Signification de certaines fonctions municipales au XVIII°
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 25/06/2014 à 16h24
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Question d'origine :
Bonjour,
Pouvez-vous me donner la signification des fonctions municipales suivantes (XVIII° siècle) :
Juge
Lieutenant
Procureur fiscal
Greffier
Merci d'avance,
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 26/06/2014 à 11h12
Bonjour,
Jusqu’à la Révolution, la justice s’exerce à plusieurs niveaux. Au XVIIIe siècle, la justice royale exerce la « haute justice » et la justice seigneuriale exerce la « basse justice », et peut parfois remplacer la justice municipale (haute, moyenne et basse justice) dans les villes qui en sont dépourvues. On ne trouve pas vraiment de description détaillée des fonctions des différents acteurs des tribunaux de la justice seigneuriale et de la justice municipale. On trouve cependant une présentation de ces différents tribunaux dans l’ouvrage Justice et société en France : aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, de Benoît Garnot :
Originellement les justices seigneuriales réglaient les différends entre les sujets, et jugeaient des méfaits et des crimes survenus sur le territoire de leur juridiction ; à l’époque moderne, la plupart ne conservent plus guère de compétence au criminel que pour les infractions minimes et doivent pour les « cas royaux », de plus en plus nombreux au fil des années, seulement faire arrêter les prévenus sur le territoire de leur fief et les transférer sans délai à la prison royale la plus proche.[…]
Pourtant, même lorsqu’elles n’exercent plus de fait que la « basse justice », ce qui est le cas de l’immense majorité d’entre elles, les justices seigneuriales jouent un rôle très important dans la vie quotidienne des habitants, grâce à leur rapidité et à leur proximité, les juges seigneuriaux étant connus de tous là où ils exercent et constituant les magistrats les plus proches de la population, qui n’hésite pas à les solliciter. Les justices seigneuriales ne connaissent pas généralement le déclin dont on les qualifie à tort.
Le juge seigneurial est d’abord le représentant officiel du seigneur et préside à ce titre toutes les réunions d’habitants. Comme officier judiciaire, il est juge unique, chargé par conséquent de juger, mais aussi d’instruire les affaires : il rend des sentences et des ordonnances, préside aux enquêtes civiles et criminelles, aux conseils de famille, et édicte même des règlements de police. Bref, ses tâches sont multiples, ce qui fait de lui le principal interlocuteur des populations, bien plus que les juges royaux, trop lointains. On peut faire la même constatation à propos des procureurs d’office, chargés de défendre les intérêts du seigneur et de la communauté, et d’intervenir d’office (d’où leur nom) dans tous les cas où l’ordre public devait être pris en considération, par exemple en matière de simple police, ou pour provoquer une dation de tuteur, sans compter la police des audiences, des églises, des poids et mesures, des cabarets, des cheminées et des puits, etc. Ce sont d’ailleurs les actes de juridiction gracieuse (c'est-à-dire les appositions et levées de scellés, les actes réalisés dans le cadre des tutelles, et les inventaires et expertises les plus diverses) qui tiennent de loin la place la plus importante dans les archives des justices seigneuriales, loin devant les actes de juridiction contentieuse au civil et au petit criminel, ce qui montre bien que les juges seigneuriaux exerçaient l’essentiel de leurs activités à trouver une solution amiable aux litiges entre les individus (ce qui va dans le même sens que l’infrajustice et la parajustice) et paissaient beaucoup moins de temps à rendre la justice (J. Gallet).[…]
Les justices municipales perdurent également, mais pas partout, tout en conservant en général des compétences plus importantes au criminel que les justices seigneuriales. Plusieurs villes n’ont pas de justice municipale ; dans ce cas, c’est le seigneur qui en dispose (Orléans), ou le roi lui-même. Au début du XVIe siècle, la plupart des justices municipales exercent la haute, moyenne et basse justices. Celles qui coexistent avec une juridiction royale supérieure sont supprimées en 1561, tandis que les autres voient restreindre leur compétence pénale en 1580 aux affaires de simple police, ce qui leur laisse cependant d’importantes responsabilités. Mais ces dispositions ne sont appliquées que très incomplètement : de nombreuses villes parviennent à garder leur juridiction malgré l’ordonnance de 1561, et certaines conservent la totalité de leurs compétences pénales (Bordeaux, Dijon, Toulouse…), certes sous la tutelle des intendants et avec appel à un bailliage ou directement à un parlement, tandis que les cités des provinces rattachées ultérieurement au royaume gardent souvent leurs privilèges judiciaires, en particulier dans le Nord et l’Est. Dans tous les cas, l’efficacité réelle des justices municipales est fortement diminuée par les procédures d’appel et par le droit de prévention des justices royales (C. Engrand).
Le lexique du même ouvrage résume (succinctement) les fonctions de certaines professions :
Greffiers : officiers chargés de transmettre les délibérations des audiences et de rédiger tout ce qui pouvait être dit dans l’enceinte des chambres de justice.
Lieutenant civil : officier de judicature, tenant lieu de principal responsable d’un tribunal au civil
Lieutenant criminel : officier de judicature, tenant lieu de principal responsable d’un tribunal au criminel.
Lieutenant de police : responsable du maintien de l’ordre dans une ville.
Procureur : officier établi principalement pour faire la procédure et représenter les parties, surtout au civil.
Procureur d’office : magistrat chargé du ministère public dans une justice seigneuriale.
Procureur fiscal : procureur d’office.
Vous trouverez enfin dans Les classes rurales en Bretagne, du XVIe siècle à la Révolution (p.178) une description un peu plus développée de la plupart des fonctions que vous recherchez (sauf celle de lieutenant).
Bonne journée.
Jusqu’à la Révolution, la justice s’exerce à plusieurs niveaux. Au XVIIIe siècle, la justice royale exerce la « haute justice » et la justice seigneuriale exerce la « basse justice », et peut parfois remplacer la justice municipale (haute, moyenne et basse justice) dans les villes qui en sont dépourvues. On ne trouve pas vraiment de description détaillée des fonctions des différents acteurs des tribunaux de la justice seigneuriale et de la justice municipale. On trouve cependant une présentation de ces différents tribunaux dans l’ouvrage Justice et société en France : aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, de Benoît Garnot :
Originellement les justices seigneuriales réglaient les différends entre les sujets, et jugeaient des méfaits et des crimes survenus sur le territoire de leur juridiction ; à l’époque moderne, la plupart ne conservent plus guère de compétence au criminel que pour les infractions minimes et doivent pour les « cas royaux », de plus en plus nombreux au fil des années, seulement faire arrêter les prévenus sur le territoire de leur fief et les transférer sans délai à la prison royale la plus proche.[…]
Pourtant, même lorsqu’elles n’exercent plus de fait que la « basse justice », ce qui est le cas de l’immense majorité d’entre elles, les justices seigneuriales jouent un rôle très important dans la vie quotidienne des habitants, grâce à leur rapidité et à leur proximité, les juges seigneuriaux étant connus de tous là où ils exercent et constituant les magistrats les plus proches de la population, qui n’hésite pas à les solliciter. Les justices seigneuriales ne connaissent pas généralement le déclin dont on les qualifie à tort.
Le juge seigneurial est d’abord le représentant officiel du seigneur et préside à ce titre toutes les réunions d’habitants. Comme officier judiciaire, il est juge unique, chargé par conséquent de juger, mais aussi d’instruire les affaires : il rend des sentences et des ordonnances, préside aux enquêtes civiles et criminelles, aux conseils de famille, et édicte même des règlements de police. Bref, ses tâches sont multiples, ce qui fait de lui le principal interlocuteur des populations, bien plus que les juges royaux, trop lointains. On peut faire la même constatation à propos des procureurs d’office, chargés de défendre les intérêts du seigneur et de la communauté, et d’intervenir d’office (d’où leur nom) dans tous les cas où l’ordre public devait être pris en considération, par exemple en matière de simple police, ou pour provoquer une dation de tuteur, sans compter la police des audiences, des églises, des poids et mesures, des cabarets, des cheminées et des puits, etc. Ce sont d’ailleurs les actes de juridiction gracieuse (c'est-à-dire les appositions et levées de scellés, les actes réalisés dans le cadre des tutelles, et les inventaires et expertises les plus diverses) qui tiennent de loin la place la plus importante dans les archives des justices seigneuriales, loin devant les actes de juridiction contentieuse au civil et au petit criminel, ce qui montre bien que les juges seigneuriaux exerçaient l’essentiel de leurs activités à trouver une solution amiable aux litiges entre les individus (ce qui va dans le même sens que l’infrajustice et la parajustice) et paissaient beaucoup moins de temps à rendre la justice (J. Gallet).[…]
Les justices municipales perdurent également, mais pas partout, tout en conservant en général des compétences plus importantes au criminel que les justices seigneuriales. Plusieurs villes n’ont pas de justice municipale ; dans ce cas, c’est le seigneur qui en dispose (Orléans), ou le roi lui-même. Au début du XVIe siècle, la plupart des justices municipales exercent la haute, moyenne et basse justices. Celles qui coexistent avec une juridiction royale supérieure sont supprimées en 1561, tandis que les autres voient restreindre leur compétence pénale en 1580 aux affaires de simple police, ce qui leur laisse cependant d’importantes responsabilités. Mais ces dispositions ne sont appliquées que très incomplètement : de nombreuses villes parviennent à garder leur juridiction malgré l’ordonnance de 1561, et certaines conservent la totalité de leurs compétences pénales (Bordeaux, Dijon, Toulouse…), certes sous la tutelle des intendants et avec appel à un bailliage ou directement à un parlement, tandis que les cités des provinces rattachées ultérieurement au royaume gardent souvent leurs privilèges judiciaires, en particulier dans le Nord et l’Est. Dans tous les cas, l’efficacité réelle des justices municipales est fortement diminuée par les procédures d’appel et par le droit de prévention des justices royales (C. Engrand).
Le lexique du même ouvrage résume (succinctement) les fonctions de certaines professions :
Vous trouverez enfin dans Les classes rurales en Bretagne, du XVIe siècle à la Révolution (p.178) une description un peu plus développée de la plupart des fonctions que vous recherchez (sauf celle de lieutenant).
Bonne journée.
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