Question d'origine :
Bonjour,
Je souhaite créer un blog sur l'oeuvre de Saint Exupéry "le petit prince". Je me pose la question du droit d'auteur. En France, l'œuvre de l'auteur du «Petit Prince» est encore protégée jusqu'en 2032, en raison de «prorogations de guerre» et de son statut d'auteur «mort pour la France».
Quelles démarches dois-je effectuer auprès des ayant droit si je cite des passages de l'oeuvre, si je veux publier des illustrations des personnages, si je crée une bibliographie de l'auteur, etc... ?
Merci de m'éclaircir sur ce point.
Marianne
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 17/05/2019 à 09h35
Bonjour,
Loin de nous l’idée de vous démoraliser, mais votre marge de manœuvre apparaît limitée… et pour longtemps.
Comme vous le rappelez vous-même, les ayants-droits de Saint Exupéry bénéficient actuellement – en France uniquement – de la prolongation de leurs droits patrimoniaux au motif que l’auteur est « mort pour la France ». Mais ce n’est pas tout. Pour reposer les données du problèmes, nous nous reporterons à un article de Carine Dalgobbo lisible sur univ-lyon2.fr :
« La durée de protection des œuvres d’auteur.es mort.es pour la patrie est prolongée de trente ans par rapport à la durée légale.
Un autre délai est possible si la période d’exploitation commerciale des œuvres a subi l’impact économique de l’une ou des deux guerres mondiales. Ces prorogations reposent sur l’ancienne durée légale de cinquante ans. La loi française a fixé trois durées de protection en fonction de la date de publication des œuvres :
• 94 ans et 272 jours pour les œuvres publiées avant le 1er janvier 1921
• 88 ans et 120 jours pour les œuvres publiées entre le 1er janvier 1921 et le 31 décembre 1947 inclus
• 80 ans pour les œuvres publiées après le 31 décembre 1947
Abattu par un avion allemand alors qu’il survolait la Méditerranée le 31 juillet 1944, Saint-Exupéry est considéré comme étant mort pour la France. De fait, son œuvre bénéficie d’une prolongation. Alors qu’Antoine de Saint-Exupéry aurait dû rentrer dans le domaine public le 1er janvier 2015, ce ne sera pas le cas, en France, avant 2032. Il paraît inconcevable qu’il soit possible de partager, copier et adapter librement Le Petit Prince dans le monde entier, sauf dans son propre pays mais pourtant c’est bel et bien le cas.Le livre le plus lu dans le monde – après la Bible – n’est pas libre de droits dans l’Hexagone, contrairement au reste de l’Union européenne. »
Mais cela ne s’arrête pas là. Car si l’œuvre de Saint Exupéry rejoindra chez nous le domaine public en 2032, ce n’est pas le cas de ses personnages et de ses visuels. Le Petit Prince, le serpent, le renard et les autres ont été déposés en tant quemarques . Et de fait obéissent à une tout autre législation :
« À l’origine, le droit des marques sert à protéger la propriété intellectuelle dans le but de commercialiser un produit ou un service. Pour bénéficier du droit des marques, il faut d’abord enregistrer sa marque auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).Une œuvre entière ne peut pas être déposée comme marque, mais les personnages peuvent l’être puisque la loi prévoit que tout signe « susceptible de représentation graphique » peut constituer une marque (Article L711-1). Une fois enregistrée, la marque ne peut pas être ni copiée ni utilisée par qui que ce soit d’autre que par son propriétaire. Cette protection qui dure dix ans peut être renouvelée autant de fois que le souhaite le propriétaire de la marque en question.
Les ayants droit du Petit Prince utilisent donc le droit des marques en déposant les personnages du roman. Où est le problème ? C’est légal après tout… Le problème réside dans le caractère illimité du droit des marques qui entre en conflit avec la limite temporelle imposée au droit d’auteur. Même si cette limite peut varier, un jour ou l’autre, l’œuvre entre dans le domaine public et doit pouvoir être utilisée par tous. Seulement voilà, si les personnages sont protégés par le droit des marques, l’œuvre n’est pas exploitable . Les intérêts personnels des ayants droit créent une contradiction avec l’idée même de domaine public. »
Le recours au droit des marques pour s’assurer un contrôle illimité sur des personnages de fictions est une pratique assez courante dans le monde de la bande dessinée - voir lefigaro.fr – mais cela ne fait pas votre affaire : utiliser le petit prince ou sa planète à des fins créatives est aussi susceptible de vous causer des ennuis que s’il vous prenait l’idée saugrenue d’inventer une nouvelle aventure de Tintin.
Cependant, tout n’est pas perdu. Votre marge de manœuvre dépend en réalité beaucoup de ce que vous comptez faire de votre blog : le Code de propriété intellectuelle reconnait une exception au droit d’auteur, déjà abordée ici, le droit de citation courte « qui offre la possibilité de reproduire un court extrait d'une œuvre » :
« Le droit de citation est soumis à trois conditions cumulatives :
-la brièveté ;
-la mention de la source dans le respect du droit de paternité de l'oeuvre originale ;
- enfin, l'utilisation de la citation doit être justifiée par «le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information ». »
De courtes citations faites dans un but pédagogique sont donc tout à fait autorisées, pourvu que les références soient toujours précisées. C’est ce que font des sites pédagogiques ou d’information. Vous pouvez également illustrer des critiques du livre ou de son adaptation cinématographique. En revanche, utiliser une grande image du Petit Prince pour votre page d’accueil sera plus difficilement justifiabl e. Il est bien évidemment interdit d’utiliser tout extrait à des fins commerciales.
Pour aller plus loin sur le droit d’auteur :
- Article L122-5 du Code de propriété intellectuelle sur legifrance.gouv.fr
- Extrait film sur FBK et blog : quelle durée ? / Enssib
- Extraits et droit d'auteur / Q/R du GDS
- Le chercheur veut utiliser un extrait d’une œuvre (exception de citation)
- Guide pratique du droit d'auteur. Anne-Laure Stérin. Maxima, 2011
Vous avez toujours la possibilité de vous adresser à la succession de Saint Exupéry pour solliciter leur accord, mais nous ne vous engageons pas à trop d’optimisme sur le sujet.
Bonne journée.
Loin de nous l’idée de vous démoraliser, mais votre marge de manœuvre apparaît limitée… et pour longtemps.
Comme vous le rappelez vous-même, les ayants-droits de Saint Exupéry bénéficient actuellement – en France uniquement – de la prolongation de leurs droits patrimoniaux au motif que l’auteur est « mort pour la France ». Mais ce n’est pas tout. Pour reposer les données du problèmes, nous nous reporterons à un article de Carine Dalgobbo lisible sur univ-lyon2.fr :
« La durée de protection des œuvres d’auteur.es mort.es pour la patrie est prolongée de trente ans par rapport à la durée légale.
Un autre délai est possible si la période d’exploitation commerciale des œuvres a subi l’impact économique de l’une ou des deux guerres mondiales. Ces prorogations reposent sur l’ancienne durée légale de cinquante ans. La loi française a fixé trois durées de protection en fonction de la date de publication des œuvres :
• 94 ans et 272 jours pour les œuvres publiées avant le 1er janvier 1921
• 88 ans et 120 jours pour les œuvres publiées entre le 1er janvier 1921 et le 31 décembre 1947 inclus
• 80 ans pour les œuvres publiées après le 31 décembre 1947
Abattu par un avion allemand alors qu’il survolait la Méditerranée le 31 juillet 1944, Saint-Exupéry est considéré comme étant mort pour la France. De fait, son œuvre bénéficie d’une prolongation. Alors qu’Antoine de Saint-Exupéry aurait dû rentrer dans le domaine public le 1er janvier 2015, ce ne sera pas le cas, en France, avant 2032. Il paraît inconcevable qu’il soit possible de partager, copier et adapter librement Le Petit Prince dans le monde entier, sauf dans son propre pays mais pourtant c’est bel et bien le cas.
Mais cela ne s’arrête pas là. Car si l’œuvre de Saint Exupéry rejoindra chez nous le domaine public en 2032, ce n’est pas le cas de ses personnages et de ses visuels. Le Petit Prince, le serpent, le renard et les autres ont été déposés en tant que
« À l’origine, le droit des marques sert à protéger la propriété intellectuelle dans le but de commercialiser un produit ou un service. Pour bénéficier du droit des marques, il faut d’abord enregistrer sa marque auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
Les ayants droit du Petit Prince utilisent donc le droit des marques en déposant les personnages du roman. Où est le problème ? C’est légal après tout… Le problème réside dans le caractère illimité du droit des marques qui entre en conflit avec la limite temporelle imposée au droit d’auteur. Même si cette limite peut varier, un jour ou l’autre, l’œuvre entre dans le domaine public et doit pouvoir être utilisée par tous. Seulement voilà,
Le recours au droit des marques pour s’assurer un contrôle illimité sur des personnages de fictions est une pratique assez courante dans le monde de la bande dessinée - voir lefigaro.fr – mais cela ne fait pas votre affaire : utiliser le petit prince ou sa planète à des fins créatives est aussi susceptible de vous causer des ennuis que s’il vous prenait l’idée saugrenue d’inventer une nouvelle aventure de Tintin.
Cependant, tout n’est pas perdu. Votre marge de manœuvre dépend en réalité beaucoup de ce que vous comptez faire de votre blog : le Code de propriété intellectuelle reconnait une exception au droit d’auteur, déjà abordée ici, le droit de citation courte « qui offre la possibilité de reproduire un court extrait d'une œuvre » :
« Le droit de citation est soumis à trois conditions cumulatives :
-
-
- enfin, l'utilisation de la citation doit être justifiée par «
De courtes citations faites dans un but pédagogique sont donc tout à fait autorisées, pourvu que les références soient toujours précisées. C’est ce que font des sites pédagogiques ou d’information. Vous pouvez également illustrer des critiques du livre ou de son adaptation cinématographique. En revanche,
- Article L122-5 du Code de propriété intellectuelle sur legifrance.gouv.fr
- Extrait film sur FBK et blog : quelle durée ? / Enssib
- Extraits et droit d'auteur / Q/R du GDS
- Le chercheur veut utiliser un extrait d’une œuvre (exception de citation)
- Guide pratique du droit d'auteur. Anne-Laure Stérin. Maxima, 2011
Vous avez toujours la possibilité de vous adresser à la succession de Saint Exupéry pour solliciter leur accord, mais nous ne vous engageons pas à trop d’optimisme sur le sujet.
Bonne journée.
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Commentaires 2
Commentaire de
user428 :
Publié le 19/07/2023 à 10:57
Bonjour,
le post est relativement ancien alors je ne sais pas si quelqu'un sera en mesure de me répondre. Je suis médiatrice culturelle et prépare une visite thématique pour les enfants sur l'aviation civile et commerciale à Toulouse et j'aborde bien entendu l'Aéropostale et Saint Exupéry. Je souhaite fournir à mes petits visiteurs, des supports visuels pour accompagner la visite (ils ne sont pas vendus ni donnés et sont purement utilisés à des fins pédagogiques). Comme j'ai pu le lire dans votre réponse, le droit de citation est effectif, donc je me suis permise de citer une courte phrase du Petit Prince. Ma question est la suivante: puis-je utiliser sans souci une illustration du Petit Prince, recadrée et apparaissant dans un collage numérique auprès d'autres informations sur Saint Exupéry pour un usage de médiation culturelle ? J'ai pris soin de citer les sources également. Merci par avance si quelqu'un souhaite me répondre.
1 réponse(s)
1 réponse(s)
Réponse de
gds_db :
Publié le 20/07/2023 à 09:19
Bonjour,
Nous venons de transformer votre message en nouvelle question. Une réponse vous sera apportée sous 72 heures :
https://www.guichetdusavoir.org/question/voir/135115
Bonne journée.
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