Question d'origine :
Bonjour,
Je fais à nouveau appel à vous pour une question un peu pointue.
Je m'intéresse à la question de l'animalité depuis quelques temps, et me demandais si cette question avait été abordée dans la psychanalyse, notamment lacanienne.
J'ai surtout, pour l'instant, trouvé de nombreuses pistes de travail dans la philosophie (Derrida, Burgat, De Fontenay, entre autres), mais pas dans la psychanalyse. Je me demande ainsi si cette question ne relève pas de cette discipline, ou si au contraire il existe un déni de cette question en psychanalyse...
En fait je m'interroge plus particulièrement sur la question du végétarisme, mais toute référence sur l'animalité en psychanalyse de façon globale sera bienvenue.
Par ailleurs, je recherche des références sur la consommation de chair animale dans les bouddhisme et les philosophies orientales. Je n'ai qu'une référence sur ce point : Shabkar : Les larmes du boddhisattva. Il en existe sûrement d'autres ?
En vous remerciant,
Marie B.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 26/11/2010 à 14h15
Bonjour,
« L’animal tient une place ambiguë dans l’histoire des sciences du psychisme – (l’expression « sciences du psychisme » est ici entendue au sens large : la triade psychiatrie, psychologie, psychanalyse, mais aussi tous les savoirs qui ont prétendu faire science sur le psychisme, les limites disciplinaires n’étant pas toujours pertinentes en ce domaine). L’animal est souvent ce qui permet de penser le propre du psychisme humain. À l’animalité supposée de l’animal, répond l’humanité de l’homme, une construction en négatif qui permet aux sciences « humaines », et à la psychologie en particulier, de se définir et de restreindre leur objet aux productions inscrites dans le cadre de la culture et du langage. A priori l’animal se voit donc chassé de savoirs qui se veulent centrés sur l’étude voire le soin de l’esprit humain et renvoyé vers les sciences naturelles, la zoologie, l’éthologie. Pourtant, quoi qu’elles aient pu dire, les sciences du psychisme n’ont en réalité jamais exclu l’animal de leur champ de recherche. D’abord parce que la question de l’existence d’un psychisme animal, certes distinct de celui de l’homme mais néanmoins présent, n’a jamais été complètement évacuée, ce qui ouvrait, dès lors, la possibilité d’une « psychologie animale ». Une psychologie animale dont la place a pu être d’autant plus grande qu’à la question : « le fou, l’enfant, le primitif ont-ils plus d’esprit que le singe ? », les psychologues n’ont pas toujours répondu oui. Interroger les capacités psychiques des animaux, chercher à évaluer leur intelligence, leurs capacités émotionnelles, affectives, ou autres, ou bien encore comparer les opérations réalisées par les grands singes et les enfants humains en bas âge etc., a ainsi pu être vu comme un moyen de parvenir à situer les limites du psychisme humain. »
Cette introduction est empruntée à la présentation des Journées d’études Des Hommes et des rats – Animal et animalité dans l’histoire des sciences du psychisme, dont les actes ne semblent pas encore parus. Elle résume bien les principaux enjeux du sujet.
Voici donc quelques indications :
La question au guichet du savoir Les relations homme/animal peut vous offrir plusieurs pistes de recherche.
L’ouvrage Si les lions pouvaient parler, sous la direction de Boris Cyrulnik, contient plusieurs textes de psychanalystes, dont deux extraits de Lacan parlant de l’animal.
Dans un texte en ligne Jacques Derrida. L’animal que donc je suis, Raoul Moati analyse le texte de Derrida, particulièrement sa critique de Lacan au sujet de l’animal (chapitre 3, Et si l’animal répondait, dédié à Jacques Lacan, que nous vous invitons à lire ainsi que les textes sources de Lacan) :
«Derrida s’attache dans le texte de Lacan « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien » (p 793 à 827 dans les Ecrits), au statut accordé par Lacan à l’animal relativement à la question du langage. L’une des thèses fondamentales soutenues par Lacan dans ce texte consiste à postuler une déficience symbolique propre à l’animalité. Par opposition à l’homme, l’existence animale se maintiendrait en marge de toute inscription dans l’univers des relations symboliques. C’est la raison pour laquelle, Lacan soutient qu’il n’y a pas d’inconscient animal. ».
D’autres textes et ouvrages abordent différents aspects du thème de l’animalité en psychanalyse :
La tâche civilisatrice de la psychanalyse selon Freud : "Le malaise dans la culture" à l'épreuve de l'animalité, Saïd Chebili (chap. III Les discours sur l'animalité entre philosophie et psychanalyse).
Le moi chez Freud et chez Lacan, Thierry Simonelli
Chien qui parle n’a pas de langage,Guy Flecher, qui suit les chiens dans l’œuvre de Lacan, donnant de nombreuses références de textes.
Animalité et psychose infantile, Patricia Gavilanes, texte en ligne sur les forums du Champ lacanien
A l’extrême limite de la vie psychique : l’animalité, Simone Korff-Sausse, Champ psychosomatique, n°1, 2007
Du même auteur sur le même thème Les identifications animales dans la clinique et l'art, Le Carnet psy, n°9, 2009
Champ psychosomatique, 1995, n°4, consacré à l’animalité (avec par ex. Le surmoi corporel : figures de l’animalité chez Freud, Paul-Laurent Assoun)
L’animal en soi, Cahiers jungiens de psychanalyse, n° 126, 2008
L’animal et le psychanalyste, sous la direction de Marie-Thérèse Neyraut-Suttermen
Sur le végétarisme proprement dit :
De quoi demain… Dialogue, Jacques Derrida, Elizabeth Roudinesco (chap. 5 Violences contre les animaux)
Les végétariens, raisons et sentiments, André Méry . Un paragraphe Végétarisme et psychanalyse dans le chap. 5 Aspects psychologiques)
Dans Oralité et violence, Kostas Nassikas aborde par deux fois le végétarisme (voir la table des matières)
Dans Psychanalyse de la gourmandise, Gisèle Harrus-Révidi consacre aussi un paragraphe au végétarisme (voir une fiche de lecture en ligne)
Pour terminer, un texte philosophique très développé :
Le fondement moral du végétarisme, Tom Regan, texte en ligne Klesis, 2010 : 16
Pour votre question sur la consommation de produits carnés dans le bouddhisme et les philosophies orientales, vous avez pu repérer dans le colloque de l’Ocha (voir réponse au guichet citée plus haut) :
Comparaison de l’influence du bouddhisme et du shintoisme sur la consommation de produits d’origine animale au Japon et en Asie du Nord-est et du sud-est, Naomichi Ishige
Les animaux interdits dans la religion chinoise moderne, Vincent Goossaert
On peut trouver en ligne la recension, de l’ouvrage du même auteur L’interdit du bœuf en Chine. Agriculture, éthique et sacrifice.
Un article vous en apprendra plus sur Végétarisme et sainteté dans le bouddhisme du Thjeravada, Guillaume Rozenberg, Archives de sciences sociales des religions, 2002, n°120
Des références sont par ailleurs proposées dans l’article (encore incomplet) Végétarisme bouddhique, de Wikipedia.
Pour finir, André Méry, dans le n°4 des Cahiers d’Alliance végétarienne, fait le point sur la question sous le titre Végétarisme et traditions spirituelles d’Orient : discours et positions.
Bonnes lectures !
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