Salvador Dali : Montre molle au moment de sa première explos
ARTS ET LOISIRS
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Le 06/02/2012 à 13h37
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Question d'origine :
Bonjour,je suis collégienne et m'interesse a Salvador Dali pour mon epreuve d'histoire de l'art. Je me suis informée sur " montre molle au moment de sa première explosion" mais je ne trouve nul part d'informations sur cette oeuvre car en effet ce n'est pas la plus connue . Pouvez vous me renseignez ?
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 10/02/2012 à 12h08
Nous avons déjà longuement abordé, dans le cadre du Guichet du savoir, la question de la représentation récurrente des montres molles dans l’œuvre de Dalí. Il s’agissait pour nous de donner quelques pistes pour comprendre pourquoi elles avaient une apparence molle et ce qu’elles traduisaient comme conception du temps. Ce que nous avons décrit alors demeure parfaitement utile pour votre interrogation. Nous avions d’ailleurs noté l’œuvre, dont vous souhaitez entreprendre l’étude, dans le passage suivant :
" La présence de montres molles se retrouvera à plusieurs moments dans l’oeuvre de Dalí :
« Le rêve de Vénus » en 1939
« Désintégration de la persistance de la mémoire », 1952-1954.
«
« Esquisse pour « Montre molle explosant en 888 morceaux après vingt ans de complète immobilité », 1954.
Tableaux qui s’inscrivent dans la période ou Dalí montre un intérêt prononcé pour les conceptions physiques de l’univers : « A l’époque surréaliste, je voulais créer l’iconographie du monde intérieur – le monde du merveilleux, de mon père Freud. Je suis parvenu à le faire. Aujourd’hui, le monde extérieur – celui de la physique – a transcendé celui de la psychologie. Aujourd’hui, mon père est le Dr Heisenberg…»
« …Depuis que la théorie de la relativité a substitué le sustratum d’univers à l’éther, détrônant et ramenant ainsi le temps à son rôle relatif que déjà lui accorda Héraclite quand il dit que « le temps est un enfant », et aussi Dalí quand il peignit ses fameuses « montres molles », depuis que l’univers tout entier semble rempli de cette substance inconnue et délirante, depuis l’équivalence explosive masse-énergie, tous ceux qui pensent, en dehors de l’inertie marxiste, savent que c’est aux métaphysiciens à « travailler précisément la question » de la substance ! »"
Pour expliquer l’explosion de la montre, il faut avoir à l’esprit que ce tableau date de 1954, et qu’il s’inscrit encore dans la « période atomique » de Dalí, qu’il théorise dès 1951 dans son Manifeste mystique. Il réalise alors ses premières œuvres où la désintégration de la forme en particules veut exprimer l’entité spirituelle au-delà de la discontinuité de la matière. Son attention pour la science des particules trouve son origine dans l’évènement de l’explosion de la bombe atomique sur la ville d’Hiroshima.
Dans le livre Salvador Dalí, 1904-1989 : l'oeuvre peint... / Robert Descharnes, Gilles Néret, les auteurs précisent :
« … Dali en détaille le détonateur: « L'explosion atomique du 6 août 1945 m'avait sismiquement ébranlé. Désormais l'atome était mon sujet de réflexion préféré. Bien des paysages peints durant cette période expriment la grande peur que j'éprouvais à l'annonce de cette explosion, j'appliquais ma méthode paranoïaque-critique à l'exploration de ce monde. Je veux voir et comprendre la force et les lois cachées des choses pour m'en rendre maître évidemment. Pour pénétrer au cœur de la réalité j'ai l'intuition géniale que je dispose d'une arme extraordinaire : le mysticisme, c'est-à-dire l'intuition profonde de ce qui est, la communication immédiate avec le tout, la vision absolue par la grâce de la vérité, par la grâce divine. Plus fort que les cyclotrons et les ordinateurs cybernétiques, je peux en un instant pénétrer les secrets du réel... A moi l'extase ! M'écriai-je. L'extase de Dieu et de l'homme…Moi, Dali, réactualisant le mysticisme espagnol, je vais prouver par mon œuvre l'unité de l'univers en montrant la spiritualité de toute substance ».
« … Cette triple synthèse entre peinture classique, ère atomique et spiritualisme aigu, il décide de s'y vouer désormais. « Dans un bouillonnement génial d'idées, je décidai de m'attaquer à la résolution plastique de la théorie du quantum d'énergie et j'inventai le « réalisme quantifié » pour me rendre maître de la gravitation. Je me mis à peindre la
D’autre part, le tableau inclut deux insectes : une mouche et un papillon de nuit. La mouche est très présente à la fois dans les écrits de Dalí et dans son œuvre artistique. Quant au papillon de nuit, le blog de l’astrologue Sylvie Tribut donne quelques évocations symboliques qui sont autant de pistes intéressantes à creuser :
« Le Papillon est volontiers considéré comme un symbole de légèreté et d’inconstance. Et cette grâce et cette légèreté ont fait de lui, au Japon, un emblème de la femme et deux papillons représentent le bonheur conjugal. Légèreté subtile : les papillons sont des esprits voyageurs et leur vue annonce une visite, ou bien la mort d’un proche. Un autre aspect du symbolisme du papillon est fondé sur ses métamorphoses : la chrysalide est l’œuf qui contient la potentialité de l’être ; le papillon qui en sort est un symbole de résurrection. C’est encore, si on préfère, la sortie du tombeau. Ce symbolisme est utilisé dans le mythe de Psyché qui est représentée avec des ailes de papillon. »
« La phalène ou papillon de nuit se brûle les ailes à la flamme qui l’attire. Il symbolise à la fois la douleur amoureuse que l’adepte qui souhaite se consumer aux flammes du divin. Mais il représente aussi l’imprudence. Il est une catégorie de phalène qui porte une marque ressemblant à un crâne, c’est le sphinx-tête-de-mort. Il est présage de mort. »
« La mouche est le plus souvent regardée par l’homme comme un insecte malpropre et vecteur de maladies comme le typhus ou le choléra. Pourtant dans l’Antiquité, les Egyptiens admiraient la mouche pour sa ténacité et les premières médailles de bravoure de l’Histoire furent probablement « les mouches de courage » en or, offertes par le Pharaon et pourtant l’attaque des mouches était l’une des dix plaies d’Egypte. Pour Shakespeare, la mouche symbolisait l’humain secoué par les lubies du destin, comme le dit Gloucester dans le Roi Lear : « Des mouches aux mains d’enfants espiègles, voici ce que nous sommes pour les dieux ; ils nous tuent pour s’amuser ». Dans la religion, Belzébuth était le maître des mouches, le démon des nuées. D’ailleurs, Saint Bernard excommunia les mouches qui avaient envahi l’abbaye de Joigny, et elles tombèrent raides mortes. Cet épisode est illustré par un vitrail du cloître du l’abbaye d’Altenberg, en Allemagne, aujourd’hui situé dans l’église Sainte-Marie-de Shrewsbury en Grande-Bretagne. Au cours du XVe siècle, les mouches étaient en peinture le moyen de rendre encore plus réalistes les natures mortes ou le trompe-l’œil. Un exemple est le tableau « Portrait de Moine Chartreux » peint en 1446 par Petrus Christus, montrant une fausse mouche en bas du cadre. Quant à Salvador Dali, c’était un grand passionné des mouches qu’il considérait comme l’insecte paranoïaque-critique par excellence.»
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