Question d'origine :
Comment l'humanité va passer d'une société du savoir (au sens des Lumières) à une société de la connaissance partagé/en réseaux lié à l'arrivée du numérique?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 02/02/2015 à 16h24
Bonjour,
Pour les Lumières, les savoirs étaient essentiels pour la construction de l’individu et de sa pensée. La BnF propose un arrêt sur l’esprit des Lumières dans lequel des spécialistes détaillent la pensée des philosophes des Lumières :
« Le premier trait constitutif de la pensée des Lumières consiste à privilégier ce qu'on choisit et décide soi-même, au détriment de ce qui vous est imposé par une autorité extérieure. Cette préférence comporte deux facettes, l'une critique, l'autre constructive : il faut se soustraire à toute tutelle imposée aux hommes du dehors et se laisser guider par les lois, normes, règles voulues par ceux-là même à qui elles s'adressent. Émancipation et autonomie sont les deux temps d'un même processus, également indispensables. Pour pouvoir s'y engager, il faut disposer d'une entière liberté d'examiner, de questionner, de critiquer, de mettre en doute : plus aucun dogme ni aucune institution n'est sacré.
Développer les connaissances
Ayant rejeté le joug ancien, les hommes fixeront leurs nouvelles lois et normes à l'aide de moyens purement humains – plus de place ici pour la magie ni pour la révélation. À la certitude de la Lumière viendra se substituer la pluralité des lumières.La première autonomie conquise est celle de la connaissance. Celle-ci part du principe qu'aucune autorité, aussi bien établie et prestigieuse soit-elle, ne se trouve à l'abri de la critique. La connaissance n'a que deux sources, la raison et l'expérience, et toutes deux sont accessibles à chacun. La raison est mise en valeur comme outil de connaissance, non comme mobile des conduites humaines, elle s'oppose à la foi, non aux passions. Celles-ci, au contraire, sont à leur tour émancipées des contraintes venues d'ailleurs.
La libération de la connaissance ouvre la voie royale à l'épanouissement de la science. Tous voudraient alors se mettre sous la protection d'un personnage qui n'est pas un philosophe mais un savant : Newton joue pour le Siècle des lumières un rôle comparable à celui de Darwin pour les siècles suivants. La physique fait des progrès spectaculaires, suivie par les autres sciences, chimie, biologie et même sociologie ou psychologie. Les promoteurs de cette nouvelle pensée voudraient apporter les lumières à tous, car ils sont persuadés qu'elles serviront au bien de tous. Ils favoriseront donc l'éducation sous toutes ses formes, depuis l'école jusqu'aux académies savantes ; et la diffusion du savoir, par des publications spécialisées ou par des encyclopédies qui s'adressent au grand public. »
La société des savoirs est pour les Lumières, une société dans laquelle tout peut être remis en question et dans laquelle l’individu peut acquérir la connaissance. L’Encyclopédie des Lumières sera faite dans ce but, réunir le maximum de savoirs dans un seul document.
Dans la vidéo, Michel Serres explique que la transformation de la société des savoirs est en cours. Cette transition est décrite dans le rapport de l’UNESCO Vers les sociétés du savoir, l’impact des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) est au cœur de l’évolution du monde :
« De la société de l’information aux sociétés du savoir :
L’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication a créé des conditions nouvelles pour l’émergence de sociétés du savoir. Bien plus, la société mondiale de l’information en gestation ne trouvera son sens que si elle devient un moyen au service d’une fin plus élevée et plus désirable : la construction à l’échelle mondiale de sociétés du savoir qui soient source de développement pour tous et, en premier lieu, pour les pays les moins avancés. Pour ce faire, deux des défis posés par la révolution informationnelle prennent un relief particulier : l’accès pour tous à l’information et l’avenir de la liberté d’expression. En effet, l’inégalité de l’accès aux sources, aux contenus et aux infrastructures de l’information ne remet-elle pas en cause le caractère véritablement mondial de la société de l’information ?
Et lorsque la libre circulation de l’information se trouve entravée, ou que l’information elle-même fait l’objet de censure ou de manipulation, comment peut-on parler de société mondiale de l’information ?
Les sociétés du savoir, source de développement :
Au cœur des sociétés du savoir, il y a la « capacité d’identifier, de produire, de traiter, de transformer, de diffuser et d’utiliser l’information en vue de créer et d’appliquer les connaissances nécessaires au développement humain. Elles reposent sur une vision de la société propice à l’autonomisation, qui englobe les notions de pluralité, d’intégration, de solidarité, de participation». Comme l’UNESCO l’a souligné lors de la première partie du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), le concept de sociétés du savoir est plus riche et favorise davantage l’autonomisation que le concept de technologie et de connectivité, qui souvent est au centre des débats sur la société de l’information. Les questions de technologie et de connectivité mettent l’accent sur les infrastructures et sur la gouvernance de la planète des réseaux : elles sont de toute évidence d’une importance cruciale mais ne devraient pas être considérées comme une fin en soi.
En d’autres termes, la société mondiale de l’information n’a de sens que si elle favorise l’essor de sociétés du savoir et se propose pour fin de « tendre au développement humain fondé sur les droits de l’homme». Cet objectif est d’autant plus vital que la troisième révolution industrielle – celle des nouvelles technologies – et la phase nouvelle de mondialisation qui l’accompagne ont bouleversé de nombreux repères et accentué les fractures existantes entre riches et pauvres, entre pays industrialisés et pays en voie de développement, et au sein même des nations. Pour l’UNESCO, c’est donc l’édification de sociétés du savoir qui « ouvre la voie à l’humanisation du processus de mondialisation».
[…]
La solidarité numérique
Aujourd’hui, seuls 11 % de la population mondiale ont accès à l’Internet; 90 % de ces « connectés » sont issus des pays industrialisés – Amérique du Nord (30 %), Europe (30 %) et Asie-Pacifique (30 %). D’emblée, ce chiffre remet à sa juste place l’impact dans le monde de la révolution des nouvelles technologies. En effet, on parle de société mondiale de l’information, de « toile » étendue au « monde entier » (World Wide Web), mais, dans les faits, 82 % de la population mondiale ne représentent que 10 % des connexions dans le monde. Cette « fracture numérique » est d’abord et avant tout une question d’accès aux infrastructures. Il importe de rappeler que près de 2 milliards d’êtres humains ne sont pas reliés à un réseau électrique – ce qui reste pour l’instant la condition même d’un accès massif aux nouvelles technologies.
[…]
Une société mondiale de l’information ?
À l’échelle mondiale, les facteurs d’inégalité devant les nouvelles technologies se combinent pour créer une véritable fracture numérique planétaire, qui n’est pas sans remettre en cause l’universalité de l’essor des nouvelles technologies. Si l’Internet semblait promettre comme un système ouvert, où les effets des distances et de l’éloignement seraient temporairement annulés, la fracture numérique se charge de nous rappeler qu’il existe toujours bel et bien une géographie de l’Internet. La carte de l’extension du réseau suit la géographie du développement.
De fait, les causes profondes de la fracture numérique rendent le rattrapage des pays du Sud particulièrement difficile. Car les inégalités de dotations industrielles induisent des inégalités de développement des infrastructures, qui sont le moteur de la diffusion des nouvelles technologies. Il y aurait donc bien une corrélation entre inégalités de développement industriel et disparités d’accès aux informations. »
L’extrait ci-dessus de ce dossier très documenté montre bien les difficultés que va rencontrer l’humanité pour passer à une société du savoir partagé grâce aux nouvelles technologies. Les écarts d’équipements et d’accès entre les pays riches et les pays en voie de développement créent des inégalités. Toute l’humanité n’a pas accès à l’information et encore moins à internet et aux réseaux de communication.
La période de transition entre la société du savoir et la société de la connaissance partagée touche pour l’instant seulement les pays riches et même au sein de ces pays, les inégalités existent. Une société des connaissances partagées est tributaire de l’accès aux nouvelles technologies par toute sa population. Il faudra donc encore du temps pour que cette transformation se réalise.
L’article Wikipédia Société de l’information, explique les changements dus à ces évolutions et que cette révolution n’est pas la première dans l’histoire de l’humanité :
« Ce n'est pas la première fois que des innovations scientifiques et technologiques contribuent fortement à des modifications profondes de la société :
Hier, les sciences de la dynamique, de la thermodynamique, et de l'électromagnétisme, et leurs conséquences sur l'apparition de la machine à vapeur, de l'électricité,… étaient accompagnées par le développement de la presse.
Aujourd'hui, la relativité, la physique quantique, et leurs applications dans l'énergie nucléaire, les nanotechnologies,… sont accompagnées par les modes de partage de l'information et des connaissances actuels que sont l'informatique, le web, et les télécommunications.
Le parallèle que l'on pourrait faire avec d'autres périodes de l'Histoire serait donc sur les moyens de partage de l'information et de la connaissance : l'équivalent pendant les Lumières et le XIXe siècle serait le développement de la presse écrite, ou bien, en remontant plus loin, pendant la Renaissance, le développement de l'imprimerie.
Le processus que l'on observe est donc : découvertes dans les sciences fondamentales, applications technologiques, et partage de la connaissance par de nouveaux moyens techniques.
L'informatique permet aujourd'hui de numériser les informations et de les traiter. D'autre part, les nouveaux moyens de télécommunication facilitent l'échange et la diffusion de la connaissance. Ces nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l'État. Les TIC vont régir à terme une part importante des activités socioéconomiques. Elles occasionnent des changements de plus en plus importants non seulement pour l'entreprise et pour les échanges financiers mais aussi pour les États et les administrations dans leurs relations avec les citoyens et les administrés, pour l'éducation, les pratiques culturelles, les relations sociales ou encore la santé. Cet impact de la révolution numérique sur la société de l'information a été analysé par Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales.
Ce processus est analysé par plusieurs philosophes et sociologues, dans un cadre qui dépasse le strict cadre de la société de l'information. Plutôt que de société post-industrielle, il serait peut-être plus juste de parler de période post-moderne. Le philosophe Michel Foucault emploie l'expression d'hypermodernité, qu'il associe à un changement de conception du monde. Le terme employé par Michel Foucault pour désigner la conception du monde est l'épistémè, qui correspond, au niveau de la société, à un ensemble de représentations chez les individus (paradigmes). Gérard Ayache parle d'hypermonde pour exprimer les mutations radicales nées de l'association de la mondialisation économique et de l'hyper-information. »
Dans la conclusion du rapport écrit par Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet, La société de l’information, on trouve des éléments sur cette évolution de l’humanité :
« La marque la plus visible de l’avènement de la société de l’information est très certainement le développement explosif qu’a connu l’Internet dans les cinq dernières années : né de l’improbable et fructueuse conjonction de la recherche militaire et de l’esprit universitaire, le réseau des réseaux est aujourd’hui déployé à travers toute la planète. Réseau mondial, certes, mais très inégalement réparti selon les régions : une fracture numérique sépare le Nord du Sud, et même au sein du monde développé, subsistent de fortes disparités, la France accusant notamment un retard de cinq ans environ en matière de connexion et d’usages, relativement aux États-Unis ou aux États de l’Europe du Nord.
[…]
Les aspects économiques ne constituent toutefois qu’une des multiples facettes des transformations en cours. Les comportements sociaux, les pratiques culturelles ou scientifiques, l’éducation et la formation, le fonctionnement du système de santé, l’action de l’administration et l’exercice de la citoyenneté sont autant de domaines affectés par le phénomène Internet.
Dans presque tous les usages de la société de l’information (formation, aide à l’insertion, création culturelle, formation de seniors dans les maisons de retraite, services adaptés aux handicapés) la créativité de la société civile a pratiquement déjà tout inventé. Si elle ne peut naturellement pas programmer l’invention, la puissance publique peut en revanche jouer un rôle précieux d’orientation et de catalyse, et contribuer fortement à ce que l’ensemble des citoyens accèdent aux potentialités de la société de l’information.
La France accuse un retard sur les États-Unis et l’Europe du Nord, en matière de diffusion des TIC, tant du côté des entreprises que des ménages. Le coût relativement élevé de l’ordinateur, mais aussi le mode de tarification des communications locales (absence de forfait tout compris) ont pu limiter la diffusion de l’Internet en France. En revanche, l’effort réalisé en matière d’administration en ligne situe la France en bonne position vis-à-vis de ses partenaires européens. Mais, comme chez nos partenaires, il existe une forte disparité entre le développement des services centralisés par un seul acteur (impôts et contributions sociales), qui atteignent partout le stade de l’interaction à double sens, et celui des services délivrés par des acteurs multiples ou décentralisés, qui restent majoritairement de type informatif ou interactif à sens unique. L’un des handicaps au développement des services publics en ligne, demeure en effet, dans tous les pays, un défaut d’articulation entre les initiatives menées aux niveaux national, régional, et local.
Par son impact sur l’accès aux connaissances, la formation à l’usage des technologies de l’information est un enjeu éducatif comparable, par certains côtés, à ce qu’a pu être, il y a un peu plus d’un siècle, la généralisation de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans les pays industrialisés. Le premier pas à franchir est de faire en sorte que l’ordinateur soit, tout comme le livre ou le cahier, l’un des instruments naturels de l’enseignement. Pour que les TIC s’intègrent réellement dans la pratique éducative, il faut au minimum une salle informatique (si possible reliée à l’Internet) dans chaque établissement. Il conviendrait donc d’amplifier et de soutenir l’effort des collectivités locales en matière d’équipement des écoles, afin de réduire les disparités existantes et se rapprocher des meilleures pratiques européennes. »[/i]
Cette transition entre la société du savoir et la société de la connaissance partagée est en cours mais va nécessiter des investissements de la part des états et des individus pour qu’elle devienne une réalité.
Pour aller plus loin, quelques ouvrages sur le sujet :
- Petite Poucette, Michel Serres.
- L'ère numérique, un nouvel âge de l'humanité : cinq mutations qui vont bouleverser notre vie, Gilles Babinet.
- L'ère du contexte : ces nouvelles technologies qui bouleversent notre environnement, Robert Scoble, Shel Israel.
- L'impératif numérique : ou la nouvelle ère des sciences humaines et sociales ?, Michel Wieviorka.
- La métamorphose numérique : vers une société de la connaissance et de la coopération, sous la direction de Francis Jutand.
- L'école, le numérique et la société qui vient Denis Kambouchner, Philippe Meirieu, Bernard Stiegler.
D’autres résultats avec les mots-clés Technologies de l’information et de la communication – Aspect social.
Bonne journée.
Pour les Lumières, les savoirs étaient essentiels pour la construction de l’individu et de sa pensée. La BnF propose un arrêt sur l’esprit des Lumières dans lequel des spécialistes détaillent la pensée des philosophes des Lumières :
« Le premier trait constitutif de la pensée des Lumières consiste à privilégier ce qu'on choisit et décide soi-même, au détriment de ce qui vous est imposé par une autorité extérieure. Cette préférence comporte deux facettes, l'une critique, l'autre constructive : il faut se soustraire à toute tutelle imposée aux hommes du dehors et se laisser guider par les lois, normes, règles voulues par ceux-là même à qui elles s'adressent. Émancipation et autonomie sont les deux temps d'un même processus, également indispensables. Pour pouvoir s'y engager, il faut disposer d'une entière liberté d'examiner, de questionner, de critiquer, de mettre en doute : plus aucun dogme ni aucune institution n'est sacré.
Développer les connaissances
Ayant rejeté le joug ancien, les hommes fixeront leurs nouvelles lois et normes à l'aide de moyens purement humains – plus de place ici pour la magie ni pour la révélation. À la certitude de la Lumière viendra se substituer la pluralité des lumières.
La libération de la connaissance ouvre la voie royale à l'épanouissement de la science.
La société des savoirs est pour les Lumières, une société dans laquelle tout peut être remis en question et dans laquelle l’individu peut acquérir la connaissance. L’Encyclopédie des Lumières sera faite dans ce but, réunir le maximum de savoirs dans un seul document.
Dans la vidéo, Michel Serres explique que la transformation de la société des savoirs est en cours. Cette transition est décrite dans le rapport de l’UNESCO Vers les sociétés du savoir, l’impact des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) est au cœur de l’évolution du monde :
« De la société de l’information aux sociétés du savoir :
L’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication a créé des conditions nouvelles pour l’émergence de sociétés du savoir. Bien plus, la société mondiale de l’information en gestation ne trouvera son sens que si elle devient un moyen au service d’une fin plus élevée et plus désirable : la construction à l’échelle mondiale de sociétés du savoir qui soient source de développement pour tous et, en premier lieu, pour les pays les moins avancés. Pour ce faire, deux des défis posés par la révolution informationnelle prennent un relief particulier : l’accès pour tous à l’information et l’avenir de la liberté d’expression. En effet, l’inégalité de l’accès aux sources, aux contenus et aux infrastructures de l’information ne remet-elle pas en cause le caractère véritablement mondial de la société de l’information ?
Et lorsque la libre circulation de l’information se trouve entravée, ou que l’information elle-même fait l’objet de censure ou de manipulation, comment peut-on parler de société mondiale de l’information ?
Les sociétés du savoir, source de développement :
Au cœur des sociétés du savoir, il y a la « capacité d’identifier, de produire, de traiter, de transformer, de diffuser et d’utiliser l’information en vue de créer et d’appliquer les connaissances nécessaires au développement humain. Elles reposent sur une vision de la société propice à l’autonomisation, qui englobe les notions de pluralité, d’intégration, de solidarité, de participation». Comme l’UNESCO l’a souligné lors de la première partie du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), le concept de sociétés du savoir est plus riche et favorise davantage l’autonomisation que le concept de technologie et de connectivité, qui souvent est au centre des débats sur la société de l’information. Les questions de technologie et de connectivité mettent l’accent sur les infrastructures et sur la gouvernance de la planète des réseaux : elles sont de toute évidence d’une importance cruciale mais ne devraient pas être considérées comme une fin en soi.
[…]
La solidarité numérique
Aujourd’hui, seuls 11 % de la population mondiale ont accès à l’Internet; 90 % de ces « connectés » sont issus des pays industrialisés – Amérique du Nord (30 %), Europe (30 %) et Asie-Pacifique (30 %). D’emblée, ce chiffre remet à sa juste place l’impact dans le monde de la révolution des nouvelles technologies. En effet, on parle de société mondiale de l’information, de « toile » étendue au « monde entier » (World Wide Web), mais, dans les faits, 82 % de la population mondiale ne représentent que 10 % des connexions dans le monde. Cette « fracture numérique » est d’abord et avant tout une question d’accès aux infrastructures. Il importe de rappeler que près de 2 milliards d’êtres humains ne sont pas reliés à un réseau électrique – ce qui reste pour l’instant la condition même d’un accès massif aux nouvelles technologies.
[…]
Une société mondiale de l’information ?
À l’échelle mondiale, les facteurs d’inégalité devant les nouvelles technologies se combinent pour créer une véritable fracture numérique planétaire, qui n’est pas sans remettre en cause l’universalité de l’essor des nouvelles technologies. Si l’Internet semblait promettre comme un système ouvert, où les effets des distances et de l’éloignement seraient temporairement annulés, la fracture numérique se charge de nous rappeler qu’il existe toujours bel et bien une géographie de l’Internet. La carte de l’extension du réseau suit la géographie du développement.
De fait, les causes profondes de la fracture numérique rendent le rattrapage des pays du Sud particulièrement difficile. Car les inégalités de dotations industrielles induisent des inégalités de développement des infrastructures, qui sont le moteur de la diffusion des nouvelles technologies. Il y aurait donc bien une corrélation entre inégalités de développement industriel et disparités d’accès aux informations. »
L’extrait ci-dessus de ce dossier très documenté montre bien les difficultés que va rencontrer l’humanité pour passer à une société du savoir partagé grâce aux nouvelles technologies. Les écarts d’équipements et d’accès entre les pays riches et les pays en voie de développement créent des inégalités. Toute l’humanité n’a pas accès à l’information et encore moins à internet et aux réseaux de communication.
La période de transition entre la société du savoir et la société de la connaissance partagée touche pour l’instant seulement les pays riches et même au sein de ces pays, les inégalités existent. Une société des connaissances partagées est tributaire de l’accès aux nouvelles technologies par toute sa population. Il faudra donc encore du temps pour que cette transformation se réalise.
L’article Wikipédia Société de l’information, explique les changements dus à ces évolutions et que cette révolution n’est pas la première dans l’histoire de l’humanité :
« Ce n'est pas la première fois que des innovations scientifiques et technologiques contribuent fortement à des modifications profondes de la société :
Hier, les sciences de la dynamique, de la thermodynamique, et de l'électromagnétisme, et leurs conséquences sur l'apparition de la machine à vapeur, de l'électricité,… étaient accompagnées par le développement de la presse.
Aujourd'hui, la relativité, la physique quantique, et leurs applications dans l'énergie nucléaire, les nanotechnologies,… sont accompagnées par les modes de partage de l'information et des connaissances actuels que sont l'informatique, le web, et les télécommunications.
Le processus que l'on observe est donc : découvertes dans les sciences fondamentales, applications technologiques, et partage de la connaissance par de nouveaux moyens techniques.
L'informatique permet aujourd'hui de numériser les informations et de les traiter. D'autre part, les nouveaux moyens de télécommunication facilitent l'échange et la diffusion de la connaissance. Ces nouvelles technologies de l'information et de la communication (TIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l'État. Les TIC vont régir à terme une part importante des activités socioéconomiques. Elles occasionnent des changements de plus en plus importants non seulement pour l'entreprise et pour les échanges financiers mais aussi pour les États et les administrations dans leurs relations avec les citoyens et les administrés, pour l'éducation, les pratiques culturelles, les relations sociales ou encore la santé. Cet impact de la révolution numérique sur la société de l'information a été analysé par Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales.
Ce processus est analysé par plusieurs philosophes et sociologues, dans un cadre qui dépasse le strict cadre de la société de l'information. Plutôt que de société post-industrielle, il serait peut-être plus juste de parler de période post-moderne. Le philosophe Michel Foucault emploie l'expression d'hypermodernité, qu'il associe à un changement de conception du monde. Le terme employé par Michel Foucault pour désigner la conception du monde est l'épistémè, qui correspond, au niveau de la société, à un ensemble de représentations chez les individus (paradigmes). Gérard Ayache parle d'hypermonde pour exprimer les mutations radicales nées de l'association de la mondialisation économique et de l'hyper-information. »
Dans la conclusion du rapport écrit par Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet, La société de l’information, on trouve des éléments sur cette évolution de l’humanité :
« La marque la plus visible de l’avènement de la société de l’information est très certainement le développement explosif qu’a connu l’Internet dans les cinq dernières années : né de l’improbable et fructueuse conjonction de la recherche militaire et de l’esprit universitaire, le réseau des réseaux est aujourd’hui déployé à travers toute la planète. Réseau mondial, certes, mais très inégalement réparti selon les régions : une fracture numérique sépare le Nord du Sud, et même au sein du monde développé, subsistent de fortes disparités, la France accusant notamment un retard de cinq ans environ en matière de connexion et d’usages, relativement aux États-Unis ou aux États de l’Europe du Nord.
[…]
Les aspects économiques ne constituent toutefois qu’une des multiples facettes des transformations en cours. Les comportements sociaux, les pratiques culturelles ou scientifiques, l’éducation et la formation, le fonctionnement du système de santé, l’action de l’administration et l’exercice de la citoyenneté sont autant de domaines affectés par le phénomène Internet.
Dans presque tous les usages de la société de l’information (formation, aide à l’insertion, création culturelle, formation de seniors dans les maisons de retraite, services adaptés aux handicapés) la créativité de la société civile a pratiquement déjà tout inventé. Si elle ne peut naturellement pas programmer l’invention, la puissance publique peut en revanche jouer un rôle précieux d’orientation et de catalyse, et contribuer fortement à ce que l’ensemble des citoyens accèdent aux potentialités de la société de l’information.
La France accuse un retard sur les États-Unis et l’Europe du Nord, en matière de diffusion des TIC, tant du côté des entreprises que des ménages. Le coût relativement élevé de l’ordinateur, mais aussi le mode de tarification des communications locales (absence de forfait tout compris) ont pu limiter la diffusion de l’Internet en France. En revanche, l’effort réalisé en matière d’administration en ligne situe la France en bonne position vis-à-vis de ses partenaires européens. Mais, comme chez nos partenaires, il existe une forte disparité entre le développement des services centralisés par un seul acteur (impôts et contributions sociales), qui atteignent partout le stade de l’interaction à double sens, et celui des services délivrés par des acteurs multiples ou décentralisés, qui restent majoritairement de type informatif ou interactif à sens unique. L’un des handicaps au développement des services publics en ligne, demeure en effet, dans tous les pays, un défaut d’articulation entre les initiatives menées aux niveaux national, régional, et local.
Par son impact sur l’accès aux connaissances, la formation à l’usage des technologies de l’information est un enjeu éducatif comparable, par certains côtés, à ce qu’a pu être, il y a un peu plus d’un siècle, la généralisation de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans les pays industrialisés. Le premier pas à franchir est de faire en sorte que l’ordinateur soit, tout comme le livre ou le cahier, l’un des instruments naturels de l’enseignement. Pour que les TIC s’intègrent réellement dans la pratique éducative, il faut au minimum une salle informatique (si possible reliée à l’Internet) dans chaque établissement. Il conviendrait donc d’amplifier et de soutenir l’effort des collectivités locales en matière d’équipement des écoles, afin de réduire les disparités existantes et se rapprocher des meilleures pratiques européennes. »[/i]
Cette transition entre la société du savoir et la société de la connaissance partagée est en cours mais va nécessiter des investissements de la part des états et des individus pour qu’elle devienne une réalité.
Pour aller plus loin, quelques ouvrages sur le sujet :
- Petite Poucette, Michel Serres.
- L'ère numérique, un nouvel âge de l'humanité : cinq mutations qui vont bouleverser notre vie, Gilles Babinet.
- L'ère du contexte : ces nouvelles technologies qui bouleversent notre environnement, Robert Scoble, Shel Israel.
- L'impératif numérique : ou la nouvelle ère des sciences humaines et sociales ?, Michel Wieviorka.
- La métamorphose numérique : vers une société de la connaissance et de la coopération, sous la direction de Francis Jutand.
- L'école, le numérique et la société qui vient Denis Kambouchner, Philippe Meirieu, Bernard Stiegler.
D’autres résultats avec les mots-clés Technologies de l’information et de la communication – Aspect social.
Bonne journée.
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