Question d'origine :
Bonjour, je souhaiterai connaitre les enjeux économiques et les acteurs principaux (éditeurs, auteurs, consommaterus...) de la litterature young adult ? Merci pour votre réponse,
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 19/12/2019 à 16h24
Bonjour,
Les grands succès historiques de la littérature dire young adult sont anglo-saxons, comme le rappelle un dossier de Livres Hebdo du 23.06.2017 : Dossier Young adult : l’âge de raison que nous vous avions cités dans une précédente réponse sur un sujet proche :
" A l’instar du public adolescent auquel il s’adresse, le "young adult " garde une part de mystère. Comme son nom l’indique, il nous vient tout droit des États-Unis, et se traduirait littéralement par "jeune adulte". Une notion aussi floue, finalement, que la fourchette d’âge à laquelle il s’adresse : elle commencerait à 13 ans selon certains, 15 pour d’autres, pour aller jusqu’à 25, 35 ans et plus. Alors, si ce n’est par l’âge, comment délimiter les frontières de ce créneau qui s’est désormais imposé dans les librairies françaises, au point d’en faire bouger les rayons ? "
L'histoire de ce mouvement littéraire si l'on peut l'appeler ainsi est retracée dans cet article de Livres Hebdo : il serait né avec Harry Potter [de l’Anglaise J.K. Rowling] et aurait poursuivi son essor avec la bit-lit (littérature de vampires incarnée par Twilight [de l’Américaine Stephanie Meyer]), la dystopie (illustrée par Hunger games[de l’Américaine Suzanne Collins]), la sick-lit (littérature de la maladie). [...] »
Les trois autrices citées sont fondamentales dans la définition du genre, et surtout dans son introduction en France : un article récent du Monde évoque d’ailleurs l’influence considérable qu’elles gardent sur les auteurs français. C’est d’ailleurs depuis le succès d’Hunger games que des rayons young adult ont commencé à s’implanter dans nos librairies et bibliothèques !
Un article de Lettres it be cite les noms de Christopher Paolini, Ann Brashares, Marissa Meyer, auxquels Livres hebdo ajoute Veronica Roth (Divergente), John Greene (Nos Etoiles contraires), quand L’Express évoque les noms de Rick Riordan (Percy Jackson), Robert Muchamore (Cherub), Estelle Maskame ( Did I Mention I Love You?), ou encore le quatuor d’auteurs Grevet, Hinckel, Trébor et Villeminot, auteurs de la série U4, et seuls français de cette liste !
Pourtant les Français ne sont pas en reste, comme en témoigne cet article du Monde présentant les auteurs Aylin Manço, Delphine Bertholon, Stephen Carrière, Marie Pavlenko et Bertrand Puard, ou encore Livres hebdo, qui montre une grande disparité d’auteurs français, parfois issus de la littérature jeunesse, parfois de Youtube :
« Parmi les incontournables, on retrouve l'hyperactive Florence Hinckel, qui s'inscrit à la fois dans une littérature réaliste, cette année dans Nos éclats de miroir, roman épistolaire où la jeune héroïne s'adresse à Anne Frank (Nathan), ainsi que dans sa série Le grand saut (Nathan), ou encore Quatre filles et quatre garçons (Talents hauts, chez Pocket Jeunesse depuis le mois dernier), mais aussi dans l'anticipation avec une série de romans publiés chez Syros. Avec Vincent Villeminot, dont le Nous sommes l'étincelle est un roman phare de Pocket Jeunesse ce printemps, elle a participé en 2015 à l'expérience U4 (Nathan-Syros), une série de quatre ouvrages écrite à huit mains.
La veine imaginaire est importante dans ce secteur qui mêle tous les genres, à l'image de Fabrice Colin, plusieurs fois primé, au grand prix de l'Imaginaire notamment, et dont la plume s'adresse aux adolescents aussi bien chez Talents hauts (La bonne aventure, à la rentrée) que de façon plus réaliste chez Albin Michel (Rester debout : Simone Veil ou la naissance d'une légende, ou une biographie de Marilyn Monroe à l'automne).
Victor Dixen, auteur de la série de science-fiction à succès Phobos, dans la collection « R » de Robert Laffont, publie ces jours-ci son nouveau roman, Cogito, sur le thème de l'intelligence artificielle. Auteur venu, lui, de la fantasy, Gabriel Katz (déjà aperçu chez Scrineo) inaugure la nouvelle collection « Big bang » labellisée young adult chez Bragelonne avec Le serment de l'orage, au côté d'une jeune auteure, Chloé Jo Bertrand, dont Apocalypse blues est le premier roman.
« Aujourd'hui, le young adult est un étendard pour les jeunes auteurs, une zone temporaire. C'est là que viennent les auteurs qui ne se reconnaissent pas dans la littérature générale, dans les limites de genres ou d'âges. Ça se traduit par une liberté dans l'écriture, y compris dans le style, très cash, très oral », estime Stéphane Marsan, fondateur et directeur de Bragelonne. La passe-miroir, immense succès de Gallimard, aujourd'hui phénomène international, dont le tome 4 est attendu à l'automne, est le fruit du concours du premier roman organisé par l'éditeur et remporté par Christelle Dabos.
Les maisons françaises misent sur de jeunes auteurs et les suivent : c'est le cas dans une veine réaliste de Clémentine Beauvais (Les petites reines, Brexit romance) ou d'Emilie Chazerand (La fourmi rouge et Falalalala à paraître à la rentrée) chez Sarbacane, c'est aussi celui dans le courant imaginaire de Floriane Soulas chez Scrineo (Rouille, Les noces de la renarde), qui compte aussi parmi ses plumes Aurélie Wellenstein, auteure « coup de cœur » du festival Imaginales en 2017, qui a publié cette année le remarqué récit d'anticipation climatique Mers mortes, mais aussi un roman sur la défense de la cause animale, Blé noir, dans la collection « Electrogène » de Gulf Stream.
C'est aussi sur le Net que les éditeurs vont chercher des talents, tel Albin Michel qui publie la booktubeuse et auteure Nine Gorman (Le pacte d'Emma, Ashes falling for the sky), et se prépare à publier un roman de l'influenceuse Estelle Fitz, Les Mélansires, ou encore Gallimard, qui a repéré l'auteure de Ceux qui ne peuvent pas mourir, Karine Martins, à paraître à la rentrée, sur Wattpad. »
Pour aller plus loin dans cette vaste galaxie, vous pouvez également vous référer aux listes dressées par des blogs et sites tels que Croque-bouquins ou Babelio.
Nous ne pouvons faire un panorama complet des maisons d’éditions qui ont investi le genre tant elles sont nombreuses. Mais nous vous invitons à consulter la liste éclairante du Réseau Canope : à côté des maisons récentes et spécialisées YA (Sarbacane, Sortilèges, Les Grandes personnes), ou encore Science-fiction (Bragelonne…), ce sont très majoritairement des maisons d’éditions installées qui ont remis brutalement leur collections jeunesse au goût du jour pour s’adapter à la demande. Une tendance soulignée dans le master édition imprimée et numérique d’Alexandra Grenon, lisible sur dumas.ccsd.cnrs.fr, un document que nous vous conseillons très vivement de consulter :
« Un des exemples les plus parlants est celui de Pocket Jeunesse, collection créée il y a déjà une vingtaine d'années, en 1994. Depuis le début elle a pour but de faire découvrir aux jeunes, enfants et adolescents, le plaisir de la lecture. Elle propose donc des livres destinés aux 4-18 ans. En 2012, la collection s'offre un nouveau logo et signe désormais ses livres PKJ, plutôt que Pocket jeunesse pour ne pas faire fuir le public YA avec le terme jeunesse sur les ouvrages.
Les couleurs, la forme ainsi que le titre de la collection achangé. Pocket Jeunesse a entièrement évolué. La collectionest passé d'un visuel multicolore à un logo en noir et blanc.Le mélange des couleurs donnait une impression beaucouptrop enfantine, alors que le noir et blanc fait beaucoup plussobre. Ce sont justement les teintes adoptées par denombreuses autres collections proposant du YA, comme lacollection R de Robert Laffont et la collection Black Moond'Hachette que nous verrons plusieurs fois dans ce mémoire.Opter pour un logo rond donne un aspect beaucoup plustendance à ce dernier. Le logo est beaucoup plus épuré et enadéquation avec la mode du 21e siècle.
L'appropriation de ce genre en pleine expansion est donc passée par une mise à jour et un relookingdes collections actuelles: plus moderne, plus jeune, plus actuelle. L'effacement du mot jeunesseétait la première action vers la conquête du lectorat YA. »
Concernant les lecteurs (ou plus souvent les lectrices !) de young adult, il est extrêmement divers : la cible des éditeurs spécialisés va de 12 à 30 ans environ. D’après un article de Mathilde de Chalonge sur Actualitte, cette volonté de s’adresser au public le plus large possible est la raison pour laquelle la SF, la fantasy, la dystopie sont les genres privilégiés :
« Fini le cloisonnement entre les âges. En quinze ans, la littérature pour adolescents a émergé, gagné ses titres de noblesse, jusqu’à changer de dénomination : les adolescents ne sont plus les « teenagers » d’autrefois, mais des « Young Adult ». Ce terme ratisse un public bien plus large qu’auparavant puisqu’il englobe les 12-30 ans.
[…]
Tout le défi est de parvenir à réunir les âges, les sexes, les profils : s’adresser en même temps à la jeune fille qui vit ses premiers amours, le jeune actif qui lit dans le métro, l’étudiante en fac ou le nouveau père de famille. Il est difficile pour les romans réalistes de se soustraire à un cloisonnement générationnel strict. Comment les préoccupations d’une collégienne pourraient-elles trouver un écho auprès d’un trentenaire ? Comment traiter de la relation amoureuse quand certains lecteurs n’ont jamais connu l’amour ? Peut-on aborder des thèmes violents, peut-on parler de tout de manière indifférenciée à des presque-enfants et à des adultes ? Les classifications -10, -12, -16, -18 que l’on trouve au cinéma nous ont habitués à dresser des barrières entre les publics.
Il était plus simple avec la littérature fantastique et dystopique de rencontrer les désirs des Young Adult : Harry, Bella, Katniss ne sont pas des adolescents lambda comme vous et moi, englués dans le quotidien des sonneries de cours de récré, des disputes avec les frères et sœurs, des premiers baisers et des couvre-feux imposés. Ils doivent quand même sauver le monde ! Une quête qui transgresse les âges, voilà ce qui a permis l’émergence de la littérature Young Adult. L’édification d’un monde complexe, au seuil du nôtre, favorise également une réflexion généraliste sur l’humanité et notre société, thème qui s’interprète à tout âge. »
Les équipes de France info sont allées à la rencontre d’un public absolument passionné, qui a un rapport très fort à la lecture plaisir. Beaucoup de jeunes adultes, mais pas uniquement : à l’instar de la plupart des sources que nous avons pu consulter, la littérature young adult induit un âge minimum des lecteurs (12 à 14 ou 15 ans selon les sources), mais l’âge maximum prescrit est rarement respecté ! En d’autres termes, des trentenaires, quadragénaires, voire des gens plus âgés, peuvent tomber dedans.
Et lorsque les sociologues analysent le phénomène, c’est à un allongement de la jeunesse qu’ils attribuent son succès :
« On a assisté ces dernières années à l'émergence d'une culture « adolescente » et d'un état de l'adolescence dont les contours ont changé. L'adolescence n'est plus un passage rapide entre l'enfance et l'âge adulte, mais devient un état qui se prolonge jusqu'à l'âge de 25-30 ans. Parallèlement, une culture/marketing se développe autour de l'adolescent : des produits visant les adolescents qui sont de plus en plus consommateurs, voient constamment le jour.
Olivier Gallard, sociologue, affirme que si les enquêtes montrent un spectaculaire rapprochement des classes d'âge autour d'un socle de valeurs communes… c'est sur le terrain culturel que des nouvelles divisions sont apparues. Plusieurs facteurs y ont contribué. Tout d'abord, l'émergence d'une adolescence plus précoce et plus autonome à l'égard des parents s'est accompagnée du développement d'une nouvelle culture de classe d'âge, portée par les industries du loisir, des médias et des biens de consommations destinés aux jeunes. Cette culture est à la fois une culture de l'apparence (se construire un style) et une culture communicationnelle (évidemment amplifiée par l'usage de l'internet, du téléphone portable etc.).
L'association jeunesse ouvrière chrétienne a publié en 2009 les résultats d'une enquête au cours de laquelle elle a interrogé sur leurs pratiques culturelles 7433 jeunes de 13 à 30 ans : les loisirs favoris des jeunes sont les soirées entre amis (59,4%), le sport (33,8%) Internet et les jeux vidéo (25,2%). La télévision n'arrive qu'en quatrième position (24,1%) juste devant la lecture (12,4%). A noter qu'un jeune sur deux (49,9%) ne considère pas la télévision comme un loisir.
Comme le démontre Olivier Donnat dans son enquête sur Les pratiques culturelles des français à l'ère numérique, les jeunes adultes privilégient une « culture de l'écran » au détriment de pratiques plus classiques dont la lecture. Cette culture s'éloignerait de plus en plus de la culture scolaire que valorisent les parents et le monde adulte en général.
La lecture est devenue une activité de loisir, on lit pour se faire plaisir, les classiques sont rejetés car réputés trop difficiles…
Cette « littérature plaisir », Tibo Bérard, responsable de collection Sarbacane, en parle comme d'une littérature viscérale, tournée vers le plaisir de la lecture, ce qui n'exclut absolument pas un travail soigné sur la forme : c'est une littérature « ré-créative », percutante, ludique foisonnante, et qui résonne avec nos sociétés. » »
(Source : Réseau Canope)
Les générations qui ont grandi dans les années 2000-2010 sont aussi celles qui ont grandi avec internet. D’où un autre rapport au bouche-à-oreille, voire à la critique littéraire, comme on le voit avec les booktubeurs.euses, vidéastes littéraires de la toile ayant un énorme écho et auxquelles notre webzine L’Influx a consacré un article.
Bonne journée.
Les grands succès historiques de la littérature dire young adult sont anglo-saxons, comme le rappelle un dossier de Livres Hebdo du 23.06.2017 : Dossier Young adult : l’âge de raison que nous vous avions cités dans une précédente réponse sur un sujet proche :
" A l’instar du public adolescent auquel il s’adresse, le "
L'histoire de ce mouvement littéraire si l'on peut l'appeler ainsi est retracée dans cet article de Livres Hebdo : il serait né avec Harry Potter [de l’Anglaise J.K. Rowling] et aurait poursuivi son essor avec la bit-lit (littérature de vampires incarnée par Twilight [de l’Américaine Stephanie Meyer]), la dystopie (illustrée par Hunger games[de l’Américaine Suzanne Collins]), la sick-lit (littérature de la maladie). [...] »
Les trois autrices citées sont fondamentales dans la définition du genre, et surtout dans son introduction en France : un article récent du Monde évoque d’ailleurs l’influence considérable qu’elles gardent sur les auteurs français. C’est d’ailleurs depuis le succès d’Hunger games que des rayons young adult ont commencé à s’implanter dans nos librairies et bibliothèques !
Un article de Lettres it be cite les noms de Christopher Paolini, Ann Brashares, Marissa Meyer, auxquels Livres hebdo ajoute Veronica Roth (Divergente), John Greene (Nos Etoiles contraires), quand L’Express évoque les noms de Rick Riordan (Percy Jackson), Robert Muchamore (Cherub), Estelle Maskame ( Did I Mention I Love You?), ou encore le quatuor d’auteurs Grevet, Hinckel, Trébor et Villeminot, auteurs de la série U4, et seuls français de cette liste !
Pourtant les Français ne sont pas en reste, comme en témoigne cet article du Monde présentant les auteurs Aylin Manço, Delphine Bertholon, Stephen Carrière, Marie Pavlenko et Bertrand Puard, ou encore Livres hebdo, qui montre une grande disparité d’auteurs français, parfois issus de la littérature jeunesse, parfois de Youtube :
« Parmi les incontournables, on retrouve l'hyperactive Florence Hinckel, qui s'inscrit à la fois dans une littérature réaliste, cette année dans Nos éclats de miroir, roman épistolaire où la jeune héroïne s'adresse à Anne Frank (Nathan), ainsi que dans sa série Le grand saut (Nathan), ou encore Quatre filles et quatre garçons (Talents hauts, chez Pocket Jeunesse depuis le mois dernier), mais aussi dans l'anticipation avec une série de romans publiés chez Syros. Avec Vincent Villeminot, dont le Nous sommes l'étincelle est un roman phare de Pocket Jeunesse ce printemps, elle a participé en 2015 à l'expérience U4 (Nathan-Syros), une série de quatre ouvrages écrite à huit mains.
La veine imaginaire est importante dans ce secteur qui mêle tous les genres, à l'image de Fabrice Colin, plusieurs fois primé, au grand prix de l'Imaginaire notamment, et dont la plume s'adresse aux adolescents aussi bien chez Talents hauts (La bonne aventure, à la rentrée) que de façon plus réaliste chez Albin Michel (Rester debout : Simone Veil ou la naissance d'une légende, ou une biographie de Marilyn Monroe à l'automne).
Victor Dixen, auteur de la série de science-fiction à succès Phobos, dans la collection « R » de Robert Laffont, publie ces jours-ci son nouveau roman, Cogito, sur le thème de l'intelligence artificielle. Auteur venu, lui, de la fantasy, Gabriel Katz (déjà aperçu chez Scrineo) inaugure la nouvelle collection « Big bang » labellisée young adult chez Bragelonne avec Le serment de l'orage, au côté d'une jeune auteure, Chloé Jo Bertrand, dont Apocalypse blues est le premier roman.
« Aujourd'hui, le young adult est un étendard pour les jeunes auteurs, une zone temporaire. C'est là que viennent les auteurs qui ne se reconnaissent pas dans la littérature générale, dans les limites de genres ou d'âges. Ça se traduit par une liberté dans l'écriture, y compris dans le style, très cash, très oral », estime Stéphane Marsan, fondateur et directeur de Bragelonne. La passe-miroir, immense succès de Gallimard, aujourd'hui phénomène international, dont le tome 4 est attendu à l'automne, est le fruit du concours du premier roman organisé par l'éditeur et remporté par Christelle Dabos.
Les maisons françaises misent sur de jeunes auteurs et les suivent : c'est le cas dans une veine réaliste de Clémentine Beauvais (Les petites reines, Brexit romance) ou d'Emilie Chazerand (La fourmi rouge et Falalalala à paraître à la rentrée) chez Sarbacane, c'est aussi celui dans le courant imaginaire de Floriane Soulas chez Scrineo (Rouille, Les noces de la renarde), qui compte aussi parmi ses plumes Aurélie Wellenstein, auteure « coup de cœur » du festival Imaginales en 2017, qui a publié cette année le remarqué récit d'anticipation climatique Mers mortes, mais aussi un roman sur la défense de la cause animale, Blé noir, dans la collection « Electrogène » de Gulf Stream.
C'est aussi sur le Net que les éditeurs vont chercher des talents, tel Albin Michel qui publie la booktubeuse et auteure Nine Gorman (Le pacte d'Emma, Ashes falling for the sky), et se prépare à publier un roman de l'influenceuse Estelle Fitz, Les Mélansires, ou encore Gallimard, qui a repéré l'auteure de Ceux qui ne peuvent pas mourir, Karine Martins, à paraître à la rentrée, sur Wattpad. »
Pour aller plus loin dans cette vaste galaxie, vous pouvez également vous référer aux listes dressées par des blogs et sites tels que Croque-bouquins ou Babelio.
Nous ne pouvons faire un panorama complet des maisons d’éditions qui ont investi le genre tant elles sont nombreuses. Mais nous vous invitons à consulter la liste éclairante du Réseau Canope : à côté des maisons récentes et spécialisées YA (Sarbacane, Sortilèges, Les Grandes personnes), ou encore Science-fiction (Bragelonne…), ce sont très majoritairement des maisons d’éditions installées qui ont remis brutalement leur collections jeunesse au goût du jour pour s’adapter à la demande. Une tendance soulignée dans le master édition imprimée et numérique d’Alexandra Grenon, lisible sur dumas.ccsd.cnrs.fr, un document que nous vous conseillons très vivement de consulter :
« Un des exemples les plus parlants est celui de Pocket Jeunesse, collection créée il y a déjà une vingtaine d'années, en 1994. Depuis le début elle a pour but de faire découvrir aux jeunes, enfants et adolescents, le plaisir de la lecture. Elle propose donc des livres destinés aux 4-18 ans. En 2012, la collection s'offre un nouveau logo et signe désormais ses livres PKJ, plutôt que Pocket jeunesse pour ne pas faire fuir le public YA avec le terme jeunesse sur les ouvrages.
Les couleurs, la forme ainsi que le titre de la collection achangé. Pocket Jeunesse a entièrement évolué. La collectionest passé d'un visuel multicolore à un logo en noir et blanc.Le mélange des couleurs donnait une impression beaucouptrop enfantine, alors que le noir et blanc fait beaucoup plussobre. Ce sont justement les teintes adoptées par denombreuses autres collections proposant du YA, comme lacollection R de Robert Laffont et la collection Black Moond'Hachette que nous verrons plusieurs fois dans ce mémoire.Opter pour un logo rond donne un aspect beaucoup plustendance à ce dernier. Le logo est beaucoup plus épuré et enadéquation avec la mode du 21e siècle.
L'appropriation de ce genre en pleine expansion est donc passée par une mise à jour et un relookingdes collections actuelles: plus moderne, plus jeune, plus actuelle. L'effacement du mot jeunesseétait la première action vers la conquête du lectorat YA. »
Concernant les lecteurs (ou plus souvent les lectrices !) de young adult, il est extrêmement divers : la cible des éditeurs spécialisés va de 12 à 30 ans environ. D’après un article de Mathilde de Chalonge sur Actualitte, cette volonté de s’adresser au public le plus large possible est la raison pour laquelle la SF, la fantasy, la dystopie sont les genres privilégiés :
« Fini le cloisonnement entre les âges. En quinze ans, la littérature pour adolescents a émergé, gagné ses titres de noblesse, jusqu’à changer de dénomination : les adolescents ne sont plus les « teenagers » d’autrefois, mais des « Young Adult ». Ce terme ratisse un public bien plus large qu’auparavant puisqu’il englobe les 12-30 ans.
[…]
Tout le défi est de parvenir à réunir les âges, les sexes, les profils : s’adresser en même temps à la jeune fille qui vit ses premiers amours, le jeune actif qui lit dans le métro, l’étudiante en fac ou le nouveau père de famille. Il est difficile pour les romans réalistes de se soustraire à un cloisonnement générationnel strict. Comment les préoccupations d’une collégienne pourraient-elles trouver un écho auprès d’un trentenaire ? Comment traiter de la relation amoureuse quand certains lecteurs n’ont jamais connu l’amour ? Peut-on aborder des thèmes violents, peut-on parler de tout de manière indifférenciée à des presque-enfants et à des adultes ? Les classifications -10, -12, -16, -18 que l’on trouve au cinéma nous ont habitués à dresser des barrières entre les publics.
Il était plus simple avec la littérature fantastique et dystopique de rencontrer les désirs des Young Adult : Harry, Bella, Katniss ne sont pas des adolescents lambda comme vous et moi, englués dans le quotidien des sonneries de cours de récré, des disputes avec les frères et sœurs, des premiers baisers et des couvre-feux imposés. Ils doivent quand même sauver le monde ! Une quête qui transgresse les âges, voilà ce qui a permis l’émergence de la littérature Young Adult. L’édification d’un monde complexe, au seuil du nôtre, favorise également une réflexion généraliste sur l’humanité et notre société, thème qui s’interprète à tout âge. »
Les équipes de France info sont allées à la rencontre d’un public absolument passionné, qui a un rapport très fort à la lecture plaisir. Beaucoup de jeunes adultes, mais pas uniquement : à l’instar de la plupart des sources que nous avons pu consulter, la littérature young adult induit un âge minimum des lecteurs (12 à 14 ou 15 ans selon les sources), mais l’âge maximum prescrit est rarement respecté ! En d’autres termes, des trentenaires, quadragénaires, voire des gens plus âgés, peuvent tomber dedans.
Et lorsque les sociologues analysent le phénomène, c’est à un allongement de la jeunesse qu’ils attribuent son succès :
« On a assisté ces dernières années à l'émergence d'une culture « adolescente » et d'un état de l'adolescence dont les contours ont changé. L'adolescence n'est plus un passage rapide entre l'enfance et l'âge adulte, mais devient un état qui se prolonge jusqu'à l'âge de 25-30 ans. Parallèlement, une culture/marketing se développe autour de l'adolescent : des produits visant les adolescents qui sont de plus en plus consommateurs, voient constamment le jour.
Olivier Gallard, sociologue, affirme que si les enquêtes montrent un spectaculaire rapprochement des classes d'âge autour d'un socle de valeurs communes… c'est sur le terrain culturel que des nouvelles divisions sont apparues. Plusieurs facteurs y ont contribué. Tout d'abord, l'émergence d'une adolescence plus précoce et plus autonome à l'égard des parents s'est accompagnée du développement d'une nouvelle culture de classe d'âge, portée par les industries du loisir, des médias et des biens de consommations destinés aux jeunes. Cette culture est à la fois une culture de l'apparence (se construire un style) et une culture communicationnelle (évidemment amplifiée par l'usage de l'internet, du téléphone portable etc.).
L'association jeunesse ouvrière chrétienne a publié en 2009 les résultats d'une enquête au cours de laquelle elle a interrogé sur leurs pratiques culturelles 7433 jeunes de 13 à 30 ans : les loisirs favoris des jeunes sont les soirées entre amis (59,4%), le sport (33,8%) Internet et les jeux vidéo (25,2%). La télévision n'arrive qu'en quatrième position (24,1%) juste devant la lecture (12,4%). A noter qu'un jeune sur deux (49,9%) ne considère pas la télévision comme un loisir.
Comme le démontre Olivier Donnat dans son enquête sur Les pratiques culturelles des français à l'ère numérique, les jeunes adultes privilégient une « culture de l'écran » au détriment de pratiques plus classiques dont la lecture. Cette culture s'éloignerait de plus en plus de la culture scolaire que valorisent les parents et le monde adulte en général.
La lecture est devenue une activité de loisir, on lit pour se faire plaisir, les classiques sont rejetés car réputés trop difficiles…
Cette « littérature plaisir », Tibo Bérard, responsable de collection Sarbacane, en parle comme d'une littérature viscérale, tournée vers le plaisir de la lecture, ce qui n'exclut absolument pas un travail soigné sur la forme : c'est une littérature « ré-créative », percutante, ludique foisonnante, et qui résonne avec nos sociétés. » »
(Source : Réseau Canope)
Les générations qui ont grandi dans les années 2000-2010 sont aussi celles qui ont grandi avec internet. D’où un autre rapport au bouche-à-oreille, voire à la critique littéraire, comme on le voit avec les booktubeurs.euses, vidéastes littéraires de la toile ayant un énorme écho et auxquelles notre webzine L’Influx a consacré un article.
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