture, mais de la lecture « courante ».
Les documents suivants vous permettrons d’approfondir la question :
- Lire et écrire : L'alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry. Ss. la dir. de François Furet et Jacques Ozouf, Revue française de pédagogie, Année 1979 Volume 46 Numéro 1 pp. 73-75
- Lire et écrire : Une enquête, un moment historiographique, Dominique Julia et Jacques Revel, Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 43 | 2009, 35-56.
- À l'époque moderne, les trois révolutions de la lecture, par Guglielmo Cavallo et Roger Chartier (exposition BnF)
Bonne journée.
Voici les informations que nous trouvons dans l’article de François Furet et Wladimir Sachs, La croissance de l'alphabétisation en France (XVIIIe-XIXe siècle) :
On discute depuis des années de la valeur de l’indicateur « signature » : de quel niveau d’alphabétisation réel est-il représentatif ? L’expérience actuelle de l’apprentissage d’un enfant suggère que l’aptitude à signer, c’est-à-dire à reproduire quelques lettres soigneusement sélectionnées et apprises, précède largement la capacité à écrire, et même à lire couramment ; elle ne constitue qu’un stade tout à fait élémentaire de l’alphabétisation : le choix de ce critère, auquel nous contraint l’état des sources avant le XIXe siècle, tendrait de ce fait à surestimer le niveau d’instruction des populations de l’ancienne Europe. Comme beaucoup d’autres indicateurs historiques, la capacité à signer, faute de pouvoir être objectivement décomposée en niveaux de plus ou moins grande aisance à manier l’écriture, mêlerait les quasi-analphabètes et ceux qui sont vraiment alphabétisés.
Le problème se complique du fait qu’avant le milieu du XIXe siècle, l’enseignement de la lecture et de l’écriture n’était pas simultané, ni même forcément donné dans la même école. […] En France, jusqu’à une date tardive dans le XIXe siècle, les types d’écoles élémentaires, les taux de fréquentation scolaire, les pédagogies pratiquées sont trop divers pour qu’on puisse facilement connaître les performances qu’ils autorisent dans la population scolarisée. De plus, le curriculum classique de l’enseignement élémentaire a très longtemps disposé les apprentissages en ordre successif : lire d’abord, puis écrire, enfin compter. Chaque stage comportait plusieurs années, et comme beaucoup d’enfants quittaient l’école avant d’en avoir parcouru tous les cycles, il est difficile de mesurer précisément ce qu’ils y avaient appris.
Reste enfin le problème de savoir si, dans bien des cas, l’acquisition d’un minimum d’instruction ne s’opérait pas à travers d’autres institutions que l’école – la famille par exemple – et, dans cette hypothèse, quel type d’alphabétisation minimale avait priorité : lire, signer, écrire ? On peut imaginer, sans qu’il soit actuellement possible de le prouver, que la hiérarchie des connaissances y était la même qu’à l’école, et que la lecture y constituait le premier enseignement, avant l’écriture.
C’est cette hiérarchie traditionnelle de l’apprentissage qui conduit R. Schofield à suggérer que la capacité à signer est un indicateur d’alphabétisation intermédiaire entre la maîtrise de la lecture et celle de l’écriture, incluant moins de gens que ceux qui sont capables d’écrire, mais plus que ceux qui savent lire […].
Paradoxalement, la signature serait ainsi un bon indicateur, non de l’écriture, mais de la lecture « courante ».
Les documents suivants vous permettrons d’approfondir la question :
- Lire et écrire : L'alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry. Ss. la dir. de François Furet et Jacques Ozouf, Revue française de pédagogie, Année 1979 Volume 46 Numéro 1 pp. 73-75
- Lire et écrire : Une enquête, un moment historiographique, Dominique Julia et Jacques Revel, Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 43 | 2009, 35-56.
- À l'époque moderne, les trois révolutions de la lecture, par Guglielmo Cavallo et Roger Chartier (exposition BnF)
Bonne journée.
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