Question d'origine :
Au-dessus de l'ancien quai des Etroits à la Mulatière il y a une grotte habituellement connue comme "la grotte à Rousseau".
Il parait clair que ce n'est pas dans cette cavité ruissellante qu'il a dormi, mais dans une embrasure le long du quai.
La question est de savoir QUAND apparaît ce mythe de la Grotte de Rousseau ?
Diverses sources montrent que c'est avant 1829 (passage de Jules-Gabriel Janin).
Réponse du Guichet
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- Département : Documentation régionale
Le 27/11/2013 à 08h52
Cher Metapodocarpoxylon,
Jean-Jacques Rousseau a en effet séjourné plusieurs fois à Lyon. Deux ouvrages principaux s’en font écho, une thèse en 1933, et un livre en 2013, notre récente « Année Rousseau », qui détaille et distingue ses différents séjours.
L’anecdote de sa nuit à la belle étoile qu’il relate dans les Confessions (rédigées à partir de 1766 et dont l’auteur donne des lectures à Paris en 1770) est détaillée dans cette précédente réponse du Guichet. Michel Kneubühler situe la « nuit délicieuse » à la fin de l’été 1731, et précise - plan de 1747 à l’appui - que « le lieu présumé [...] – de nos jours sur la rive droite de la Saône, à la hauteur de la commune de la Mulatière – était donc en ce temps-là… au bord du Rhône ! »
En 1810, un promeneur lyonnais, Etienne-Laurent-Jean Mazade, évoque dans ses Lettres à sa fille... (T. 1, p. 148, Lettre XIII), Les Étroits comme le lieu « au bord de la rivière […] dans ce même endroit où Jean-Jacques dit, dans ses confessions, avoir passé une nuit délicieuse, avec deux sous en poche. »
En 1819, dans l’
En 1829, comme vous le soulignez, la mention qu’en fait Jules Janin dans son récit de voyage en chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon, n’évoque pas de grotte, non plus que la note de l’édition des Confessions de 1869 qui situe la halte du dormeur solitaire aux « Étroits », alors que Félix Desvernay dans sa « Neuvième promenade » pour Lyon-revue (accès en plein texte sur Gallica) en 1883 écrit : « Des deux grottes creusées par la nature dans les flancs de cette colline, la plus vaste et la plus pittoresque en même temps, porte le nom de Jean-Jacques Rousseau ». Ce qui n'affirme d'ailleurs pas qu'il y ait dormi.
En 1910, la photographie de l’« hôtel restaurant de la grotte» prise par Jules Silvestre manifeste la transformation en pèlerinage touristique, dans un lieu pérenne et facile à indiquer.
Dans l’intervalle d'une cinquantaine d'années, pour retrouver les mentions possibles, voire les images, qui ont pu influencer l’invention de « la grotte à Rousseau », il vous faudra chercher parmi les guides et estampes, qui font l’objet de chapitres dans le catalogue d’exposition
Au demeurant, il n’est pas étonnant que la grotte ait été admise comme lieu de repos pour le philosophe, si l’on examine les considérations qui ont présidé à la création du jardin d’Ermenonville par le dernier hôte de Rousseau, Girardin, auteur de De la composition des paysages… en 1777. L’auteur du jardin où repose Rousseau, contrairement à l’auteur de La Nouvelle Héloïse qui ne jurait que par les jardins naturels, considérait en effet que fabriquer des ruines et grottes artificielles invitait tout autant les promeneurs à la méditation que les paysages naturels.
La composition du jardin d’Ermenonville, puis ses représentations quelques dizaines d’années plus tard par les romantiques, ont pu s'amalgamer aux éléments de décor pastoraux que Rousseau utilise lui-même dans ses pièces et romans, pour rendre vraisemblable l’hypothèse « grottesque ».
Sources :
Grosclaude, Pierre,
Grosclaude, Pierre,
Kneubühler, Michel,
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