Question d'origine :
Bonjour,
Je trouve des versions différentes sur la punition infligée à Sisyphe. Doit-il pousser son rocher au sommet pour qu'il reste au sommet ou doit-il faire passer le rocher de l'autre côté de la montagne pour qu'il redescende sur l'autre versant ?
Merci pour votre réponse !
Marie
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 21/08/2020 à 10h38
Bonjour,
Voici une version succincte du mythe de Sisyphe :
« Dans la mythologie grecque, roi de Corinthe, célèbre pour ses fourberies. Selon L'Iliade, Sisyphe habitait Éphyra (la future Corinthe) et était fils d'Éole (l'ancêtre éponyme des Éoliens). Lorsque Zeus eut enlevé Égine, la fille du dieu-fleuve Asopos, Sisyphe dénonça le ravisseur au père de la jeune fille, s'attirant de la sorte la colère du roi des dieux qui décida de le tuer. Mais lorsque la Mort vint le chercher, Sisyphe parvint à l'enchaîner et, pendant un temps, personne ne mourut plus. Il fallut qu'Hermès descendît enfin au secours de la Mort, et Sisyphe dut alors se soumettre. Toutefois, il avait pris soin auparavant d'ordonner à sa femme, la Pléiade Mérope, de ne pas célébrer les sacrifices rituels et de laisser son corps sans sépulture : ainsi, lorsqu'il arriva aux Enfers, on lui donna la permission de retourner sur terre pour la châtier de cette impiété. Une fois rentré chez lui, il reprit son existence, peu soucieux de retourner chez Hadès, et vécut jusqu'à un âge avancé. Quand il mourut pour la seconde fois, les dieux lui imposèrent un châtiment qui prît tout son temps afin de l'empêcher d'inventer quelque évasion : il fut condamné à pousser éternellement en haut d'une colline un énorme rocher qui dévalait à nouveau la pente dès qu'il avait réussi à le hisser au sommet.
Selon une tradition posthomérique, il passe pour être le vrai père d'Ulysse. En fait, Sisyphe était, comme Prométhée, un personnage mythologique extrêmement populaire, le type même du rusé ou du roublard, puni à tout jamais chez Hadès pour avoir osé berner la Mort. »
(« SISYPHE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 21 août 2020)
Comme le remarque / Joël Schmidt dans son Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine [Livre], « les mythographes antiques ne s’accordent pas sur les motifs d’un tel châtiment », et on l’a tour à tour accusé d’être un « roi ambitieux et hypocrite qui dévasta l’Attique », un dénonciateur des intrigues amoureuses de Zeus, un sacrilège ayant révélé aux hommes des mystères divin… Mais le propre d’un châtiment éternel étant de n’avoir pas de fin, le rocher poussé par Sisyphe n’a en aucun de ces cas vocation à rester au sommet de la montagne. Les poètes grecs et latin eurent tôt fait d’en faire une métaphore de la condition humaine :
« Un châtiment sans cesse recommencé lui [à Sisyphe] est imposé, parce que Zeus ne veut pas lui laisser le temps de penser… à s’évader.
Symbole de l’absurdité de la condition humaine, le châtiment de Sisyphe l’était déjà pour Lucrèce : « Le vrai Sisyphe est aussi devant nos yeux : il s’obstine à demander au peuple les haches et les faisceaux, et toujours se retire avec des refus et de la tristesse dans le cœur. S’épuiser en travaux continuels pour un honneur qui n’est rien et qu’on ne peut obtenir, voilà ce que j’appelle pousser avec effort vers la cime d’un mont un rocher qui retombe aussitôt et roule précipitamment dans la plaine. »
(Source : Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine [Livre] / sous la dir. de Jean-Claude Belfiore)
Notons que selon Mythes [Livre] : les plus célèbres mythes de l'Antiquité / Gerold Dommermuth-Gudrich ; trad. de l'allemand par Christine Monnatte, la mauvaise réputation de Sisyphe s’est formée progressivement dans la conscience grecque :
« Dans les premières œuvres de la littérature grecque, Sisyphe, fondateur et premier roi de Corinthe, est admiré pour son intelligence. C’est Homère (IXe siècle av. J.-C ?), qui, dans l’Iliade, XVI, le dit « le plus rusé d’entre les hommes », et Pindare (v.518-v.440 av. J.-C.), dans les Olympiques, le décrit comme presque aussi astucieux qu’un dieu. Les choses sont encore plus claires dans un passage du poète grec Hésiode (v.700 av. J.-C.) : « Ainsi, les Bienheureux qui occupent la demeure olympienne le comprenaient aisément… En effet, il dépassait les hommes par des plans et des pensées avisées. » C’est plus tard qu’il devient un fieffé coquin. […] Ulysse l’aperçoit lors de son passage dans l’Hadès, parmi d’autres damnés, tel Tantale qui, comme lui, subissent les châtiments les plus terribles. »
Cette mauvaise réputation n’empêchera pas la postérité du roi déchu d’être extrêmement riche, comme symbole de tout ce qu’on voudra lui faire endosser :
« Le sort de Sisyphe, dont la faute n’est pas toujours clairement définie dans la tradition, a reçu de nombreuses interprétations. Son châtiment peut apparaître comme le symbole de l’esprit humain incapable de s’élever au-dessus de la terre. Chez Baudelaire […] Sisyphe est un être héroïque que le poète moderne, condamné à l’effort perpétuel et à la solitude, ne peut qu’imiter. Moins présent dans la littérature que Prométhée, dont il est cependant proche, il prend plus d’importance au XXe siècle. Dans Le Mythe de Sisyphe (1942) Albert Camus fait du châtiment légendaire de Sisyphe un symbole de la condition humaine, caractérisée par l’absurdité […] »
(Source : Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine [Livre] / Sandrine Agusta-Boularot, Brigitte Buffard-Moret, Annie Collognat,... [et al.] ; sous la direction de René Martin)
Pour aller plus loin :
- Tout Homère [Livre] / sous la direction d'Hélène Monsacré ; [postface, Heinz Wismann]
- Théogonie [Livre] Les travaux et les jours Bouclier suivis des Hymnes homériques / Hésiode ; texte présenté, trad. et annoté par Jean-Louis Backès
- Les Petits Mythos / scénario Cazenove ; dessins Larbier ; couleurs Alexandre Amouriq & Mirabelle
- Le Mythe de Sisyphe [Livre] : essai sur l'absurde / Albert Camus
- Sisyphe et Asclépios [Multi-supports] : les mythes de la mort / Luc Ferry
Bonne journée.
Voici une version succincte du mythe de Sisyphe :
« Dans la mythologie grecque, roi de Corinthe, célèbre pour ses fourberies. Selon L'Iliade, Sisyphe habitait Éphyra (la future Corinthe) et était fils d'Éole (l'ancêtre éponyme des Éoliens). Lorsque Zeus eut enlevé Égine, la fille du dieu-fleuve Asopos, Sisyphe dénonça le ravisseur au père de la jeune fille, s'attirant de la sorte la colère du roi des dieux qui décida de le tuer. Mais lorsque la Mort vint le chercher, Sisyphe parvint à l'enchaîner et, pendant un temps, personne ne mourut plus. Il fallut qu'Hermès descendît enfin au secours de la Mort, et Sisyphe dut alors se soumettre. Toutefois, il avait pris soin auparavant d'ordonner à sa femme, la Pléiade Mérope, de ne pas célébrer les sacrifices rituels et de laisser son corps sans sépulture : ainsi, lorsqu'il arriva aux Enfers, on lui donna la permission de retourner sur terre pour la châtier de cette impiété. Une fois rentré chez lui, il reprit son existence, peu soucieux de retourner chez Hadès, et vécut jusqu'à un âge avancé. Quand il mourut pour la seconde fois, les dieux lui imposèrent un châtiment qui prît tout son temps afin de l'empêcher d'inventer quelque évasion : il fut condamné à pousser éternellement en haut d'une colline un énorme rocher qui dévalait à nouveau la pente dès qu'il avait réussi à le hisser au sommet.
Selon une tradition posthomérique, il passe pour être le vrai père d'Ulysse. En fait, Sisyphe était, comme Prométhée, un personnage mythologique extrêmement populaire, le type même du rusé ou du roublard, puni à tout jamais chez Hadès pour avoir osé berner la Mort. »
(« SISYPHE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 21 août 2020)
Comme le remarque / Joël Schmidt dans son Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine [Livre], « les mythographes antiques ne s’accordent pas sur les motifs d’un tel châtiment », et on l’a tour à tour accusé d’être un « roi ambitieux et hypocrite qui dévasta l’Attique », un dénonciateur des intrigues amoureuses de Zeus, un sacrilège ayant révélé aux hommes des mystères divin… Mais le propre d’un châtiment éternel étant de n’avoir pas de fin, le rocher poussé par Sisyphe n’a en aucun de ces cas vocation à rester au sommet de la montagne. Les poètes grecs et latin eurent tôt fait d’en faire une métaphore de la condition humaine :
« Un châtiment sans cesse recommencé lui [à Sisyphe] est imposé, parce que Zeus ne veut pas lui laisser le temps de penser… à s’évader.
Symbole de l’absurdité de la condition humaine, le châtiment de Sisyphe l’était déjà pour Lucrèce : « Le vrai Sisyphe est aussi devant nos yeux : il s’obstine à demander au peuple les haches et les faisceaux, et toujours se retire avec des refus et de la tristesse dans le cœur. S’épuiser en travaux continuels pour un honneur qui n’est rien et qu’on ne peut obtenir, voilà ce que j’appelle pousser avec effort vers la cime d’un mont un rocher qui retombe aussitôt et roule précipitamment dans la plaine. »
(Source : Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine [Livre] / sous la dir. de Jean-Claude Belfiore)
Notons que selon Mythes [Livre] : les plus célèbres mythes de l'Antiquité / Gerold Dommermuth-Gudrich ; trad. de l'allemand par Christine Monnatte, la mauvaise réputation de Sisyphe s’est formée progressivement dans la conscience grecque :
« Dans les premières œuvres de la littérature grecque, Sisyphe, fondateur et premier roi de Corinthe, est admiré pour son intelligence. C’est Homère (IXe siècle av. J.-C ?), qui, dans l’Iliade, XVI, le dit « le plus rusé d’entre les hommes », et Pindare (v.518-v.440 av. J.-C.), dans les Olympiques, le décrit comme presque aussi astucieux qu’un dieu. Les choses sont encore plus claires dans un passage du poète grec Hésiode (v.700 av. J.-C.) : « Ainsi, les Bienheureux qui occupent la demeure olympienne le comprenaient aisément… En effet, il dépassait les hommes par des plans et des pensées avisées. » C’est plus tard qu’il devient un fieffé coquin. […] Ulysse l’aperçoit lors de son passage dans l’Hadès, parmi d’autres damnés, tel Tantale qui, comme lui, subissent les châtiments les plus terribles. »
Cette mauvaise réputation n’empêchera pas la postérité du roi déchu d’être extrêmement riche, comme symbole de tout ce qu’on voudra lui faire endosser :
« Le sort de Sisyphe, dont la faute n’est pas toujours clairement définie dans la tradition, a reçu de nombreuses interprétations. Son châtiment peut apparaître comme le symbole de l’esprit humain incapable de s’élever au-dessus de la terre. Chez Baudelaire […] Sisyphe est un être héroïque que le poète moderne, condamné à l’effort perpétuel et à la solitude, ne peut qu’imiter. Moins présent dans la littérature que Prométhée, dont il est cependant proche, il prend plus d’importance au XXe siècle. Dans Le Mythe de Sisyphe (1942) Albert Camus fait du châtiment légendaire de Sisyphe un symbole de la condition humaine, caractérisée par l’absurdité […] »
(Source : Dictionnaire culturel de la mythologie gréco-romaine [Livre] / Sandrine Agusta-Boularot, Brigitte Buffard-Moret, Annie Collognat,... [et al.] ; sous la direction de René Martin)
- Tout Homère [Livre] / sous la direction d'Hélène Monsacré ; [postface, Heinz Wismann]
- Théogonie [Livre] Les travaux et les jours Bouclier suivis des Hymnes homériques / Hésiode ; texte présenté, trad. et annoté par Jean-Louis Backès
- Les Petits Mythos / scénario Cazenove ; dessins Larbier ; couleurs Alexandre Amouriq & Mirabelle
- Le Mythe de Sisyphe [Livre] : essai sur l'absurde / Albert Camus
- Sisyphe et Asclépios [Multi-supports] : les mythes de la mort / Luc Ferry
Bonne journée.
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