Citoyens allemands durant la deuxième guerre mondiale
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 24/06/2014 à 10h06
535 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Peut-on considérer que les citoyens allemands qui ont vécu sous le 3ème Reich étaient tous nazis ? Si non, quel était la proportion d'Allemands nazis pendant la guerre ?
Quel est le point de vue des historiens sur cette question : est-ce que le fait de ne rien faire ou de rester "neutre" sous un régime nazi faisait de vous un nazi ?
Merci pour votre réponse !
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 27/06/2014 à 10h02
Bonjour,
Bien qu’ils vécussent sous le régime nazi, il serait incorrect de considérer que tous les citoyens allemands soutenaient le régime ou y adhéraient.
A ce titre, un des ouvrages-clés qui peut répondre à vos questions est celui de François Roux, spécialiste de la psychologie cognitive et passionné d’histoire, Auriez-vous crié « Heil Hitler » ?, chez Max Milo.
Le point de départ de sa recherche, c’est la pseudo-certitude selon laquelle le peuple allemand est collectivement coupable.
« On pourrait résumer ainsi :
- Les Allemands ont voulu Hitler et le nazisme
- Les Allemands adhéraient massivement au IIIe Reich
- Les Allemands connaissaient et approuvaient le génocide ».
La quatrième de couverture précise : « en confrontant plus de deux cents témoignages aux travaux des plus grands historiens de cette période, François Roux réalise une étude panoramique de l’histoire du nazisme et des Allemands, de 1918 à 1946. Il nous permet également de battre en brèche nos idées reçues : oui, des milliers d’Allemands sont morts en résistant au Reich de Hitler ; non, la majorité d’entre eux n’ont pas voulu ce régime. »
L’ouvrage insiste donc, notamment dans la quatrième partie, sur la façon dont « des institutions, des groupes et des individus se sont opposés au nazisme », sans pour autant évacuer « les mécanisme de la soumission à la dictature ».
Plus loin dans l’ouvrage, à l’orée de la 3ème partie, François Roux nuance encore : il est difficile d’ « interpréter les comportements publics des personnes agissant sous la contrainte. Mettre sa vie en danger en refusant de saluer le dictateur démontre une opposition radicale. Mais un résistant pourrait choisir de saluer plutôt que de se sacrifier pour si peu. Si l’homme au bras croisés (issu de cette photographie) prouve un courage hors du commun, des centaines de bras tendus ne prouvent rien. Pour la presse de Goebbels, la photo démontre que la classe ouvrière soutient le régime à 99,9%. Qui juge hâtivement peut lui donner raison. Qui réfléchit doit convenir que cette image ne permet pas de connaître les sentiments réels de cette foule. »
La page wikipedia consacrée au National Socialisme indique l’évolution du nombre d’adhérents au parti nazi : plus de 5 millions en 1939. En 1945, 8 millions d’Allemands sont membres du NSDAP. Mais comme le signale l’article, « les motivations des nouveaux adhérents sont, elles, surtout professionnelles et liées à un désir de promotion sociale ». Là encore, même si ces chiffres permettent d’établir une proportion des « nazis officiels » durant la guerre, il est délicat d’affirmer qu’il s’agît pour chacun d’entre eux d’une adhésion profonde aux valeurs et à l’idéologie nazies.
L’ouvrage de François Roux précise encore les choses en décrivant le positionnement et l’évolution face au régime des différentes classes de la société allemande (paysannerie, ouvriers, classe moyenne, supérieure, etc.).
Pour une analyse plus fouillée encore sur les rapports entre la société allemande et le nazisme, vous pouvez consulter le livre de Pierre Ayçoberry, La Société allemande sous le IIIè Reich (1998), que le magazine Histoire présente ainsi :
« Pierre Ayçoberry rend ainsi compte des travaux allemands les plus novateurs à l'époque, sur les phénomènes de "Resistenz" ouvrière et paysanne. Cette force d'inertie des représentations et des comportements s'oppose à un nazisme qui ne répond pas toujours aux intérêts des groupes sociaux en question. Au contraire, les élites (militaires, économiques, intellectuelles) manifestent généralement une adhésion qui repose sur la porosité entre idées nazies et culture conservatrice. L'auteur nous livre ainsi une vision nuancée, complexe, des rapports entre "société" et "pouvoir" politique, en diffractant les comportements selon les groupes étudiés et en offrant un tableau dynamique des réalités sociales. »
La réalité politique et sociale de cette période nécessite donc une approche complexe et nuancée de la question du rapport entre le peuple allemand et le régime qui les gouverne durant la 2de Guerre mondiale.
On peut par ailleurs citer plusieurs autres livres qui font la part belle aux résistances face au nazisme :
Celui de Joachim Fest, historien, écrivain et journaliste allemand :La Résistance allemande à Hitler
Celui de Gilbert Merlio, germaniste, spécialiste de l’histoire des idées à Paris IV : Les Résistances allemande à Hitler
L’ouvrage collectif, issu d’un colloque d’historiens franco-allemands, Les Allemands contre le nazisme.
La description de cet ouvrage sur le site de l’éditeur Albin Michel :
« Des historiens français et allemands parmi les plus éminents apportent une contribution essentielle à la connaissance de l'histoire de l'Allemagne face au nazisme. D'où il ressort que tous les Allemands n'étaient pas nazis et que beaucoup d'entre eux l'ont payé de leur vie.
L'histoire des oppositions et des résistances allemandes au national-socialisme reste largement méconnue. Elle a pourtant fait l'objet de nombreuses recherches, notamment en RFA et en ex-RDA où, depuis la chute du Mur, la consultation des archives est désormais possible. Cet ouvrage recense aussi bien les actes collectifs que les actions individuelles de ces hommes et femmes qui se sont dressés contre Hitler, depuis sa prise du pouvoir jusqu'à la fin du Troisième Reich. En les replaçant dans leur contexte, il fait mieux comprendre les événements et aborde tous les aspects de ces résistances, aussi bien religieuses, civiles que militaires : juifs, jeunes réunis sous la bannière de la " Rose blanche ", militants du fameux "Orchestre rouge ", militaires regroupés autour des généraux Beck et Stauffenberg - resté célèbre suite à l'attentat manqué contre Hitler du 22 juillet 1944 -, aristocrates tels que le comte von Moltke, mais aussi réfugiés qui rejoignirent la Résistance française.
Issu d'un colloque franco-allemand tenu à Paris en 1996, cet ouvrage, qui comprend un cahier de photographies d'époque et des reproductions de publications clandestines, regroupe les contributions des meilleurs spécialistes. »
Pour un point de vue différent (qui souligne la complexité de cette période et de cette problématique), vous pouvez aussi consulter l’ouvrage de Daniel Jonah Goldhagen, Les Bourreaux Volontaires de Hitler, les Allemands ordinaires et l’Holocauste, qui a suscité la polémique.
L’ouvrage soutient une thèse il est vrai propice à la controverse puisqu’il s’intéresse aux citoyens de base qui, par leur consensus, auraient rendu possible l’extermination des Juifs d’Europe. « La cause profonde tient dans l’antisémitisme dont la société allemande a été nourrie au long de son histoire […] et que Hitler a porté à son point d’incandescence ».
Le livre d’Eric A. Johnson, La Terreur nazie, constitue une récusation de la thèse de Goldhagen. Johnson, affirmant que « dans leur grande majorité, les Allemands n’étaient pas nazis », s’efforce néanmoins de « donner des éléments d’appréciation de la culpabilité de chaque Allemand, et non plus du seul régime ».
Pour finir, nous vous invitons à parcourir le témoignage poignant de Sebastian Haffner, citoyen lambda, « petit individu anonyme et inconnu » comme il le dit lui-même. Il raconte dans un texte publié pour la première fois en 2000, l’instauration du régime nazi et « l’arrivée du désastre ».
Bonnes lectures et bel été à vous !
Bien qu’ils vécussent sous le régime nazi, il serait incorrect de considérer que tous les citoyens allemands soutenaient le régime ou y adhéraient.
A ce titre, un des ouvrages-clés qui peut répondre à vos questions est celui de François Roux, spécialiste de la psychologie cognitive et passionné d’histoire, Auriez-vous crié « Heil Hitler » ?, chez Max Milo.
Le point de départ de sa recherche, c’est la pseudo-certitude selon laquelle le peuple allemand est collectivement coupable.
« On pourrait résumer ainsi :
- Les Allemands ont voulu Hitler et le nazisme
- Les Allemands adhéraient massivement au IIIe Reich
- Les Allemands connaissaient et approuvaient le génocide ».
La quatrième de couverture précise : « en confrontant plus de deux cents témoignages aux travaux des plus grands historiens de cette période, François Roux réalise une étude panoramique de l’histoire du nazisme et des Allemands, de 1918 à 1946. Il nous permet également de battre en brèche nos idées reçues : oui, des milliers d’Allemands sont morts en résistant au Reich de Hitler ; non, la majorité d’entre eux n’ont pas voulu ce régime. »
L’ouvrage insiste donc, notamment dans la quatrième partie, sur la façon dont « des institutions, des groupes et des individus se sont opposés au nazisme », sans pour autant évacuer « les mécanisme de la soumission à la dictature ».
Plus loin dans l’ouvrage, à l’orée de la 3ème partie, François Roux nuance encore : il est difficile d’ « interpréter les comportements publics des personnes agissant sous la contrainte. Mettre sa vie en danger en refusant de saluer le dictateur démontre une opposition radicale. Mais un résistant pourrait choisir de saluer plutôt que de se sacrifier pour si peu. Si l’homme au bras croisés (issu de cette photographie) prouve un courage hors du commun, des centaines de bras tendus ne prouvent rien. Pour la presse de Goebbels, la photo démontre que la classe ouvrière soutient le régime à 99,9%. Qui juge hâtivement peut lui donner raison. Qui réfléchit doit convenir que cette image ne permet pas de connaître les sentiments réels de cette foule. »
La page wikipedia consacrée au National Socialisme indique l’évolution du nombre d’adhérents au parti nazi : plus de 5 millions en 1939. En 1945, 8 millions d’Allemands sont membres du NSDAP. Mais comme le signale l’article, « les motivations des nouveaux adhérents sont, elles, surtout professionnelles et liées à un désir de promotion sociale ». Là encore, même si ces chiffres permettent d’établir une proportion des « nazis officiels » durant la guerre, il est délicat d’affirmer qu’il s’agît pour chacun d’entre eux d’une adhésion profonde aux valeurs et à l’idéologie nazies.
L’ouvrage de François Roux précise encore les choses en décrivant le positionnement et l’évolution face au régime des différentes classes de la société allemande (paysannerie, ouvriers, classe moyenne, supérieure, etc.).
Pour une analyse plus fouillée encore sur les rapports entre la société allemande et le nazisme, vous pouvez consulter le livre de Pierre Ayçoberry, La Société allemande sous le IIIè Reich (1998), que le magazine Histoire présente ainsi :
« Pierre Ayçoberry rend ainsi compte des travaux allemands les plus novateurs à l'époque, sur les phénomènes de "Resistenz" ouvrière et paysanne. Cette force d'inertie des représentations et des comportements s'oppose à un nazisme qui ne répond pas toujours aux intérêts des groupes sociaux en question. Au contraire, les élites (militaires, économiques, intellectuelles) manifestent généralement une adhésion qui repose sur la porosité entre idées nazies et culture conservatrice. L'auteur nous livre ainsi une vision nuancée, complexe, des rapports entre "société" et "pouvoir" politique, en diffractant les comportements selon les groupes étudiés et en offrant un tableau dynamique des réalités sociales. »
La réalité politique et sociale de cette période nécessite donc une approche complexe et nuancée de la question du rapport entre le peuple allemand et le régime qui les gouverne durant la 2de Guerre mondiale.
On peut par ailleurs citer plusieurs autres livres qui font la part belle aux résistances face au nazisme :
Celui de Joachim Fest, historien, écrivain et journaliste allemand :La Résistance allemande à Hitler
Celui de Gilbert Merlio, germaniste, spécialiste de l’histoire des idées à Paris IV : Les Résistances allemande à Hitler
L’ouvrage collectif, issu d’un colloque d’historiens franco-allemands, Les Allemands contre le nazisme.
La description de cet ouvrage sur le site de l’éditeur Albin Michel :
« Des historiens français et allemands parmi les plus éminents apportent une contribution essentielle à la connaissance de l'histoire de l'Allemagne face au nazisme. D'où il ressort que tous les Allemands n'étaient pas nazis et que beaucoup d'entre eux l'ont payé de leur vie.
L'histoire des oppositions et des résistances allemandes au national-socialisme reste largement méconnue. Elle a pourtant fait l'objet de nombreuses recherches, notamment en RFA et en ex-RDA où, depuis la chute du Mur, la consultation des archives est désormais possible. Cet ouvrage recense aussi bien les actes collectifs que les actions individuelles de ces hommes et femmes qui se sont dressés contre Hitler, depuis sa prise du pouvoir jusqu'à la fin du Troisième Reich. En les replaçant dans leur contexte, il fait mieux comprendre les événements et aborde tous les aspects de ces résistances, aussi bien religieuses, civiles que militaires : juifs, jeunes réunis sous la bannière de la " Rose blanche ", militants du fameux "Orchestre rouge ", militaires regroupés autour des généraux Beck et Stauffenberg - resté célèbre suite à l'attentat manqué contre Hitler du 22 juillet 1944 -, aristocrates tels que le comte von Moltke, mais aussi réfugiés qui rejoignirent la Résistance française.
Issu d'un colloque franco-allemand tenu à Paris en 1996, cet ouvrage, qui comprend un cahier de photographies d'époque et des reproductions de publications clandestines, regroupe les contributions des meilleurs spécialistes. »
Pour un point de vue différent (qui souligne la complexité de cette période et de cette problématique), vous pouvez aussi consulter l’ouvrage de Daniel Jonah Goldhagen, Les Bourreaux Volontaires de Hitler, les Allemands ordinaires et l’Holocauste, qui a suscité la polémique.
L’ouvrage soutient une thèse il est vrai propice à la controverse puisqu’il s’intéresse aux citoyens de base qui, par leur consensus, auraient rendu possible l’extermination des Juifs d’Europe. « La cause profonde tient dans l’antisémitisme dont la société allemande a été nourrie au long de son histoire […] et que Hitler a porté à son point d’incandescence ».
Le livre d’Eric A. Johnson, La Terreur nazie, constitue une récusation de la thèse de Goldhagen. Johnson, affirmant que « dans leur grande majorité, les Allemands n’étaient pas nazis », s’efforce néanmoins de « donner des éléments d’appréciation de la culpabilité de chaque Allemand, et non plus du seul régime ».
Pour finir, nous vous invitons à parcourir le témoignage poignant de Sebastian Haffner, citoyen lambda, « petit individu anonyme et inconnu » comme il le dit lui-même. Il raconte dans un texte publié pour la première fois en 2000, l’instauration du régime nazi et « l’arrivée du désastre ».
Bonnes lectures et bel été à vous !
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