La page n'existe pas ou plus.
Critique presse sur le ‘personna-marketing’
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 29/02/2020 à 07h43
349 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Je doute sérieusement du sérieux de ‘personna-marketing’, méthode pour définir les profils clients d’une entreprise.
Pour ne pas rester figée sur un a priori, je sollicite votre aide en vue de connaître les critiques émises (positives et négatives) sur ce procédé.
Merci pour votre action,
Bien cordialement
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 03/03/2020 à 14h34
Bonjour,
Il semble exister peu de littérature critique sur la méthode du « persona marketing ». Le seul document que nous ayons trouvé fournissant un vrai travail d’analyse est l’article de Corinne Bornet et Éric Brangier, « La méthode des personas : principes, intérêts et limites », paru dans Bulletin de psychologie, vol. numéro 524, no. 2, 2013, pp. 115-134. En voici un extrait :
«Paradoxes et critiques de la méthode
La méthode des personas est fondée sur la rédaction d’une fiche, condensant les caractéristiques des clients ou des utilisateurs futurs, à partir d’une synthèse de données prospectives (voir la liste des critères dans le tableau 4), qui relèvent, d’abord, de la psychologie et de l’ergonomie, mais, aussi, de la sociologie, de l’économie et de l’ethnologie. En plus des critères de conception, la créativité et la rhétorique du rédacteur de personas font aussi partie de cette compétence, mais soulignent, également, la faiblesse, la variabilité et l’insuffisance démonstrative de cette technique. Cette démarche se démarque donc des procédures classiques, plus rigoureuses et linéaires, ce qui soulève des questions au niveau de la validité des personas, de la méthodologie associée et de la manière dont les personas sont perçus par les concepteurs.
La validité de la méthode
Le recours aux personas débouche sur des résultats qui ne sont pas reproductibles et qui varient d’un rédacteur de personas à un autre. De plus, les personas, étant des constructions fictives, ils ne peuvent être réfutés, ce qui caractérise pourtant le caractère scientifique d’une méthode (Chapman, Milham, 2006). Il apparaît ainsi délicat de procéder à une validation des personas réalisés. Ceci dit, la rédaction des personas doit être déduite du corpus recueilli, selon des critères de pertinence, de complétude et d’exclusivité, à savoir :
• pertinence : les traits du persona doivent être fondés sur le corpus construit sur les utilisateurs futurs. La description d’un persona est pertinente lorsqu’elle est précise et de qualité ;
• complétude : les traits de l’ensemble des personas doivent être complets et, donc, recouvrir le corpus recueilli sur les utilisateurs futurs ; d’une certaine manière, les traits du persona doivent épuiser le corpus ou les thèmes du corpus ;
• exclusivité : les traits issus du corpus sont rattachés à un persona et un seul ; le corpus doit être traité dans sa totalité, un trait n’étant détenu que par un seul persona.
Cependant, les personas peuvent évoluer, dans le sens où, compte tenu des informations recueillies tout au long du processus de conception, ils sont enrichis et modifiés, pour rendre compte des nouvelles connaissances acquises sur les utilisateurs (Pruitt, Grudin, 2003). La possibilité d’apporter la preuve de la qualité de la description de l’utilisateur est donc relativement spéculative. La validation interne de la qualité des personas va dépendre, à la fois, de la qualité du corpus servant à construire les personas, et de la qualité de l’analyse de contenu qui transformera le corpus en trait. Quant à la validation externe des personas, cette dernière dépendra de leur capacité à fonctionner comme des objets intermédiaires de conception centrés sur l’humain.
L’objectif principal des personas n’est sans doute pas là. Il consiste à permettre, aux concepteurs, de changer de perspective, de quitter leur système de référence, pour adopter celui des utilisateurs, et concevoir à leur intention des produits/services adaptés. Or, ainsi que le tableau 3 permet de le constater, la majeure partie des études sur les effets des personas dans les projets sont réalisées sous forme de retours d’expérience ou d’observations empiriques, avec une reproductibilité faible et un contrôle insuffisant. Mais, dans leur grande majorité, elles font état d’un bilan globalement positif, qui est souvent établi par les promoteurs mêmes de la méthode. Parallèlement, très peu d’études ont été centrées sur des évaluations expérimentales pour évaluer, en toute objectivité, les apports de la méthode. Ce manque de recherche peut s’expliquer par la difficulté à cerner l’angle selon lequel l’efficacité, selon les résultats obtenus, peut être abordée. Ainsi que le font remarquer Mulder et Yaar (2007), il est délicat de mener, sur le terrain, une expérimentation, consistant à faire travailler, sur le même projet, deux équipes de conception, l’une avec les personas et la seconde sans… […]
Une procédure envisageable consiste à estimer la capacité de la méthode des personas à produire des idées et, donc, à enclencher une augmentation de la créativité. Dans un contexte de conception d’un projet web (Brangier, Bornet, Bastien, Vivian, Michel, 2012), cinq concepteurs furent sollicités pour émettre des idées d’amélioration du projet, d’abord sans, puis avec recours à la méthode des personas. L’utilisation de la méthode des personas avait permis de générer 1° plus d’idées qu’en l’absence de personas ; 2° des idées sur plus de domaines couverts par le projet web ; 3° plus d’idées originales par rapport aux idées générées de manière spontanée ; et 4° un niveau supérieur d’élaboration des idées.
La méthodologie associée aux personas
De nombreux auteurs mettent en avant l’importance de l’investissement associé à la méthode, en temps et en ressources (Pruitt, Adlin, 2006). La méthode se prête, d’un autre côté, à une grande variété d’initiatives : commande de figurines articulées, de posters ou de tasses, mises en scène de saynètes par les concepteurs… De plus, elle nécessite une forte implication du management, qui doit apporter un soutien au projet et s’assurer que les personas sont largement communiqués à l’ensemble de l’équipe (Pruitt, Adlin, 2006), voire du personnel. Néanmoins, il a été démontré que la méthode pouvait être également mise en œuvre très rapidement, avec une rédaction fondée, simplement, sur une liste de caractéristiques (Kurosu, 2009). Dans la pratique, les concepteurs développent des usages variés de la méthode, qui semblent montrer qu’il serait envisageable de concevoir des personas, quand les caractéristiques de description des personas sont limitées (Chang, Lim, Stolterman, 2008). Le rapport entre le résultat atteint et les moyens mis en œuvre pour y parvenir reste à analyser (Bagnall, 2008).
De plus, certains concepteurs peuvent ne pas se sentir à l’aise avec une méthode facilement détournée : les personas peuvent, ainsi, être mobilisés pour justifier a posteriori des décisions qui ont déjà été prises (Rönkkö, 2005).
Enfin, certains détracteurs mettent en avant toute l’ambigüité de cette méthode participative, dont l’utilisateur réel est exclu, une fois la conception des personas achevée (Blomquist, Arvola, 2002).
La perception des personas par les concepteurs
Il s’agit de savoir si les membres d’une équipe projet, amenés à travailler avec les personas, apprécient cette utilisation, ce qui est primordial pour que les personas soient effectivement intégrés au processus de conception. Or, les quelques études disponibles à ce sujet font état de réactions variées, le recours aux personas étant appréhendé de manière ludique, mais, également, fastidieuse (Brangier et coll., 2012). D’un autre côté, certains concepteurs sont susceptibles d’abandonner, devant le caractère trop créatif de la méthode.
Les limites de la méthode des personas relèvent donc de leur validation opérationnelle dans les contextes réels de la conception d’un nouveau produit ou service. Le recul est encore faible sur les niveaux de satisfaction des concepteurs, d’acceptation des personas, de compréhension des enjeux de la méthode, d’intégration technique et pratique des personas dans le travail, d’impacts des personas sur le fonctionnement des équipes de conception… Des études sont encore à mener sur l’évaluation de la qualité des personas et leur capacité à améliorer la conception des produits et services (Chapman, Love, Milham, El Rif, Alford, 2008). Les personas apparaissent donc comme une méthode nouvelle et controversée, qui, en outre, a fait l’objet de peu de publications sur la mesure de leur efficacité à produire des modèles d’utilisateurs (Long, 2009). »
Le billet de Venkat Nagaswamy Adieu personas, bonjour IA ! pourra aussi vous intéresser :
« L'obsolescence des personas est illustrée de manière parlante au sein d'une mini-bande dessinée créée par Tom Fishburne. Un marketer y présente le profil-type qu'il a imaginé: "Il est scorpion, a 39 ans, conduit une Acura, regarde Games of Trones, possède un Jack Russell et George est son Beatles favori." À la question "Comment cela va-t-il nous aider à vendre un progiciel de gestion intégrée?", il répond: "Vendre, c'est votre métier, pas le mien. Moi, je travaille au marketing." Voilà bien tout le problème des personas. Elles sont nécessairement conçues au niveau macro, alors que le marketing opère à l'échelle du consommateur.
Leur utilisation pose plusieurs problèmes:
• Tout d'abord, elles ne sont pas incarnées. Il s'agit d'archétypes développés par les marketers à partir de datas qu'ils ont pu regrouper à propos d'une cible. Le volume de données est donc limité et la pertinence du profil dépend entièrement de la capacité d'analyse du professionnel à partir de data incomplètes.
• Au sein de l'univers B to B, les personas se focalisent sur les fonctions et les titres. Il apparaît ainsi impossible d'introduire la complexité et les nuances du comportement d'un client au sein de ce genre d'archétypes. Par ailleurs, les titres peuvent induire en erreur: si une persona désigne une cible en se fondant avant tout sur sa fonction, le marketer risque de manquer sa cible réelle et toute sses approches seront considérées comme du spam.
• Les consommateurs sont en constante évolution, contrairement aux personas. Ces profils sont voués à demeurer constamment à la traîne, loin des évolutions des besoins, envies et comportements des publics, même si des mises à jour sont effectuées régulièrement. Par ailleurs, ces personnages-types proviennent d'interviews ou d'agrégats de données liées aux caractéristiques démographiques mais ne prennent pas en compte les comportements en ligne, comme les sites et les réseaux sociaux préférés.
L'intelligence artificielle personnalise les personas
Les plateformes d'intelligence artificielle permettent de faire évoluer ces personnages figés. En effet, elles collectent et analysent les données des prospects et clients à large échelle, en utilisant notamment dans les bases de données internes, les "third-party data" et les réseaux sociaux. Ces outils construisent des associations par analogie et créent ainsi automatiquement des insights plus pertinents, générant des leads davantage qualifiés.
De plus, l'IA met à jour les personas en temps réel et permet d'améliorer la pertinence de la stratégie d'engagement et des messages envoyés aux cibles ainsi identifiées. Les outils existent désormais en version Saas et peuvent s'implémenter au sein des solutions marketing existantes. »
Enfin, citons l’article de François Descarie qui, tout en reconnaissant ses limites, défend une opinion positive sur les personas : Les personas: un outil de marketing inspirant et ludique :
« La définition du groupe cible s’avère généralement la première étape de toute démarche de développement de produit ou de campagne de communication. Malheureusement, les paramètres les plus souvent employés pour définir ces groupes relèvent plus souvent qu’autrement de la simple sociodémographie.
Vouloir, par exemple, atteindre les femmes de 25-54 ans n’est pas de nature à allumer les créateurs (surtout s'ils ne partagent pas ces mêmes caractéristiques). Non seulement le segment peut-il sembler trop large, mais il lui manque une dimension de proximité ou d’intimité qui puisse générer une certaine empathie et inspirer.
L’utilisation des personas vise justement à ajouter de la couleur aux individus que nous ciblons. En somme, il s’agit de créer un ou plusieurs individus fictifs qui représentent les différents types de clients qui utilisent ou pourraient utiliser un produit/service. La rédaction d’un persona n’est pas sans rappeler la création des bibles à la télé ou au cinéma (document qui présente tout le passé, la personnalité et les aspirations des personnages, même si ces éléments ne sont pas révélés dans l’œuvre).
L’utilisation du persona est aussi stratégique, car, trop souvent, le concepteur a naturellement tendance à produire une campagne ou un service qui LUI ressemble.
Comment concevoir un persona?
La nature qualitative du persona masque la nécessité d’une connaissance structurée des consommateurs à atteindre. En fait, il est très difficile de rédiger des personas si l'on ne profite pas d’une connaissance intime de la catégorie et de ses utilisateurs.
Contrairement à la segmentation classique, qui repose essentiellement sur des données de sondages ou quantitatives, le persona est créé à partir de tout ce qu’on sait d’un groupe cible. Cela permet donc d’intégrer des données diverses et de tabler sur tous les éléments connus et l’intelligence collective disponibles sur le sujet.
Outre les données classiques de ventes/consommation ou de profils de clientèle, on pourra donc recueillir ce que les vendeurs perçoivent des clients. Idéalement, l'on procède aussi à des entrevues individuelles avec des utilisateurs actuels et potentiels afin d’enrichir la création de ces profils.
On s’intéressera alors au profil des gens, mais aussi aux modes d’acquisition et d’utilisation du produit, aux attributs les plus porteurs et aux rôles que ledit produit joue dans la vie des gens. On s’intéressera à leurs préoccupations et à leurs attentes. En plus de s’attarder aux canaux de communication, on intégrera des éléments périphériques dans la rédaction afin de rendre les personas plus réels et moins téléguidés.
Ainsi, afin de rendre le personnage plus concret, on l’affuble d’un prénom, d’une photo, de traits de personnalités et on le positionne dans un espace social.
Ses utilités
Le persona permet de «mettre un visage» sur un consommateur malheureusement trop souvent anonyme. C’est un peu le filtre qui nous permet de valider la pertinence des gestes marketing en se demandant a priori pour qui on le conçoit.
C’est en quelque sorte le miroir du positionnement. Autant le positionnement prend la perspective de la marque et de la position idéale à tenir, autant le persona incite à prendre une posture mentale plus proche du client potentiel. Qui plus est, les personas aident à tangibiliser la personnalité de la marque et contribuent au ton et au style des communications.
Les limites
Le persona n’est pas une panacée et comme tous les modèles, il a tendance à simplifier la réalité. Afin d'éviter les clichés, il est préférable de compter sur plus d’une source d’information pour les concevoir.
Nous recommandons aussi de valider les personas en demandant à des consommateurs de constater s’ils se retrouvent dans l’un ou l’autre des personas créés.
Finalement, les personas ne résistent pas nécessairement bien à l’usure du temps (comme nous tous) et il convient de les mettre à jour de façon courante. »
Bonne journée.
Il semble exister peu de littérature critique sur la méthode du « persona marketing ». Le seul document que nous ayons trouvé fournissant un vrai travail d’analyse est l’article de Corinne Bornet et Éric Brangier, « La méthode des personas : principes, intérêts et limites », paru dans Bulletin de psychologie, vol. numéro 524, no. 2, 2013, pp. 115-134. En voici un extrait :
«
La méthode des personas est fondée sur la rédaction d’une fiche, condensant les caractéristiques des clients ou des utilisateurs futurs, à partir d’une synthèse de données prospectives (voir la liste des critères dans le tableau 4), qui relèvent, d’abord, de la psychologie et de l’ergonomie, mais, aussi, de la sociologie, de l’économie et de l’ethnologie. En plus des critères de conception, la créativité et la rhétorique du rédacteur de personas font aussi partie de cette compétence, mais soulignent, également, la faiblesse, la variabilité et l’insuffisance démonstrative de cette technique. Cette démarche se démarque donc des procédures classiques, plus rigoureuses et linéaires, ce qui soulève des questions au niveau de la validité des personas, de la méthodologie associée et de la manière dont les personas sont perçus par les concepteurs.
Le recours aux personas débouche sur des résultats qui ne sont pas reproductibles et qui varient d’un rédacteur de personas à un autre. De plus, les personas, étant des constructions fictives, ils ne peuvent être réfutés, ce qui caractérise pourtant le caractère scientifique d’une méthode (Chapman, Milham, 2006). Il apparaît ainsi délicat de procéder à une validation des personas réalisés. Ceci dit, la rédaction des personas doit être déduite du corpus recueilli, selon des critères de pertinence, de complétude et d’exclusivité, à savoir :
• pertinence : les traits du persona doivent être fondés sur le corpus construit sur les utilisateurs futurs. La description d’un persona est pertinente lorsqu’elle est précise et de qualité ;
• complétude : les traits de l’ensemble des personas doivent être complets et, donc, recouvrir le corpus recueilli sur les utilisateurs futurs ; d’une certaine manière, les traits du persona doivent épuiser le corpus ou les thèmes du corpus ;
• exclusivité : les traits issus du corpus sont rattachés à un persona et un seul ; le corpus doit être traité dans sa totalité, un trait n’étant détenu que par un seul persona.
Cependant, les personas peuvent évoluer, dans le sens où, compte tenu des informations recueillies tout au long du processus de conception, ils sont enrichis et modifiés, pour rendre compte des nouvelles connaissances acquises sur les utilisateurs (Pruitt, Grudin, 2003). La possibilité d’apporter la preuve de la qualité de la description de l’utilisateur est donc relativement spéculative. La validation interne de la qualité des personas va dépendre, à la fois, de la qualité du corpus servant à construire les personas, et de la qualité de l’analyse de contenu qui transformera le corpus en trait. Quant à la validation externe des personas, cette dernière dépendra de leur capacité à fonctionner comme des objets intermédiaires de conception centrés sur l’humain.
L’objectif principal des personas n’est sans doute pas là. Il consiste à permettre, aux concepteurs, de changer de perspective, de quitter leur système de référence, pour adopter celui des utilisateurs, et concevoir à leur intention des produits/services adaptés. Or, ainsi que le tableau 3 permet de le constater, la majeure partie des études sur les effets des personas dans les projets sont réalisées sous forme de retours d’expérience ou d’observations empiriques, avec une reproductibilité faible et un contrôle insuffisant. Mais, dans leur grande majorité, elles font état d’un bilan globalement positif, qui est souvent établi par les promoteurs mêmes de la méthode. Parallèlement, très peu d’études ont été centrées sur des évaluations expérimentales pour évaluer, en toute objectivité, les apports de la méthode. Ce manque de recherche peut s’expliquer par la difficulté à cerner l’angle selon lequel l’efficacité, selon les résultats obtenus, peut être abordée. Ainsi que le font remarquer Mulder et Yaar (2007), il est délicat de mener, sur le terrain, une expérimentation, consistant à faire travailler, sur le même projet, deux équipes de conception, l’une avec les personas et la seconde sans… […]
Une procédure envisageable consiste à estimer la capacité de la méthode des personas à produire des idées et, donc, à enclencher une augmentation de la créativité. Dans un contexte de conception d’un projet web (Brangier, Bornet, Bastien, Vivian, Michel, 2012), cinq concepteurs furent sollicités pour émettre des idées d’amélioration du projet, d’abord sans, puis avec recours à la méthode des personas. L’utilisation de la méthode des personas avait permis de générer 1° plus d’idées qu’en l’absence de personas ; 2° des idées sur plus de domaines couverts par le projet web ; 3° plus d’idées originales par rapport aux idées générées de manière spontanée ; et 4° un niveau supérieur d’élaboration des idées.
De nombreux auteurs mettent en avant l’importance de l’investissement associé à la méthode, en temps et en ressources (Pruitt, Adlin, 2006). La méthode se prête, d’un autre côté, à une grande variété d’initiatives : commande de figurines articulées, de posters ou de tasses, mises en scène de saynètes par les concepteurs… De plus, elle nécessite une forte implication du management, qui doit apporter un soutien au projet et s’assurer que les personas sont largement communiqués à l’ensemble de l’équipe (Pruitt, Adlin, 2006), voire du personnel. Néanmoins, il a été démontré que la méthode pouvait être également mise en œuvre très rapidement, avec une rédaction fondée, simplement, sur une liste de caractéristiques (Kurosu, 2009). Dans la pratique, les concepteurs développent des usages variés de la méthode, qui semblent montrer qu’il serait envisageable de concevoir des personas, quand les caractéristiques de description des personas sont limitées (Chang, Lim, Stolterman, 2008). Le rapport entre le résultat atteint et les moyens mis en œuvre pour y parvenir reste à analyser (Bagnall, 2008).
De plus, certains concepteurs peuvent ne pas se sentir à l’aise avec une méthode facilement détournée : les personas peuvent, ainsi, être mobilisés pour justifier a posteriori des décisions qui ont déjà été prises (Rönkkö, 2005).
Enfin, certains détracteurs mettent en avant toute l’ambigüité de cette méthode participative, dont l’utilisateur réel est exclu, une fois la conception des personas achevée (Blomquist, Arvola, 2002).
Il s’agit de savoir si les membres d’une équipe projet, amenés à travailler avec les personas, apprécient cette utilisation, ce qui est primordial pour que les personas soient effectivement intégrés au processus de conception. Or, les quelques études disponibles à ce sujet font état de réactions variées, le recours aux personas étant appréhendé de manière ludique, mais, également, fastidieuse (Brangier et coll., 2012). D’un autre côté, certains concepteurs sont susceptibles d’abandonner, devant le caractère trop créatif de la méthode.
Les limites de la méthode des personas relèvent donc de leur validation opérationnelle dans les contextes réels de la conception d’un nouveau produit ou service. Le recul est encore faible sur les niveaux de satisfaction des concepteurs, d’acceptation des personas, de compréhension des enjeux de la méthode, d’intégration technique et pratique des personas dans le travail, d’impacts des personas sur le fonctionnement des équipes de conception… Des études sont encore à mener sur l’évaluation de la qualité des personas et leur capacité à améliorer la conception des produits et services (Chapman, Love, Milham, El Rif, Alford, 2008). Les personas apparaissent donc comme une méthode nouvelle et controversée, qui, en outre, a fait l’objet de peu de publications sur la mesure de leur efficacité à produire des modèles d’utilisateurs (Long, 2009). »
Le billet de Venkat Nagaswamy Adieu personas, bonjour IA ! pourra aussi vous intéresser :
« L'obsolescence des personas est illustrée de manière parlante au sein d'une mini-bande dessinée créée par Tom Fishburne. Un marketer y présente le profil-type qu'il a imaginé: "Il est scorpion, a 39 ans, conduit une Acura, regarde Games of Trones, possède un Jack Russell et George est son Beatles favori." À la question "Comment cela va-t-il nous aider à vendre un progiciel de gestion intégrée?", il répond: "Vendre, c'est votre métier, pas le mien. Moi, je travaille au marketing." Voilà bien tout le problème des personas. Elles sont nécessairement conçues au niveau macro, alors que le marketing opère à l'échelle du consommateur.
Leur utilisation pose plusieurs problèmes:
• Tout d'abord, elles ne sont pas incarnées. Il s'agit d'archétypes développés par les marketers à partir de datas qu'ils ont pu regrouper à propos d'une cible. Le volume de données est donc limité et la pertinence du profil dépend entièrement de la capacité d'analyse du professionnel à partir de data incomplètes.
• Au sein de l'univers B to B, les personas se focalisent sur les fonctions et les titres. Il apparaît ainsi impossible d'introduire la complexité et les nuances du comportement d'un client au sein de ce genre d'archétypes. Par ailleurs, les titres peuvent induire en erreur: si une persona désigne une cible en se fondant avant tout sur sa fonction, le marketer risque de manquer sa cible réelle et toute sses approches seront considérées comme du spam.
• Les consommateurs sont en constante évolution, contrairement aux personas. Ces profils sont voués à demeurer constamment à la traîne, loin des évolutions des besoins, envies et comportements des publics, même si des mises à jour sont effectuées régulièrement. Par ailleurs, ces personnages-types proviennent d'interviews ou d'agrégats de données liées aux caractéristiques démographiques mais ne prennent pas en compte les comportements en ligne, comme les sites et les réseaux sociaux préférés.
L'intelligence artificielle personnalise les personas
Les plateformes d'intelligence artificielle permettent de faire évoluer ces personnages figés. En effet, elles collectent et analysent les données des prospects et clients à large échelle, en utilisant notamment dans les bases de données internes, les "third-party data" et les réseaux sociaux. Ces outils construisent des associations par analogie et créent ainsi automatiquement des insights plus pertinents, générant des leads davantage qualifiés.
De plus, l'IA met à jour les personas en temps réel et permet d'améliorer la pertinence de la stratégie d'engagement et des messages envoyés aux cibles ainsi identifiées. Les outils existent désormais en version Saas et peuvent s'implémenter au sein des solutions marketing existantes. »
Enfin, citons l’article de François Descarie qui, tout en reconnaissant ses limites, défend une opinion positive sur les personas : Les personas: un outil de marketing inspirant et ludique :
« La définition du groupe cible s’avère généralement la première étape de toute démarche de développement de produit ou de campagne de communication. Malheureusement, les paramètres les plus souvent employés pour définir ces groupes relèvent plus souvent qu’autrement de la simple sociodémographie.
Vouloir, par exemple, atteindre les femmes de 25-54 ans n’est pas de nature à allumer les créateurs (surtout s'ils ne partagent pas ces mêmes caractéristiques). Non seulement le segment peut-il sembler trop large, mais il lui manque une dimension de proximité ou d’intimité qui puisse générer une certaine empathie et inspirer.
L’utilisation des personas vise justement à ajouter de la couleur aux individus que nous ciblons. En somme, il s’agit de créer un ou plusieurs individus fictifs qui représentent les différents types de clients qui utilisent ou pourraient utiliser un produit/service. La rédaction d’un persona n’est pas sans rappeler la création des bibles à la télé ou au cinéma (document qui présente tout le passé, la personnalité et les aspirations des personnages, même si ces éléments ne sont pas révélés dans l’œuvre).
L’utilisation du persona est aussi stratégique, car, trop souvent, le concepteur a naturellement tendance à produire une campagne ou un service qui LUI ressemble.
La nature qualitative du persona masque la nécessité d’une connaissance structurée des consommateurs à atteindre. En fait, il est très difficile de rédiger des personas si l'on ne profite pas d’une connaissance intime de la catégorie et de ses utilisateurs.
Contrairement à la segmentation classique, qui repose essentiellement sur des données de sondages ou quantitatives, le persona est créé à partir de tout ce qu’on sait d’un groupe cible. Cela permet donc d’intégrer des données diverses et de tabler sur tous les éléments connus et l’intelligence collective disponibles sur le sujet.
Outre les données classiques de ventes/consommation ou de profils de clientèle, on pourra donc recueillir ce que les vendeurs perçoivent des clients. Idéalement, l'on procède aussi à des entrevues individuelles avec des utilisateurs actuels et potentiels afin d’enrichir la création de ces profils.
On s’intéressera alors au profil des gens, mais aussi aux modes d’acquisition et d’utilisation du produit, aux attributs les plus porteurs et aux rôles que ledit produit joue dans la vie des gens. On s’intéressera à leurs préoccupations et à leurs attentes. En plus de s’attarder aux canaux de communication, on intégrera des éléments périphériques dans la rédaction afin de rendre les personas plus réels et moins téléguidés.
Ainsi, afin de rendre le personnage plus concret, on l’affuble d’un prénom, d’une photo, de traits de personnalités et on le positionne dans un espace social.
Le persona permet de «mettre un visage» sur un consommateur malheureusement trop souvent anonyme. C’est un peu le filtre qui nous permet de valider la pertinence des gestes marketing en se demandant a priori pour qui on le conçoit.
C’est en quelque sorte le miroir du positionnement. Autant le positionnement prend la perspective de la marque et de la position idéale à tenir, autant le persona incite à prendre une posture mentale plus proche du client potentiel. Qui plus est, les personas aident à tangibiliser la personnalité de la marque et contribuent au ton et au style des communications.
Le persona n’est pas une panacée et comme tous les modèles, il a tendance à simplifier la réalité. Afin d'éviter les clichés, il est préférable de compter sur plus d’une source d’information pour les concevoir.
Nous recommandons aussi de valider les personas en demandant à des consommateurs de constater s’ils se retrouvent dans l’un ou l’autre des personas créés.
Finalement, les personas ne résistent pas nécessairement bien à l’usure du temps (comme nous tous) et il convient de les mettre à jour de façon courante. »
Bonne journée.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Où peut-on trouver "Mes vingt leçons de culture psychique"...
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter