Question d'origine :
Bonjour,
Un orchestre symphonique n'est pas toujours dirigé par "son" chef d'orchestre. Par qui les répétitions sont effectuées pour un concert qui mettra parfois à l'honneur un autre chef qui dirige enseigne ou enregistre aux 4 coins de la terre ?
Je pense par exemple à l'Orchestre National de Lille et son prestigieux chef Jean-Claude Casadesus ; qui met au point un concert tel que celui d'hier (21 mars 2014) au cours duquel
la baguette de chef d'orchestre était tenue avec brio par le non moins talentueux Kirill Karabits ?
Th. L
Réponse du Guichet
bml_mus
- Département : Musique
Le 25/03/2014 à 13h52
Il est difficile de répondre d’une manière générale à votre question : en consultant des ouvrages pour y répondre, on trouve mentionné que cela dépend du chef, que cela dépend de l’orchestre, que cela dépend du contrat du chef d’orchestre, et surtout, comme le souligne Pierre Boulez dans Musique : une encyclopédie pour le XXIème siècle, tome 2, « on ne répète pas toutes les œuvres de la même façon ».
Ceci dit, des traits généraux permettent une réponse générale. Alain Steghens dans un petit livre de base, L'Orchestre, expose clairement la manière courante de travailler :
« Avant que n’ait lieu, avec tout l’orchestre, la première répétition, les musiciens ont déchiffré leur partie, et l’ont travaillée au cours de séances préparatoires avec leur responsable de pupitre : il existe ainsi des séances de répétition qui n’impliquent que les cuivres ou les percussions. » Il s’agit d’un travail antérieur à la répétition avec un chef, qu’il soit permanent ou invité ; même si l’on peut imaginer qu’un chef permanent ou un directeur musical d’orchestre discute déjà avec les chefs de pupitre à cette étape, ce n’est pas toujours le cas, et probablement pas lorsque l’œuvre va être dirigée par un chef invité. Parallèlement, le chef doit prendre connaissance et réfléchir en profondeur à l’œuvre qu’il va diriger. Il va sans dire que beaucoup d’œuvres célèbres du répertoire sont déjà bien connues du chef qui s’apprête à les diriger et que, lorsqu’on invite un chef, c’est souvent pour jouer des œuvres dans lesquelles on sait déjà qu’il excelle. En règle générale, la première répétition collective est déjà sous la direction du chef , mais lorsqu’il y a des complexités particulières et un chef différent, une phase intermédiaire de mise au point peut être nécessaire, et c’est peut-être la cas s’il faut faire travailler ensemble un orchestre et un chœur qui ont forcément moins d’habitudes communes que l’orchestre.
Alain Steghens continue ainsi sa description : « Lorsque les différents groupes ont progressé, on assiste alors à la première répétition collective : ici, pas de règle précise, chaque chef d’orchestre a sa propre méthode de travail ! » Tout est dit, même si la méthode la plus courante semble être de faire jouer « la partition, ou au moins un de ses mouvements dans son intégralité, quitte à passer sur les fautes, pour avoir une vision globale des problèmes à résoudre ».
Une autre manière d’approcher votre question est de suivre Jean-François Sénart qui, dans Le geste musicien distingue « l’aspect « objectif » du rôle du chef, dans sa dimension strictement technique de « fonctionnement sonore adéquat » et le deuxième aspect du rôle du chef, cette dimension subjective [qui] concerne sa responsabilité d’artiste et d’interprète. Une fois la matière sonore établie avec aplomb et clarté, il lui échoit de canaliser les énergies créatrices des exécutants au service d’une transparence musicale propre à libérer la vie contenue dans les notes et les diverses indications inscrites sur la partition, d’orienter les possibilités musicales de façon à toucher l’auditeur, de choisir tel ou tel éclairage susceptibles de favoriser l’éloquence de la dynamique évocatrice inscrite au cœur de l’œuvre musicale, en un mot de « cristalliser » une interprétation parmi d’autres également possibles. » Autant la première partie peut être préparée en amont de l’arrivée d’un chef invité qui n’y apportera que la touche finale, autant la seconde est entièrement de son ressort.
Quant au nombre et à la durée des répétitions nécessaires pour ces deux aspects de l’interprétation d’un œuvre, elles dépendent entièrement de l’orchestre, du chef et de l’œuvre. Certains grands chefs, avec un grand orchestre dans une œuvre pas trop singulière arrivent aux résultats qu’ils cherchent dans un temps étonnamment bref. Néanmoins, le cadres institutionnel est contraint, comme le souligne Alain Steghens : « depuis près de vingt ans, les négociations syndicales ont abouti à des textes très précis sur la durée et le nombre de services [=répétitions d’une durée de 2 à 3 heures] à effectuer en vue d’un concert et le chef d’orchestre doit parfois se plier à ces contraintes pour que le travail soit achevé à temps. ».
Pour approfondir ces questions, la troisième partie de l’ouvrage de Christian Merlin Au coeur de l'orchestre est passionnante. Vous pouvez également lire les textes de grands chefs (de Berlioz à Charles Münch) dans L'art du chef d'orchestre compilé par Georges Liébert.
En ce qui concerne le cas particulier du concert de musique russe dont vous parlez dans votre question, nous avons demandé à l’Orchestre national de Lille et nous ne manquerons pas de vous donner sa réponse.
Réponse du Guichet
bml_mus
- Département : Musique
Le 10/04/2014 à 10h22
Virgine Groll, régisseur général de l'Orchestre national de Lille, nous envoie une réponse détaillée dont nous la remercions très vivement. Nous n'espérions pas avoir des renseignements si précis. Voici donc ce qu'elle nous explique :
Les orchestre nationaux fonctionnent avec un directeur musical, en l'occurrence JC Casadesus pour l'Orchestre de Lille. Le directeur musical dirige environ une dizaine de programmes par saison (chacun des programmes étant donnés un minimum de deux fois). Le reste du temps, les grands orchestres font appel à des "Chefs invités" qui souvent sont, eux aussi, directeur musical ou "Premier chef invité" dans un orchestre en France ou à l'étranger.
De façon général, les chefs d'orchestre, qu'ils soient directeurs musicaux et chefs invités, passent d'un orchestre à l'autre.
Dans le cas de Kirill Karabits, qui est premier chef invité à l'orchestre de Bournemouth, il a été invité par l'Orchestre national de Lille pour diriger un programme au cours de la saison 13/14. Il s'agissait de trois œuvres russes qu'il a travaillées avec les chœurs et l'orchestre pour en donner ensuite 3 concerts (1 pour les étudiants lillois, un second pour le tout public toujours à Lille et le troisième en région).
Voici le planning des répétitions :
lundi 17 > 2 services orchestre seul + 1 service chœur seul (la partie orchestre est assumée par le piano)
mardi 18 > 1 service orchestre seul + 1 service orchestre et chœur
mercredi 19 > 1 service orchestre seul + 1 service orchestre et chœur
jeudi + vendredi + samedi > concerts
A l'Orchestre de Lille, les répétitions sont toujours assumées par le chef qui dirige les concerts.
Les orchestre nationaux fonctionnent avec un directeur musical, en l'occurrence JC Casadesus pour l'Orchestre de Lille. Le directeur musical dirige environ une dizaine de programmes par saison (chacun des programmes étant donnés un minimum de deux fois). Le reste du temps, les grands orchestres font appel à des "Chefs invités" qui souvent sont, eux aussi, directeur musical ou "Premier chef invité" dans un orchestre en France ou à l'étranger.
De façon général, les chefs d'orchestre, qu'ils soient directeurs musicaux et chefs invités, passent d'un orchestre à l'autre.
Dans le cas de Kirill Karabits, qui est premier chef invité à l'orchestre de Bournemouth, il a été invité par l'Orchestre national de Lille pour diriger un programme au cours de la saison 13/14. Il s'agissait de trois œuvres russes qu'il a travaillées avec les chœurs et l'orchestre pour en donner ensuite 3 concerts (1 pour les étudiants lillois, un second pour le tout public toujours à Lille et le troisième en région).
Voici le planning des répétitions :
lundi 17 > 2 services orchestre seul + 1 service chœur seul (la partie orchestre est assumée par le piano)
mardi 18 > 1 service orchestre seul + 1 service orchestre et chœur
mercredi 19 > 1 service orchestre seul + 1 service orchestre et chœur
jeudi + vendredi + samedi > concerts
A l'Orchestre de Lille, les répétitions sont toujours assumées par le chef qui dirige les concerts.
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