La couleur orange
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 07/12/2015 à 19h15
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Question d'origine :
Vous avez déjà répondu à la grande question existentielle de qui du fruit ou de la couleur à donné son nom à l'autre, mais ma question n'est pas si éloignée du sujet. Si la couleur à pris le nom du fruit, alors comment décrivait on la couleur avant ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 09/12/2015 à 09h24
Bonjour,
Comme vous le soulignez, c’est à partir de la découverte du fruit que l’on a désigné la couleur du même nom, orange. Ce terme est employé dès la fin du XIVe siècle selon Michel Pastoureau, et à partir de 1553 d’après le Dictionnaire historique de la langue française. Avant cette période, le Moyen Âge n’a pas de nom spécifique pour cette couleur, indéfinie aussi bien d’un point de vue chromatique que terminologique. La couleur orange subit alors une double pénalité : techniquement délicate à produire et à stabiliser en teinturerie et en peinture, elle ne peut être obtenue que par mélange du jaune et du rouge, alors que seules les couleurs pures sont valorisées au Moyen Âge.
Selon l'objet représenté et l'intention de l'artiste, les teintes orangées étaient donc décrites comme rouges, jaunes, rousses, tannées, brunes, pourpres...
Nous vous conseillons à ce propos de parcourir les explications complètes données dans « L’orange et le vert au Moyen Age », Vert et Orange, deux couleurs à travers l’histoire, document réalisé sous la direction de Jérôme Grévy, Christine Manigand et Denise Turrel, dont nous citons un extrait :
Traiter de la couleur orange au Moyen Âge revient quasiment à évoquer une couleur qui n’existe pas, du moins pas telle que nous l’entendons aujourd’hui : positionnée au sein d’un spectre chromatique, dégageant une gamme de nuances, étalonnée sur un nuancier. En réalité, l’orange médiéval n’est pas une couleur à proprement parler mais davantage, comme bien des couleurs de ce temps, l’interpolation de considérations pratiques, esthétiques et symboliques. L’orange est d’ailleurs longtemps une couleur relativement rare et ce n’est qu’à la fin du Moyen Age qu’elle devient véritablement appréciée et produite. Durant presque toute cette période en effet cette couleur reste partiellement indéfinie tant d’un point de vue chromatique que terminologique et symbolique. Couleur intermédiaire résultant d’un mélange, l’orange reste techniquement délicat à produire selon les critères qui définissent une couleur de qualité à cette époque : la saturation et la stabilité. Du fait de sa nature hétérogène, cette couleur porte à la fois la mauvaise par t symbolique des couleurs primaires qui la composent – le rouge et le jaune – , et le poids négatif du mélange dans une société où le pur est seul valorisé. En revanche, sa bonne part tient essentiellement à sa proximité chromatique avec la couleur or dont elle constitue un ersatz couramment employé. Car cette couleur reste, à tous points de vue, très dépendante de sa source naturelle : le fruit de l’oranger que l’on découvre alors. L’orange est donc une couleur indissociable du fruit qui la génère et dont elle tire tardivement son nom. C’est d’ailleurs ce fruit qui, par relation homophonique à la pomme d’or – celle d’Adam, celle de Pâris et celle des attributs du pouvoir – conditionne en grande partie la résurgence symbolique et chromatique de l’orange.
Pour Michel Pastoureau, c’est sans doute en raison du tabou biblique du Deutéronome et du Lévitique, repris par le christianisme, et qui jugeait les mélanges impurs, que la couleur orange n’était pas produite à partir du jaune et du rouge au Moyen Âge. (source : Le petit livre des couleurs, Michel Pastoureau)
C’est à partir du moment où l’orange des teinturiers n’est plus obtenu à partir d’un mélange, mais à partir d’une teinture au safran, et que les qualités positives attribuées au fruit lui sont associées, que la couleur orange est revalorisée :
La donne change visiblement à la fin du Moyen Âge, à partir du moment où l’orange obtenu par les teinturiers n’est plus le produit d’un mélange mais le résultat d’une teinture au safran, produit rare, cher et délicat à mettre en œuvre et réservé à des textiles précieux comme la soie. Mais surtout à partir du moment où l’ensemble des qualités attribuées au fruit éponyme, désormais bien connu et régulièrement consommé, bénéficie à la couleur. L’orange devient alors une couleur progressivement assimilée à l’exotisme et au jaune d’or, signe du pouvoir et de la richesse dans les sociétés orientales et asiatiques.
source : « L’orange et le vert au Moyen Age », Vert et Orange, deux couleurs à travers l’histoire
Le mot « orangé » est apparu en Occident au XIVe siècle, après l’importation des premiers orangers. Pour obtenir cette teinte, on a d’abord utilisé le safran, puis, vers la fin du Moyen Âge, le « bois brésil », essence exotique des Indes et de Ceylan (qui a donné plus tard son nom au Brésil). Aujourd’hui, on a transféré sur cette couleur les vertus de l’or et du soleil : chaleur, joie, tonus, santé.
Source : Le petit livre des couleurs, Michel Pastoureau
Pour aller plus loin :
- Dictionnaire des couleurs de notre temps : symbolique et société, Michel Pastoureau
- Le dico des mots de la couleur : d'abricot à zoulou, Colette Guillemard
- Histoire vivante des couleurs : 5.000 ans de peinture racontée par les pigments, Philip Ball
Bonne journée.
Comme vous le soulignez, c’est à partir de la découverte du fruit que l’on a désigné la couleur du même nom, orange. Ce terme est employé dès la fin du XIVe siècle selon Michel Pastoureau, et à partir de 1553 d’après le Dictionnaire historique de la langue française. Avant cette période, le Moyen Âge n’a pas de nom spécifique pour cette couleur, indéfinie aussi bien d’un point de vue chromatique que terminologique. La couleur orange subit alors une double pénalité : techniquement délicate à produire et à stabiliser en teinturerie et en peinture, elle ne peut être obtenue que par mélange du jaune et du rouge, alors que seules les couleurs pures sont valorisées au Moyen Âge.
Selon l'objet représenté et l'intention de l'artiste, les teintes orangées étaient donc décrites comme rouges, jaunes, rousses, tannées, brunes, pourpres...
Nous vous conseillons à ce propos de parcourir les explications complètes données dans « L’orange et le vert au Moyen Age », Vert et Orange, deux couleurs à travers l’histoire, document réalisé sous la direction de Jérôme Grévy, Christine Manigand et Denise Turrel, dont nous citons un extrait :
Traiter de la couleur orange au Moyen Âge revient quasiment à évoquer une couleur qui n’existe pas, du moins pas telle que nous l’entendons aujourd’hui : positionnée au sein d’un spectre chromatique, dégageant une gamme de nuances, étalonnée sur un nuancier. En réalité, l’orange médiéval n’est pas une couleur à proprement parler mais davantage, comme bien des couleurs de ce temps, l’interpolation de considérations pratiques, esthétiques et symboliques. L’orange est d’ailleurs longtemps une couleur relativement rare et ce n’est qu’à la fin du Moyen Age qu’elle devient véritablement appréciée et produite. Durant presque toute cette période en effet cette couleur reste partiellement indéfinie tant d’un point de vue chromatique que terminologique et symbolique. Couleur intermédiaire résultant d’un mélange, l’orange reste techniquement délicat à produire selon les critères qui définissent une couleur de qualité à cette époque : la saturation et la stabilité. Du fait de sa nature hétérogène, cette couleur porte à la fois la mauvaise par t symbolique des couleurs primaires qui la composent – le rouge et le jaune – , et le poids négatif du mélange dans une société où le pur est seul valorisé. En revanche, sa bonne part tient essentiellement à sa proximité chromatique avec la couleur or dont elle constitue un ersatz couramment employé. Car cette couleur reste, à tous points de vue, très dépendante de sa source naturelle : le fruit de l’oranger que l’on découvre alors. L’orange est donc une couleur indissociable du fruit qui la génère et dont elle tire tardivement son nom. C’est d’ailleurs ce fruit qui, par relation homophonique à la pomme d’or – celle d’Adam, celle de Pâris et celle des attributs du pouvoir – conditionne en grande partie la résurgence symbolique et chromatique de l’orange.
Pour Michel Pastoureau, c’est sans doute en raison du tabou biblique du Deutéronome et du Lévitique, repris par le christianisme, et qui jugeait les mélanges impurs, que la couleur orange n’était pas produite à partir du jaune et du rouge au Moyen Âge. (source : Le petit livre des couleurs, Michel Pastoureau)
C’est à partir du moment où l’orange des teinturiers n’est plus obtenu à partir d’un mélange, mais à partir d’une teinture au safran, et que les qualités positives attribuées au fruit lui sont associées, que la couleur orange est revalorisée :
La donne change visiblement à la fin du Moyen Âge, à partir du moment où l’orange obtenu par les teinturiers n’est plus le produit d’un mélange mais le résultat d’une teinture au safran, produit rare, cher et délicat à mettre en œuvre et réservé à des textiles précieux comme la soie. Mais surtout à partir du moment où l’ensemble des qualités attribuées au fruit éponyme, désormais bien connu et régulièrement consommé, bénéficie à la couleur. L’orange devient alors une couleur progressivement assimilée à l’exotisme et au jaune d’or, signe du pouvoir et de la richesse dans les sociétés orientales et asiatiques.
source : « L’orange et le vert au Moyen Age », Vert et Orange, deux couleurs à travers l’histoire
Le mot « orangé » est apparu en Occident au XIVe siècle, après l’importation des premiers orangers. Pour obtenir cette teinte, on a d’abord utilisé le safran, puis, vers la fin du Moyen Âge, le « bois brésil », essence exotique des Indes et de Ceylan (qui a donné plus tard son nom au Brésil). Aujourd’hui, on a transféré sur cette couleur les vertus de l’or et du soleil : chaleur, joie, tonus, santé.
Source : Le petit livre des couleurs, Michel Pastoureau
- Dictionnaire des couleurs de notre temps : symbolique et société, Michel Pastoureau
- Le dico des mots de la couleur : d'abricot à zoulou, Colette Guillemard
- Histoire vivante des couleurs : 5.000 ans de peinture racontée par les pigments, Philip Ball
Bonne journée.
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