monopole épices
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 06/12/2015 à 14h15
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Question d'origine :
Bonjour,
Le monopole des epices rares: principalement muscade et girofle, était détenu par les Hollandais au XVIII ème siècle. Mais de quelle date à quelle date officiellement???
Je trouve des dates mais pas les mêmes....
Nous devons la culture de ces épices, la première fois sur sol français (Bourbon et Isle de France et Seychelles) grâce au lyonnais Pierre Poivre. C'est donc à lui que nous devons la chute de ce monopole hollandais...
Merci pour votre réponse.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 07/12/2015 à 14h11
Bonjour,
Quatorze ans après l’annexion du Portugal par l’Espagne en 1580, le très catholique roi d’Espagne Philippe II interdit l’accès de ses ports aux Hollandais qui étaient souvent protestants. En conséquence, les Hollandais, anciens partenaires des Portugais, cherchent à s’emparer du commerce puis du pays des épices. Au XVIIIe siècle, le commerce du girofle, de la cannelle et de la noix de muscade est presque entièrement aux mains des Hollandais, qui possèdent alors Ceylan (actuel Sri Lanka) et les Moluques. Les Espagnols et les Portugais ne conservent que des bribes du marché, grâce à la contrebande d’épices des Moluques.
D’après les informations que nous avons trouvées, c’est à partir de 1770 que les Français arrivent à collecter (et faire prospérer) des muscadiers et des girofliers, mettant ainsi fin au monopole hollandais :
[…] Poivre regagne la France, se marie et devient correspondant de l’Académie des sciences. Sa réputation ayant grandi, il est nommé gouverneur de l’île de France en 1768. Là, il reprend aussitôt que possible son projet de culture des épices et il bénéficie cette fois de la collaboration du célèbre botaniste Commerson, qui vient d’achever sa circumnavigation aux côtés de Bougainville. En 1769, il envoie vers les Moluques deux bateaux, sous les ordres du commandant Etcheverry accompagné d’un ancien de la Compagnie des Indes parlant malais. Cette fois la chance sourit aux français : après avoir abordé une première île récemment visitée par les extirpateurs, ils rencontrent à l’île de Céram (Uleaster) un colon hollandais qui est en tel désaccord avec la politique de ses compatriotes envers les Malais qu’il est prêt à trahir son pays. Il accepte des cartes marines offertes par les Français, et, en échange, leur donne des renseignements sur la culture des girofliers et des muscadiers et leur indique une première île où des Malais pourraient leur fournir les plants espérés. Hélas il n’y en a plus, les extirpateurs viennent de passer. C’est dans une autre île, Patany, qu’Etcheverry pourra enfin embarquer un nombre significatif de muscadiers, ainsi que des girofliers qu’on lui apporte alors que le bateau allait lever l’ancre. En échange, il donne un meuble de bateau. Il ne reste qu’à échapper aux cinq garde-côtes hollandais lancés à la poursuite des Français. L’habile marin les déjoue et, en 1770, 400 muscadiers et plus de 70 girofliers arrivent à bon port. Et cette fois, ils prospéreront. L’année suivante, une nouvelle expédition complètera la collecte. Poivre a atteint son but.
Source : Ils ont domestiqué plantes et animaux : prélude à la civilisation, Jean Guillaume
L’établissement du monopole des Hollandais sur la production et le commerce des épices est directement lié à la prise de contrôle sur Java, les Moluques et Ceylan :
Grâce à sa position centrale et à sa richesse, l’île de Java fut très tôt le centre de rayonnement de la présence hollandaise. Arrivés en 1610, ils cherchèrent à la fois à assurer le ravitaillement de leurs comptoirs en denrées agricoles (le riz) et à établir sur l’île le monopole le plus complet possible sur le commerce des épices en luttant contre la contrebande, et en interdisant aux sultans d’accueillir d’autres étrangers. Après leurs premières installations sur la côte nord de l’île, à Batavia en 1619 (qui devint le cœur de la présence hollandaise et de tout leur commerce en Extrême-Orient), puis à Soerabaya, les « guerres javanaises » leur permirent dans la seconde moitié du XVIIe siècle d’étendre leur contrôle en établissant leur protectorat sur les sultanats de Mataram à l’est et de Bantam à l’ouest. La mise au pas de ce dernier entre 1682 et 1684 permit aux Hollandais d’éliminer les concurrents européens (les Anglais surtout) qui y trouvaient refuge. Avec Bantam, Batavia, Samarang, Soerabaya, ils avaient en fait, à la fin du XVIIe siècle, la pleine propriété des principaux ports de l’île.
En dehors de Java, les Hollandais ne conquirent que peu de positions, mais elles étaient toujours très bien situées. A Sumatra, leur installation à Padang en 1659 leur permettait de tenir en respect les souverains locaux, en particulier le sultan d’Atjeh. Dans les Célèbes dont la position stratégique était essentielle, ils avaient imposé en 1667 au sultan de Macassar la destruction de toutes ses places fortes, l’expulsion de tous les Européens et le monopole du commerce. La main mise sur les riches Moluques avait quant à elle donné lieu à des affrontements particulièrement violents.A Banda, le massacre de la population en 1624 avait assuré aux Hollandais le monopole de la noix de muscade. A Amboine, pour permettre aux Hollandais présents depuis 1605 de conserver le monopole de la culture du giroflier, ce sont les Anglais qui subirent le même sort quand ils essayèrent de s’établir en 1623 .
Ceylan
Quoique proche de l’Inde, Ceylan s’apparentait davantage au monde indonésien par la nature de son commerce et par l’hégémonie des Hollandais. En 1658, ils en éliminèrent les Portugais pour s’imposer en maîtres. En 1672, les Français qui tentèrent de s’établir à leur tour furent immédiatement chassés. L’île revêtait une double fonction. Etape importante, après le Cap, sur la route de l’Indonésie, elle était surtout le paradis de la cannelle, cultivée principalement dans les zones côtières sous le contrôle exclusif de la compagnie. Le reste comptait peu pour le commerce hollandais : du poivre, mais de moins bonne qualité que sur la côte de Malabar, un peu de café, ainsi que des éléphants qui passaient pour être faciles à dresser.
A la différence de Java, la domination hollandaise restait très incomplète. Dans l’intérieur de l’île, le royaume de Kandy leur échappait entièrement. Sur les côtes mêmes, divisées en trois commanderies, les Hollandais ne parvenaient pas à éliminer entièrement la contrebande. Ils y possédaient deux établissements principaux : Colombo, sur la côte occidentale, entièrement reconstruit après la conquête hollandaise en 1658, mais dont le port n’était praticable que d’avril à octobre ; Trincomalé, sur la côte orientale, qui passait pour un des meilleurs ports naturels de l’océan indien, mais était peu exploitable en raison de la médiocrité d’un arrière pays marécageux. Malgré sa position centrale dans l’océan Indien, Ceylan ne fut jamais valorisée par les Hollandais autrement que comme « jardin de la cannelle ».Ni colonie de peuplement comme Le Cap, ni point d’appui pour les établissements en Inde, l’île restait une dépendance de Batavia au même titre que les établissements de la côte de Malabar et du Coromandel.
Source : Les Européens et les Indes orientales au XVIIIe siècle : aspects maritimes, commerciaux et coloniaux, René Favier
Pour aller plus loin :
- Les épices, Jean-Marie Pelt
- Des gens inconvenants : Javanais et Néerlandais à l’aube de la rencontre impériale, Romain Bertrand
- Compagnie Néerlandaise des Indes orientales sur Wikipedia
Bonne journée.
Quatorze ans après l’annexion du Portugal par l’Espagne en 1580, le très catholique roi d’Espagne Philippe II interdit l’accès de ses ports aux Hollandais qui étaient souvent protestants. En conséquence, les Hollandais, anciens partenaires des Portugais, cherchent à s’emparer du commerce puis du pays des épices. Au XVIIIe siècle, le commerce du girofle, de la cannelle et de la noix de muscade est presque entièrement aux mains des Hollandais, qui possèdent alors Ceylan (actuel Sri Lanka) et les Moluques. Les Espagnols et les Portugais ne conservent que des bribes du marché, grâce à la contrebande d’épices des Moluques.
D’après les informations que nous avons trouvées, c’est à partir de 1770 que les Français arrivent à collecter (et faire prospérer) des muscadiers et des girofliers, mettant ainsi fin au monopole hollandais :
[…] Poivre regagne la France, se marie et devient correspondant de l’Académie des sciences. Sa réputation ayant grandi, il est nommé gouverneur de l’île de France en 1768. Là, il reprend aussitôt que possible son projet de culture des épices et il bénéficie cette fois de la collaboration du célèbre botaniste Commerson, qui vient d’achever sa circumnavigation aux côtés de Bougainville. En 1769, il envoie vers les Moluques deux bateaux, sous les ordres du commandant Etcheverry accompagné d’un ancien de la Compagnie des Indes parlant malais. Cette fois la chance sourit aux français : après avoir abordé une première île récemment visitée par les extirpateurs, ils rencontrent à l’île de Céram (Uleaster) un colon hollandais qui est en tel désaccord avec la politique de ses compatriotes envers les Malais qu’il est prêt à trahir son pays. Il accepte des cartes marines offertes par les Français, et, en échange, leur donne des renseignements sur la culture des girofliers et des muscadiers et leur indique une première île où des Malais pourraient leur fournir les plants espérés. Hélas il n’y en a plus, les extirpateurs viennent de passer. C’est dans une autre île, Patany, qu’Etcheverry pourra enfin embarquer un nombre significatif de muscadiers, ainsi que des girofliers qu’on lui apporte alors que le bateau allait lever l’ancre. En échange, il donne un meuble de bateau. Il ne reste qu’à échapper aux cinq garde-côtes hollandais lancés à la poursuite des Français. L’habile marin les déjoue et, en 1770, 400 muscadiers et plus de 70 girofliers arrivent à bon port. Et cette fois, ils prospéreront. L’année suivante, une nouvelle expédition complètera la collecte. Poivre a atteint son but.
Source : Ils ont domestiqué plantes et animaux : prélude à la civilisation, Jean Guillaume
L’établissement du monopole des Hollandais sur la production et le commerce des épices est directement lié à la prise de contrôle sur Java, les Moluques et Ceylan :
Grâce à sa position centrale et à sa richesse, l’île de Java fut très tôt le centre de rayonnement de la présence hollandaise. Arrivés en 1610, ils cherchèrent à la fois à assurer le ravitaillement de leurs comptoirs en denrées agricoles (le riz) et à établir sur l’île le monopole le plus complet possible sur le commerce des épices en luttant contre la contrebande, et en interdisant aux sultans d’accueillir d’autres étrangers. Après leurs premières installations sur la côte nord de l’île, à Batavia en 1619 (qui devint le cœur de la présence hollandaise et de tout leur commerce en Extrême-Orient), puis à Soerabaya, les « guerres javanaises » leur permirent dans la seconde moitié du XVIIe siècle d’étendre leur contrôle en établissant leur protectorat sur les sultanats de Mataram à l’est et de Bantam à l’ouest. La mise au pas de ce dernier entre 1682 et 1684 permit aux Hollandais d’éliminer les concurrents européens (les Anglais surtout) qui y trouvaient refuge. Avec Bantam, Batavia, Samarang, Soerabaya, ils avaient en fait, à la fin du XVIIe siècle, la pleine propriété des principaux ports de l’île.
En dehors de Java, les Hollandais ne conquirent que peu de positions, mais elles étaient toujours très bien situées. A Sumatra, leur installation à Padang en 1659 leur permettait de tenir en respect les souverains locaux, en particulier le sultan d’Atjeh. Dans les Célèbes dont la position stratégique était essentielle, ils avaient imposé en 1667 au sultan de Macassar la destruction de toutes ses places fortes, l’expulsion de tous les Européens et le monopole du commerce. La main mise sur les riches Moluques avait quant à elle donné lieu à des affrontements particulièrement violents.
Ceylan
Quoique proche de l’Inde, Ceylan s’apparentait davantage au monde indonésien par la nature de son commerce et par l’hégémonie des Hollandais. En 1658, ils en éliminèrent les Portugais pour s’imposer en maîtres. En 1672, les Français qui tentèrent de s’établir à leur tour furent immédiatement chassés. L’île revêtait une double fonction. Etape importante, après le Cap, sur la route de l’Indonésie, elle était surtout le paradis de la cannelle, cultivée principalement dans les zones côtières sous le contrôle exclusif de la compagnie. Le reste comptait peu pour le commerce hollandais : du poivre, mais de moins bonne qualité que sur la côte de Malabar, un peu de café, ainsi que des éléphants qui passaient pour être faciles à dresser.
A la différence de Java, la domination hollandaise restait très incomplète. Dans l’intérieur de l’île, le royaume de Kandy leur échappait entièrement. Sur les côtes mêmes, divisées en trois commanderies, les Hollandais ne parvenaient pas à éliminer entièrement la contrebande. Ils y possédaient deux établissements principaux : Colombo, sur la côte occidentale, entièrement reconstruit après la conquête hollandaise en 1658, mais dont le port n’était praticable que d’avril à octobre ; Trincomalé, sur la côte orientale, qui passait pour un des meilleurs ports naturels de l’océan indien, mais était peu exploitable en raison de la médiocrité d’un arrière pays marécageux. Malgré sa position centrale dans l’océan Indien, Ceylan ne fut jamais valorisée par les Hollandais autrement que comme « jardin de la cannelle ».Ni colonie de peuplement comme Le Cap, ni point d’appui pour les établissements en Inde, l’île restait une dépendance de Batavia au même titre que les établissements de la côte de Malabar et du Coromandel.
Source : Les Européens et les Indes orientales au XVIIIe siècle : aspects maritimes, commerciaux et coloniaux, René Favier
- Les épices, Jean-Marie Pelt
- Des gens inconvenants : Javanais et Néerlandais à l’aube de la rencontre impériale, Romain Bertrand
- Compagnie Néerlandaise des Indes orientales sur Wikipedia
Bonne journée.
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