psautier des hébreux et des chrétiens: différence
PATRIMOINE
+ DE 2 ANS
Le 04/01/2016 à 15h21
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Question d'origine :
bonjour et bonne année à toute l'extraordinaire équipe du guichet du savoir
je m'intéresse au quatorzième siècle ( en gros de 1300n à 1350) et j'aimerais savoir:
-, qui pouvait posséder une bible " dans sa poche ", l'imprimerie n'étant pas encore inventée, c'était donc, au XIV, les copistes laïcs et religieux qui devaient faire le travail. Le prix en était donc élevé .
- Est-ce qu'un non religieux x qui saurait lire pouvait en avoir un personnellement.
- est ce que le psautier était un livre à part ?
— la bible qui circulait était la version latine, je pense, mais pouvait on en trouvé en hébreu, malgré l'expulsion des juifs et le brulement du talmud ?
- existe t il des différences entre psautier des hébreux et des chrétiens, à part la numérotation ?
mille mercis d'avance, car moi je peine à trouver ces réponses
sylvie
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 07/01/2016 à 14h56
Merci de vos vœux et de votre intérêt pour le Guichet du Savoir. A notre tour nous vous souhaitons une excellente année 2016.
Votre question en contient en réalité plusieurs qui s’avèrent bien vastes au regard du sujet et de la période concernés, aussi nous aurons besoin de plus de temps que les 72h habituelles pour vous répondre. On ne peut se concentrer seulement sur la période allant de 1300 à 1350 étant donné que les grandes mutations de la production et du commerce du livre ne recoupent pas ces dates. Commençons donc par les aspects de la copie et du prix des manuscrits durant la seconde moitié du Moyen Age et de l'existence de psautiers séparés.
Au sujet de la réalisation de la copie des manuscrits, l’ouvrage La passion du livre au Moyen Age de Sophie Cassagnes-Brouquet indique que - après l’effondrement de l’Empire romain au Ve siècle – elle est d’abord concentrée dans les centres religieux en Occident et ce jusqu’au XIIe siècle. A ce moment là, avec le développement des villes, la fréquentation des écoles épiscopales engendre un véritable commerce du livre. Début XIIIe siècle apparaissent les libraires qui passent commande aux copistes des ateliers urbains pour vendre les manuscrits aux étudiants et aux maîtres des écoles puis de l’Université. Dès lors le marché du livre est donc bien organisé hors des monastères et les corporations urbaines disposent de statuts et règlements qui maintiennent une haute qualité de la production. Au XIVe siècle, rares sont les copistes et enlumineurs qui parviennent à échapper au cadre des métiers jurés en entrant dans la maison du Roi ou d’un prince.
Concernant le prix du livre, l’ouvrage explique également que, même s’il n’est pas enluminé, le livre coûte cher et reste d’un prix assez constant tout au long du Moyen Age. Il ne devient jamais un bien de consommation courante et l’on estime qu’une Bible de grand format coûte environ vingt livres soit le revenu annuel d’une seigneurie moyenne à la fin de la période. Issu d’un processus long et complexe de fabrication le moindre manuscrit est un produit de luxe, réservé à quelques privilégiés. Par exemple pour un lettré du XVe siècle l’achat d’un livre représente grosso modo l’équivalent de 12 jours de salaires d’un secrétaire de la chancellerie royale, officier très bien payé. Des bibliothèques universitaires puis collections privées apparaissent assemblées par des hommes d’Eglise ou des laïcs mais toujours dans un milieu aisé ; la possession d’un livre qualifie le possesseur au sein de la société. Seules quelques améliorations tardives dans la fabrication des manuscrits font baisser leur prix : la réduction des formats, l’emploi du papier, un appauvrissement des décors (ou de plus en plus stéréotypés) et des reliures plus modestes ouvrent le marché à une clientèle moins aisée. Cependant, un livre neuf est toujours très onéreux et la plupart des acquéreurs doivent se contenter d’ouvrages d’occasion, bien plus accessibles. Le contexte peut également jouer sur le commerce puisqu’il est forcément bien plus difficile de vendre son ouvrage lorsque les acheteurs sont démunis ou absents… En pleine Guerre de Cent ans (1337-1453) des manuscrits de luxe ont pu être cédés à des prix sacrifiés.
Il faut savoir enfin que la commande n’est pas l’unique moyen d’acquérir des livres, les lecteurs peuvent s’adresser aux libraires ou aux marchands pour acheter des manuscrits d’occasion mais bien souvent ils doivent - selon leur statut et leurs modestes moyens - se suffire de la fréquentation de bibliothèques.
Pour revenir aux livres en circulation dès le XIIIe siècle, le modèle type de la production universitaire est la Bible, en un seul volume et de très petit format, copiée sur vélin très fin, sur deux colonnes et d’une écriture serrée. Christopher de Hamel dans La Bible histoire du livre, évoque bien ce « format de poche » qui vous intéresse et signale son existence dès 1230 à Paris. Connaissant un succès international, la bible gothique est souvent à peine plus grande que la paume de la main, écrite en minuscules lettres angulaires formant un pavé d’écriture compact et ne comporte plus que de petites lettrines enluminées. De même que la forme est renouvelée la composition des textes l’est également et le terme « Bible de Paris » désigne ces bibles portatives comme l’ordre révisé des textes.
Aux XIIIe et XIVe siècles la plupart des bibles médiévales ont des livres qui commencent par une grande lettrine dont la forme contient une image ; ces images servent alors à situer et identifier le texte comme un repère mnémotechnique mais - en dehors de celles-ci - les manuscrits contiennent peu d’illustrations. Seul cas particulier : les « Bibles d’images » à mi-chemin entre Bible et commentaires bibliques qui sont plutôt destinés à l’éducation religieuse et au plaisir d’une nouvelle classe de riches laïcs et constituent des manuscrits magnifiques et fort chers.
Enfin, à propos du psautier, Eric Palazzo dans le Dictionnaire encyclopédique du Livre t.3 pp.412-413, explique que les Psaumes font partie de la Bible mais ont aussi circulé sous une forme indépendante. Lu comme un livre de prières, le psautier liturgique fait souvent l’objet d’un riche programme iconographique et décoratif et ce de l’Antiquité au Moyen Age. Les psautiers aristocratiques des XII-XIVe siècles sont considérés comme les héritiers des livres de prières carolingiens à l’usage du laïc et constituent les prémices des livres d’heures de la fin du Moyen Age.
Pour les derniers aspects de votre question nous serons amenés à répondre ultérieurement car des recherches plus poussées sont nécessaires… A bientôt.
Votre question en contient en réalité plusieurs qui s’avèrent bien vastes au regard du sujet et de la période concernés, aussi nous aurons besoin de plus de temps que les 72h habituelles pour vous répondre. On ne peut se concentrer seulement sur la période allant de 1300 à 1350 étant donné que les grandes mutations de la production et du commerce du livre ne recoupent pas ces dates. Commençons donc par les aspects de la copie et du prix des manuscrits durant la seconde moitié du Moyen Age et de l'existence de psautiers séparés.
Au sujet de la réalisation de la copie des manuscrits, l’ouvrage La passion du livre au Moyen Age de Sophie Cassagnes-Brouquet indique que - après l’effondrement de l’Empire romain au Ve siècle – elle est d’abord concentrée dans les centres religieux en Occident et ce jusqu’au XIIe siècle. A ce moment là, avec le développement des villes, la fréquentation des écoles épiscopales engendre un véritable commerce du livre. Début XIIIe siècle apparaissent les libraires qui passent commande aux copistes des ateliers urbains pour vendre les manuscrits aux étudiants et aux maîtres des écoles puis de l’Université. Dès lors le marché du livre est donc bien organisé hors des monastères et les corporations urbaines disposent de statuts et règlements qui maintiennent une haute qualité de la production. Au XIVe siècle, rares sont les copistes et enlumineurs qui parviennent à échapper au cadre des métiers jurés en entrant dans la maison du Roi ou d’un prince.
Concernant le prix du livre, l’ouvrage explique également que, même s’il n’est pas enluminé, le livre coûte cher et reste d’un prix assez constant tout au long du Moyen Age. Il ne devient jamais un bien de consommation courante et l’on estime qu’une Bible de grand format coûte environ vingt livres soit le revenu annuel d’une seigneurie moyenne à la fin de la période. Issu d’un processus long et complexe de fabrication le moindre manuscrit est un produit de luxe, réservé à quelques privilégiés. Par exemple pour un lettré du XVe siècle l’achat d’un livre représente grosso modo l’équivalent de 12 jours de salaires d’un secrétaire de la chancellerie royale, officier très bien payé. Des bibliothèques universitaires puis collections privées apparaissent assemblées par des hommes d’Eglise ou des laïcs mais toujours dans un milieu aisé ; la possession d’un livre qualifie le possesseur au sein de la société. Seules quelques améliorations tardives dans la fabrication des manuscrits font baisser leur prix : la réduction des formats, l’emploi du papier, un appauvrissement des décors (ou de plus en plus stéréotypés) et des reliures plus modestes ouvrent le marché à une clientèle moins aisée. Cependant, un livre neuf est toujours très onéreux et la plupart des acquéreurs doivent se contenter d’ouvrages d’occasion, bien plus accessibles. Le contexte peut également jouer sur le commerce puisqu’il est forcément bien plus difficile de vendre son ouvrage lorsque les acheteurs sont démunis ou absents… En pleine Guerre de Cent ans (1337-1453) des manuscrits de luxe ont pu être cédés à des prix sacrifiés.
Il faut savoir enfin que la commande n’est pas l’unique moyen d’acquérir des livres, les lecteurs peuvent s’adresser aux libraires ou aux marchands pour acheter des manuscrits d’occasion mais bien souvent ils doivent - selon leur statut et leurs modestes moyens - se suffire de la fréquentation de bibliothèques.
Pour revenir aux livres en circulation dès le XIIIe siècle, le modèle type de la production universitaire est la Bible, en un seul volume et de très petit format, copiée sur vélin très fin, sur deux colonnes et d’une écriture serrée. Christopher de Hamel dans La Bible histoire du livre, évoque bien ce « format de poche » qui vous intéresse et signale son existence dès 1230 à Paris. Connaissant un succès international, la bible gothique est souvent à peine plus grande que la paume de la main, écrite en minuscules lettres angulaires formant un pavé d’écriture compact et ne comporte plus que de petites lettrines enluminées. De même que la forme est renouvelée la composition des textes l’est également et le terme « Bible de Paris » désigne ces bibles portatives comme l’ordre révisé des textes.
Aux XIIIe et XIVe siècles la plupart des bibles médiévales ont des livres qui commencent par une grande lettrine dont la forme contient une image ; ces images servent alors à situer et identifier le texte comme un repère mnémotechnique mais - en dehors de celles-ci - les manuscrits contiennent peu d’illustrations. Seul cas particulier : les « Bibles d’images » à mi-chemin entre Bible et commentaires bibliques qui sont plutôt destinés à l’éducation religieuse et au plaisir d’une nouvelle classe de riches laïcs et constituent des manuscrits magnifiques et fort chers.
Enfin, à propos du psautier, Eric Palazzo dans le Dictionnaire encyclopédique du Livre t.3 pp.412-413, explique que les Psaumes font partie de la Bible mais ont aussi circulé sous une forme indépendante. Lu comme un livre de prières, le psautier liturgique fait souvent l’objet d’un riche programme iconographique et décoratif et ce de l’Antiquité au Moyen Age. Les psautiers aristocratiques des XII-XIVe siècles sont considérés comme les héritiers des livres de prières carolingiens à l’usage du laïc et constituent les prémices des livres d’heures de la fin du Moyen Age.
Pour les derniers aspects de votre question nous serons amenés à répondre ultérieurement car des recherches plus poussées sont nécessaires… A bientôt.
Commentaire de
esterou :
Publié le 14/01/2016 à 09:51
grand bonjour
comme vous me l'avez demandé , je repose ma question qui avait été noyé dans une précédente requête:
pouvait-on au moyen âge différencier un psautier de juif d'un psautier chrétien ?
merci et bonne journée à vous
sylvie
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 14/01/2016 à 17h05
Madame,
Nous n'avons nullement oublié votre question. Comme nous vous l'indiquions, nous reviendrons vers vous dès que nous aurons pu effectuer les recherches approfondies que nécessite le sujet que vous nous soumettez.
Cordialement,
Le département du Fonds ancien
Nous n'avons nullement oublié votre question. Comme nous vous l'indiquions, nous reviendrons vers vous dès que nous aurons pu effectuer les recherches approfondies que nécessite le sujet que vous nous soumettez.
Cordialement,
Le département du Fonds ancien
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 02/02/2016 à 18h06
Nous revenons vers vous pour compléter les pistes de réponses aux nombreuses et vastes questions de votre missive initiale ; nous traitons plus particulièrement aujourd'hui l'aspect suivant :
"— la bible qui circulait était la version latine, je pense, mais pouvait on en trouvé en hébreu, malgré l'expulsion des juifs et le brulement du talmud ?"
Les éléments qui suivent sont extraits de l'ouvrage intitulé Le livre dans la société juive médiévale dans la France du Nord de Denis Lévy Willard. Deux chapitres concernent le commerce du livre dans l'environnement chrétien et dans le monde juif et un autre traite du prix du livre (notamment des manuscrits hébreux) (pp. 123-135) :
" LE COMMERCE DES LIVRES
L'accès à la culture de nouvelles classes de la société chrétienne et le développement des universités suscitèrent un accroissement de la demande et, par voie de conséquence, l'apparition de nouvelles formes de production à partir de la fin du XIIe siècle. Nous avons des informations précises sur l'existence à Paris d'un commerce de livres. A partir de 1220, la rue Neuve-Notre-Dame, en face de l'actuelle cathédrale, abritait toute une population d'artisans gravitant autour des métiers du livre, parcheminiers, scribes, enlumineurs, marchands. [...] Vers 1250, le terme stationnaire était couramment utilisé, alors que celui de libraire se trouve noté pour la première fois dans les registres de la Taille de 1290. Les stationnaires étaient des marchands assermentés auxquels l'université conférait des privilèges leur assurant un quasi-monopole. Cet arrangement leur imposait un certain nombre de contraintes telles que la censure, le contrôle de la qualité des textes et l’encadrement des prix. A côté des stationnaires et des libraires, il y avait aussi des vendeurs non officiels […] dont l’activité était limitée aux livres de moindre valeur, […] et qui n’étaient pas autorisés à tenir des magasins couverts. […] Dans ce contexte très contrôlé par l’Université, les pouvoirs publics et l’Eglise, il est clair que les juifs n’avaient pas leur place en dépit de relations économiques plus ou moins régulières entretenues avec certaines institutions ecclésiastiques (les juifs leur prêtaient de l’argent et recevaient en gages divers types d’objets, y compris des objets de culte ; ils s’adressaient aussi aux ecclésiastiques pour certains services comme la reliure des livres). Nous savons qu’en Italie, à Padoue et à Bologne, le commerce des livres était interdit aux juifs : si l’un d’eux voulait vendre ou acheter un livre, il devait passer par l’intermédiaire d’un stationnaire et probablement verser une commission plus importante.
S'il faut en croire les indications de vente que l'on trouve sur les manuscrits,
Après quoi l'auteur explique que dans le
"
Nous reviendrons vers vous concernant les psautiers hébreux et latins au Moyen Age ultérieurement.
En vous souhaitant une excellente lecture.
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Commentaires 1
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