Question d'origine :
L'art et la pornographie sont deux choses distinctes. D'où vient la confusion entre la nudité et l'expression artistique de la nudité ?
Que englobe le terme "le nu artistique" ? Est-ce un genre purement visuel?
Remerciements, salutations.
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 18/03/2013 à 12h26
Dans le n° 22, janvier-février 1976 de la revue Art press, de nombreux écrivains ou artistes ont répondu à la
Question : Faites-vous une différence entre érotisme et pornographie ? Considérez-vous cette dernière comme de l’art ?
Voici un florilège des réponses :
Denis Roche :
« « Si je fais une différence entre érotisme et pornographie ? » Vous rigolez ! « De l’art ? » Quel « art » Quoi « art » ? D’l’ »art » ? Il y a probablement plus de mauvais « art » qu’il n’y a de mauvais « cul. » Et puis il y a des gens qui en ont plein le cul de l’ « art » comme d’autres en ont plein l’ « art » du « cul. » Vous n’avez que ces mots-là à la bouche. Ayez-les ailleurs ! »
Guy Scarpetta :
« Alors, la porno, c’est-y de l’art ou du cochon ? Soyons sérieux : la seule question serait de savoir comment l’ « art », si vous tenez au mot, se comporte face à l’extension spectaculaire de la représentation sexuelle « brute ». Ce qu’il est capable ou pas d’intégrer. »
Delfeil de Ton :
« C’est dans une sex-shop que j’ai rencontré ma fiancée. Justement, ma fiancée, je l’ai abordé en lui posant votre question numéro quatre. Je dois dire que depuis on a pas mal couché ensemble mais qu’on n’a pas encore résolu le problème de savoir si la pornographie était moins artistique que l’érotisme, et réciproquement. C’est une question assez angoissante, à laquelle l’Académie Française devrait donner une réponse officielle pour éviter que l’opinion ne soit coupée en deux, comme pour Dreyfus ou la guerre d’Algérie. »
Pierre Bourgeade :
« De l’image érotique à l’image pornographique, la différence est objective : l’érotisme dévoile le sexe de la femme, la pornographie l’intérieur du sexe. Cette béance met l’homme en face de ce dont il est sorti, figure le trou où il finira, et montre à la limite, que la pornographie n’est rien, car si l’homme allait encore plus profond, il sortirait du trou, il sortirait de la pornographie. »
Paul Otchakovsky-Laurens :
« Comme des tas de gens d’attachent à faire de la pornographie un art, il faut supposer que cette dernière est le produit d’une matière susceptible de subir, éventuellement, un traitement artistique. Cela dit, il me paraît évident qu’il y a une différence entre érotisme et pornographie : même réalité au départ, traitement généralement neutralisant pour l’érotisme, traitement plu brutal et plus réaliste pour la pornographie.
A noter aussi et surtout que l’érotisme est une réalité en principe indépendante de toute représentation tandis que la pornographie ne peut être que représentation. »
Marc Devade :
« Même si je ne faisais pas de différence entre érotisme et pornographie, on la fait pour moi dans les discours (les pubs entre autres) sur cette question. Le critère de distinction est contenu dans votre question : est-ce de l’art ou pas, sous- –entendu : l’érotisme en est mais pas la pornographie. »
Jean-François Davy :
« La différence qu’on a l’habitude de faire entre pornographie et érotisme – avec l’idée que l’érotisme c’est quelque chose de noble, d’aristocratique, alors que la porno est associée à la vulgarité – c’est une différence que je refuse ; elle correspond à des notions de bon et de mauvais goût, donc à des notions culturelles, donc à des notions de classe. »
Marcelin Pleynet :
« … On ne peut pas être plus pour ou contre la pornographie qu’on est pour ou contre le réel, c’est de ce point de vue que tous les enjeux et options politiques sur la pornographie prennent sens. »
Jacques Henric :
« L’érotisme (au sens courant) c’est le règne de la dentelle, de la jarretelle ; du vieux caleçon, c’est l’allusif, le chuchotis, le triomphe du fétiche, l’évocateur, le pas-dit, l’usine à fantasmes, le truqué, la vieillerie formelle, la prétention esthétisante, le message alambiqué, faux. La pornographie, c’est le contraire. Effet de décrassage assuré. »
Sur le site echolalie, vous trouverez d’autres citations sur la pornographie.
Si l’on en croit le Trésor de la Langue Française informatisé, l’expression «nu artistique » ne s’appliquerait qu’au domaine de la photographie :
Nu artistique . Photographie d'art consacrée au nu. Des albums de Willette et de Léandre, des cartes postales de «nu artistique», des livres de Maizeroy et de Champsaur (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.743).
Effectivement dans le domaine des beaux-arts ; de la peinture ou de la sculpture, on emploie plutôt le motnu , tout seul.
Toujours dans le même dictionnaire, on relève pour le mot nudité :
NUDITÉ , subst. fém.
A. [En parlant d'une pers. ou d'une partie du corps]
1. [En parlant d'une pers.]
a) État d'une personne qui est entièrement nue.
[…]
BEAUX-ARTS, PHOT. Représentation picturale, sculpturale ou photographique d'un modèle (posant) nu. Synon. nu2 Prononc. et Orth.: [nydite]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) ) Ca 1350 «état d'une personne nue ou d'une partie nue du corps» (GILLES LE MUISIT, Poésies, I, 276 et II, 35 ds T.-L.); ) 1687 [éd.] plur. «parties nues ou presque nues du corps humain qui sont ordinairement couvertes» (FÉNELON, Educations des filles, p.207: Ayez donc horreur des nuditez de gorge et de toutes les autres immodesties); b) 1651 [éd.] peint. (CORNEILLE, Andromède, Argument, p.IX: Les Peintres qui cherchent à faire paroistre leur Art dans les nuditez, ne manquent jamais à nous représenter Andromede nuë)
PORNOGRAPHIE , subst. fém.
A. Vx. Traité, étude sur la prostitution. (Dict.XIXe et XXes.).
B. 1. Représentation (sous forme d'écrits, de dessins, de peintures, de photos, de spectacles, etc.) de choses obscènes, sans préoccupation artistique et avec l'intention délibérée de provoquer l'excitation sexuelle du public auquel elles sont destinées.
2. Caractère obscène d'une oeuvre d'art ou littéraire.
OBSCÈNE, adj.
A. Qui offense ouvertement la pudeur dans le domaine de la sexualité. Synon. fam. cochon, dégoûtant, dégueulasse (vulg.), graveleux, sale.
…SYNT. Chanson, couplet, dessin, film, graffiti, gravure, idée, image, livre, plaisanterie, photographie obscène; propositions obscènes.
Rem. Dans la lang. contemp. on emploie plus volontiers pornographique en parlant d'un écrit, d'une photographie, d'un film.
PUDEUR , subst. fém.
A. 1. Disposition, propension à se retenir de montrer, d'observer, de faire état de certaines parties de son corps, principalement celles de nature sexuelle, ou de montrer, d'observer, de faire état de choses considérées comme étant plus ou moins directement d'ordre sexuel; attitude de quelqu'un qui manifeste une telle disposition.
ÉROTIQUE , adj.
3. En partic., domaine de l'expression (notamment artistique, littér.; parfois avec une connotation péj.)
a) [En parlant d'un artiste] Qui traite de l'amour charnel et (peut) incite(r) à la volupté. Lequel, entre nos poètes érotiques, y compris les chevaliers de Bertin et de Parny, a jamais rendu la chaleur âpre et le délire cuisant de la jouissance en traits plus saisissants que Jacques Tahureau du Mans, dans ce « baiser » tout de flamme? (SAINTE-BEUVE, Tabl. poésie fr., 1828, p. 95).
b) [En parlant d'un mode d'expression, d'une œuvre, etc.] Qui a l'amour charnel pour thème, pour inspiration et qui (peut) incite(r) à la recherche du plaisir physique. Livre, vers érotique(s). Fadeurs érotiques (AMIEL, Journal, 1866, p. 375). Les peintures érotiques mangées par le temps (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1515). Le motif du rêve gracieux, fréquemment érotique (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 156).
Pour trouver des définitions appliquées au plus près du domaine de l’art, nous pouvons consulter le Dictionnaire de l’image / ouvrage dirigé par Françoise Juhel ; coordination scientifique Francis Vanoye; Anne Goliot-Lété,...Martine Joly,...Thierry Lancien,...[et al.] :
Un article de 3 p. est consacré au nu dans l’art occidental, peinture ou sculpture, et aussi photographie, qui résume bien l’histoire du genre, avec ses évolutions jusqu’à nos jours :
«Nu , adj. et n. m., naked(adj.) et nude(n.)>
Du latin nudus « dévêtu, dénudé, dépouillé de quelque chose », l'adjectif substantivé désigne, dans les arts, depuis le XVIIe siècle, la représentation du corps humain nu. Le nu est un des fondements de l'art occidental, de l'âge préhistorique à nos jours, tout en y tenant une place aux valeurs changeantes. Pour les Grecs anciens, le culte de la nudité totale a d'abord concerné le corps masculin, et manifestait une corrélation entre le physique et le psychique, la perfection du corps révélant la perfection de l'esprit. Le nu féminin, entre Vénus et Ève, oscillera entre pure beauté fondatrice et femme pécheresse, divinité céleste et divinité terrienne.
L'iconologie chrétienne et le Moyen Âge vêtiront les corps des héros et des saints, car le nu médiéval est impudique, jusqu'à la Renaissance où le thème de la beauté des corps nus, masculins et féminins, sera repris (le David de Michel-Ange, La Naissance de Vénus de Botticelli), renversant la luxure en innocence, l'innocence de la ligne dans un corps maternel ou virginal.
[…]
Photographie. Le nu renvoie au début du xx- siècle à deux modèles : le corps placé devant l'appareil et le genre artistique hérité de la peinture (surtout) et de la sculpture. Pour être montré publiquement sans scandale, le nu photographié, partie intégrante de l'histoire de l'érotisme, se devait d'avoir une dimension artistique.
Le nu féminin est privilégié, avec l'avantage des formes considérées comme plus harmonieuses. Les adeptes du pictorialisme s'appuient sur l'héritage de la peinture (en particulier l'impressionnisme), et multiplient les effets : flou, éclairage élaboré et interventions à même le tirage (dans le souci de mettre à distance un certain réalisme). Les poses restent pudiques, le corps se devine plus qu'il ne se montre (Steichen, Demachy).
[…]
Robert Mapplethorpe s'intéresse au nu, qu'il travaille en studio, en noir et blanc : son style très classique et sobre, à la technique parfaite, contraste avec un rapport au corps qui peut être pornographique ou sculptural, notamment avec la championne de culturisme Lisa Lyon (1980). Cette série est à rapprocher de celle d'Helmut Newton
(Grands nus, 1980). Le nu fait place au corps extrême avec une interrogation posée sur nos préjugés et stéréotypes, comme sur la pornographie (Jan Saudek, Andres Serrano, le groupe français Noir limite). On recycle des images pornographiques (Thomas Ruff sur ordinateur) ; Alain Fleischer projette de nuit des images X à partir de chambres d'hôtel qu'il occupe dans les grandes villes européennes.
La photographie s'inscrit comme expérience dans le sillage d'un journal intime où la sexualité n'est jamais loin de la mort - ou de la pulsion de mort (Larry Clark, Nobuyoshi Araki, Nan Goldin, Antoine d'Agata, Joël-Peter Witkin).
[…]
En tant que genre, le nu s'est déplacé, l'étude de nu a disparu, et c'est la notion même de nu qui est remise en cause au profit du « corps », terme générique qui traverse aujourd'hui la photographie contemporaine. Le corps n'est plus pensé comme objet de contemplation (« corps objet » 1910-1940). Désormais, l'intérêt du photographe ne repose plus, ou plus uniquement sur les formes plastiques du corps : l'essentiel tient dans ce qu'il fait, dans ce qu'il représente et à quoi il fait référence.
Pornographie/pornographique , n: f. et adj., pornography/pornographic - Du grec porné, « prostituée », et graphein, « écrire ».
Familièrement abrégé en « porno ».
Termes renvoyant à un ensemble de pratiques de représentations d'actes sexuels crus, voire obscènes, destinées à exciter et stimuler la libido du spectateur. La pornographie emprunte tous les moyens d'expression : littérature, dessin, peinture, cinéma, vidéo, Internet. C'est une pratique très ancienne : on peut observer des scènes pornographiques peintes sur certains murs de Pompéi (fondée au VIe siècle av. J.-C., ensevelie par une éruption du Vésuve en 79 apr. J.-C.), et l'on sait la notoriété des « images du monde flottant » dans le Japon des XVIIe et XVIIIe siècles. De grands artistes de l'image s'y sont essayés (Eisenstein, avec ses dessins) ou ont été taxés, de par l'audace de certaines de leurs œuvres, de pornographie (Courbet). De fait la distinction entre érotisme et pornographie n'est guère facile à établir. Elle conditionne pourtant l'appartenance des œuvres à la sphère de l'art ou à celle du commerce, aux domaines de ce qu'il est acceptable de montrer et de ce que l'on doit cacher, voire interdire. Mais les limites de ce qui est représentable, s'agissant de la sexualité, varient beaucoup en fonction des contextes socioculturels et de la permissivité des mœurs. C'est ainsi que certaines œuvres sont régulièrement venues remettre en question ces limites, tels Le Déjeuner sur l'herbe de Manet (1862) ou L'Empire des sens d'Oshima (1976).
[…] C'est généralement la représentation d'actes sexuels non simulés, directs, sans «alibi», c'est-à-dire non associés à des éléments esthétiques - histoire, composition plastique - ou sentimentaux - amour -, et clairement destinée à provoquer l'excitation du sujet-spectateur, que l'on reconnaît comme pornographique.
Mais les pornographes sont parfois rattrapés par le talent ou le goût de la beauté. La pornographie associe le besoin et le plaisir sexuels à sa représentation, notamment par l'image, et confronte ainsi le spectateur à ses pulsions scopiques, ce pour quoi sans doute elle est objet de fascination et de répulsion.
Érotisme, érotique , n. m. et adj., eroticism (n.), erotie (adj.) - Du grec erôtikos, « qui concerne l'amour » (erôs). L'image érotique concerne tout ce qui est représentation et expression de l'amour, si l'on s'en tient au sens étymologique et général du terme. Toutefois ce sens s'est circonscrit aux manifestations physiques, sensuelles et sexuelles du désir amoureux. Raison pour laquelle l'image érotique est tout à la fois objet d'attirance et de rejet. La valeur érotique d'une image peut être également fonction de l'intentionnalité de son ou de ses auteurs, ou des projections du spectateur.
[…]
Par ailleurs, la frontière entre érotisme et pornographie est l'objet de débats toujours renouvelés.
L'érotisme, est-ce le corps nu ou le « vêtement qui bâille » (Roland Barthes), la représentation directe ou la suggestion, le plaisir et les joies de l'amour ou « l'approbation de la vie jusque dans la mort » (Georges Bataille) ? L'image érotique, ce sont tout aussi bien les nombreux avatars de Vénus et Cupidon, les pastorales de Boucher, les « êtes galantes de Watteau, que des Judith ou des Salomé tenant en main les têtes coupées de leurs victimes, ou les accouplements délétères d'un Otto Dix... autrement dit: « 'élan vital et joyeux du désir, les liens du sexe et de la mort, la fascination et l'effroi (Quignard, 1994).
L'érotisme, c'est un ensemble de motifs et d'obsessions visuelles, un argument de vente, l'impulsion première de l'art. Il se manifeste dans la représentation de scènes de séductions, de contacts corporels, dans la fétichisation de certaines parties du corps, dans l'art de la suggestion contenue dans tel ou tel objet (fleur, fruit, train pénétrant dans un tunnel...). Il innerve la publicité, le cinéma, les arts plastiques.
D’autres dictionnaires vous apporteront des exemples complémentaires :
Dictionnaire mondial des images / sous la direction de Laurent Gervereau
Dictionnaire de la peinture / dir. Michel Laclotte, Jean-Pierre Cuzin; collab. Arnaud Pierre
Ce dictionnaire signale l’importance du «nu académique » en peinture ou en sculpture qui est un équivalent du « nu artistique » en photo :
« Il faut insister sur le fait que, en français au moins, « académie » est synonyme de « nu ».
C'est au XVIIe S. que l'enseignement de la peinture se constitue, sous l'égide des académies, selon des règles qui demeureront immuables jusqu'à la fin du XIXe siècle. Étudier la nature, cela veut dire étudier le corps humain.
Dans la seconde moitié du XVIIIe s., d'abord des écrivains et des critiques, puis des artistes commencent à s'insurger contre les conventions de leur temps ; cette réprobation prend fréquemment un caractère moral, et, quand Diderot se plaint d'avoir assez vu de tétons et de fesses et réclame que les peintres élèvent son esprit vers des pensées plus hautes, c'est précisément le nu,
Et notamment le nu galant de Boucher et de Fragonard qui est en cause. »
Concenant la problématique de l'art et de la pornographie, certains ouvrages sont à découvrir :
La pornographie : une idée fixe de la photographie / Alain Fleischer
L’auteur, écrivain et photographe, analyse de manière sensible et sans hypocrisie les images pornographiques, dans ses caractéristiques et ses usages.
Mauvais genre(s) : érotisme, pornographie, art contemporain / Dominique Baqué
Le livre examine les jeux d’échange, toujours plus nombreux, entre érotisme et pornographie, et les nouvelles figures de l’obscène dans l’art contemporain.
Reconstitutions. (suivi de) Angoisse / Edouard Levé
Le photographe dans sa série « Pornographie » reprend les poses du genre pornographique, mais en utilisant des acteurs entièrement habillés.
Morceaux choisis / Bettina Rheims
Un tout petit livre où les images se situent sur la crête entre érotisme et pornographie.
Question : Faites-vous une différence entre érotisme et pornographie ? Considérez-vous cette dernière comme de l’art ?
Voici un florilège des réponses :
« « Si je fais une différence entre érotisme et pornographie ? » Vous rigolez ! « De l’art ? » Quel « art » Quoi « art » ? D’l’ »art » ? Il y a probablement plus de mauvais « art » qu’il n’y a de mauvais « cul. » Et puis il y a des gens qui en ont plein le cul de l’ « art » comme d’autres en ont plein l’ « art » du « cul. » Vous n’avez que ces mots-là à la bouche. Ayez-les ailleurs ! »
« Alors, la porno, c’est-y de l’art ou du cochon ? Soyons sérieux : la seule question serait de savoir comment l’ « art », si vous tenez au mot, se comporte face à l’extension spectaculaire de la représentation sexuelle « brute ». Ce qu’il est capable ou pas d’intégrer. »
« C’est dans une sex-shop que j’ai rencontré ma fiancée. Justement, ma fiancée, je l’ai abordé en lui posant votre question numéro quatre. Je dois dire que depuis on a pas mal couché ensemble mais qu’on n’a pas encore résolu le problème de savoir si la pornographie était moins artistique que l’érotisme, et réciproquement. C’est une question assez angoissante, à laquelle l’Académie Française devrait donner une réponse officielle pour éviter que l’opinion ne soit coupée en deux, comme pour Dreyfus ou la guerre d’Algérie. »
« De l’image érotique à l’image pornographique, la différence est objective : l’érotisme dévoile le sexe de la femme, la pornographie l’intérieur du sexe. Cette béance met l’homme en face de ce dont il est sorti, figure le trou où il finira, et montre à la limite, que la pornographie n’est rien, car si l’homme allait encore plus profond, il sortirait du trou, il sortirait de la pornographie. »
« Comme des tas de gens d’attachent à faire de la pornographie un art, il faut supposer que cette dernière est le produit d’une matière susceptible de subir, éventuellement, un traitement artistique. Cela dit, il me paraît évident qu’il y a une différence entre érotisme et pornographie : même réalité au départ, traitement généralement neutralisant pour l’érotisme, traitement plu brutal et plus réaliste pour la pornographie.
A noter aussi et surtout que l’érotisme est une réalité en principe indépendante de toute représentation tandis que la pornographie ne peut être que représentation. »
« Même si je ne faisais pas de différence entre érotisme et pornographie, on la fait pour moi dans les discours (les pubs entre autres) sur cette question. Le critère de distinction est contenu dans votre question : est-ce de l’art ou pas, sous- –entendu : l’érotisme en est mais pas la pornographie. »
« La différence qu’on a l’habitude de faire entre pornographie et érotisme – avec l’idée que l’érotisme c’est quelque chose de noble, d’aristocratique, alors que la porno est associée à la vulgarité – c’est une différence que je refuse ; elle correspond à des notions de bon et de mauvais goût, donc à des notions culturelles, donc à des notions de classe. »
« … On ne peut pas être plus pour ou contre la pornographie qu’on est pour ou contre le réel, c’est de ce point de vue que tous les enjeux et options politiques sur la pornographie prennent sens. »
« L’érotisme (au sens courant) c’est le règne de la dentelle, de la jarretelle ; du vieux caleçon, c’est l’allusif, le chuchotis, le triomphe du fétiche, l’évocateur, le pas-dit, l’usine à fantasmes, le truqué, la vieillerie formelle, la prétention esthétisante, le message alambiqué, faux. La pornographie, c’est le contraire. Effet de décrassage assuré. »
Sur le site echolalie, vous trouverez d’autres citations sur la pornographie.
Si l’on en croit le Trésor de la Langue Française informatisé, l’expression «
Effectivement dans le domaine des beaux-arts ; de la peinture ou de la sculpture, on emploie plutôt le mot
Toujours dans le même dictionnaire, on relève pour le mot nudité :
A. [En parlant d'une pers. ou d'une partie du corps]
1. [En parlant d'une pers.]
a) État d'une personne qui est entièrement nue.
[…]
BEAUX-ARTS, PHOT. Représentation picturale, sculpturale ou photographique d'un modèle (posant) nu. Synon. nu2 Prononc. et Orth.: [nydite]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) ) Ca 1350 «état d'une personne nue ou d'une partie nue du corps» (GILLES LE MUISIT, Poésies, I, 276 et II, 35 ds T.-L.); ) 1687 [éd.] plur. «parties nues ou presque nues du corps humain qui sont ordinairement couvertes» (FÉNELON, Educations des filles, p.207: Ayez donc horreur des nuditez de gorge et de toutes les autres immodesties); b) 1651 [éd.] peint. (CORNEILLE, Andromède, Argument, p.IX: Les Peintres qui cherchent à faire paroistre leur Art dans les nuditez, ne manquent jamais à nous représenter Andromede nuë)
A. Vx. Traité, étude sur la prostitution. (Dict.XIXe et XXes.).
B. 1. Représentation (sous forme d'écrits, de dessins, de peintures, de photos, de spectacles, etc.) de choses obscènes, sans préoccupation artistique et avec l'intention délibérée de provoquer l'excitation sexuelle du public auquel elles sont destinées.
2. Caractère obscène d'une oeuvre d'art ou littéraire.
OBSCÈNE, adj.
A. Qui offense ouvertement la pudeur dans le domaine de la sexualité. Synon. fam. cochon, dégoûtant, dégueulasse (vulg.), graveleux, sale.
…SYNT. Chanson, couplet, dessin, film, graffiti, gravure, idée, image, livre, plaisanterie, photographie obscène; propositions obscènes.
Rem. Dans la lang. contemp. on emploie plus volontiers pornographique en parlant d'un écrit, d'une photographie, d'un film.
A. 1. Disposition, propension à se retenir de montrer, d'observer, de faire état de certaines parties de son corps, principalement celles de nature sexuelle, ou de montrer, d'observer, de faire état de choses considérées comme étant plus ou moins directement d'ordre sexuel; attitude de quelqu'un qui manifeste une telle disposition.
3. En partic., domaine de l'expression (notamment artistique, littér.; parfois avec une connotation péj.)
a) [En parlant d'un artiste] Qui traite de l'amour charnel et (peut) incite(r) à la volupté. Lequel, entre nos poètes érotiques, y compris les chevaliers de Bertin et de Parny, a jamais rendu la chaleur âpre et le délire cuisant de la jouissance en traits plus saisissants que Jacques Tahureau du Mans, dans ce « baiser » tout de flamme? (SAINTE-BEUVE, Tabl. poésie fr., 1828, p. 95).
b) [En parlant d'un mode d'expression, d'une œuvre, etc.] Qui a l'amour charnel pour thème, pour inspiration et qui (peut) incite(r) à la recherche du plaisir physique. Livre, vers érotique(s). Fadeurs érotiques (AMIEL, Journal, 1866, p. 375). Les peintures érotiques mangées par le temps (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1515). Le motif du rêve gracieux, fréquemment érotique (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 156).
Pour trouver des définitions appliquées au plus près du domaine de l’art, nous pouvons consulter le Dictionnaire de l’image / ouvrage dirigé par Françoise Juhel ; coordination scientifique Francis Vanoye; Anne Goliot-Lété,...Martine Joly,...Thierry Lancien,...[et al.] :
Un article de 3 p. est consacré au nu dans l’art occidental, peinture ou sculpture, et aussi photographie, qui résume bien l’histoire du genre, avec ses évolutions jusqu’à nos jours :
«
Du latin nudus « dévêtu, dénudé, dépouillé de quelque chose », l'adjectif substantivé désigne, dans les arts, depuis le XVIIe siècle, la représentation du corps humain nu. Le nu est un des fondements de l'art occidental, de l'âge préhistorique à nos jours, tout en y tenant une place aux valeurs changeantes. Pour les Grecs anciens, le culte de la nudité totale a d'abord concerné le corps masculin, et manifestait une corrélation entre le physique et le psychique, la perfection du corps révélant la perfection de l'esprit. Le nu féminin, entre Vénus et Ève, oscillera entre pure beauté fondatrice et femme pécheresse, divinité céleste et divinité terrienne.
L'iconologie chrétienne et le Moyen Âge vêtiront les corps des héros et des saints, car le nu médiéval est impudique, jusqu'à la Renaissance où le thème de la beauté des corps nus, masculins et féminins, sera repris (le David de Michel-Ange, La Naissance de Vénus de Botticelli), renversant la luxure en innocence, l'innocence de la ligne dans un corps maternel ou virginal.
[…]
Photographie. Le nu renvoie au début du xx- siècle à deux modèles : le corps placé devant l'appareil et le genre artistique hérité de la peinture (surtout) et de la sculpture. Pour être montré publiquement sans scandale, le nu photographié, partie intégrante de l'histoire de l'érotisme, se devait d'avoir une dimension artistique.
Le nu féminin est privilégié, avec l'avantage des formes considérées comme plus harmonieuses. Les adeptes du pictorialisme s'appuient sur l'héritage de la peinture (en particulier l'impressionnisme), et multiplient les effets : flou, éclairage élaboré et interventions à même le tirage (dans le souci de mettre à distance un certain réalisme). Les poses restent pudiques, le corps se devine plus qu'il ne se montre (Steichen, Demachy).
[…]
Robert Mapplethorpe s'intéresse au nu, qu'il travaille en studio, en noir et blanc : son style très classique et sobre, à la technique parfaite, contraste avec un rapport au corps qui peut être pornographique ou sculptural, notamment avec la championne de culturisme Lisa Lyon (1980). Cette série est à rapprocher de celle d'Helmut Newton
(Grands nus, 1980). Le nu fait place au corps extrême avec une interrogation posée sur nos préjugés et stéréotypes, comme sur la pornographie (Jan Saudek, Andres Serrano, le groupe français Noir limite). On recycle des images pornographiques (Thomas Ruff sur ordinateur) ; Alain Fleischer projette de nuit des images X à partir de chambres d'hôtel qu'il occupe dans les grandes villes européennes.
La photographie s'inscrit comme expérience dans le sillage d'un journal intime où la sexualité n'est jamais loin de la mort - ou de la pulsion de mort (Larry Clark, Nobuyoshi Araki, Nan Goldin, Antoine d'Agata, Joël-Peter Witkin).
[…]
En tant que genre, le nu s'est déplacé, l'étude de nu a disparu, et c'est la notion même de nu qui est remise en cause au profit du « corps », terme générique qui traverse aujourd'hui la photographie contemporaine. Le corps n'est plus pensé comme objet de contemplation (« corps objet » 1910-1940). Désormais, l'intérêt du photographe ne repose plus, ou plus uniquement sur les formes plastiques du corps : l'essentiel tient dans ce qu'il fait, dans ce qu'il représente et à quoi il fait référence.
Familièrement abrégé en « porno ».
Termes renvoyant à un ensemble de pratiques de représentations d'actes sexuels crus, voire obscènes, destinées à exciter et stimuler la libido du spectateur. La pornographie emprunte tous les moyens d'expression : littérature, dessin, peinture, cinéma, vidéo, Internet. C'est une pratique très ancienne : on peut observer des scènes pornographiques peintes sur certains murs de Pompéi (fondée au VIe siècle av. J.-C., ensevelie par une éruption du Vésuve en 79 apr. J.-C.), et l'on sait la notoriété des « images du monde flottant » dans le Japon des XVIIe et XVIIIe siècles. De grands artistes de l'image s'y sont essayés (Eisenstein, avec ses dessins) ou ont été taxés, de par l'audace de certaines de leurs œuvres, de pornographie (Courbet). De fait la distinction entre érotisme et pornographie n'est guère facile à établir. Elle conditionne pourtant l'appartenance des œuvres à la sphère de l'art ou à celle du commerce, aux domaines de ce qu'il est acceptable de montrer et de ce que l'on doit cacher, voire interdire. Mais les limites de ce qui est représentable, s'agissant de la sexualité, varient beaucoup en fonction des contextes socioculturels et de la permissivité des mœurs. C'est ainsi que certaines œuvres sont régulièrement venues remettre en question ces limites, tels Le Déjeuner sur l'herbe de Manet (1862) ou L'Empire des sens d'Oshima (1976).
[…] C'est généralement la représentation d'actes sexuels non simulés, directs, sans «alibi», c'est-à-dire non associés à des éléments esthétiques - histoire, composition plastique - ou sentimentaux - amour -, et clairement destinée à provoquer l'excitation du sujet-spectateur, que l'on reconnaît comme pornographique.
Mais les pornographes sont parfois rattrapés par le talent ou le goût de la beauté. La pornographie associe le besoin et le plaisir sexuels à sa représentation, notamment par l'image, et confronte ainsi le spectateur à ses pulsions scopiques, ce pour quoi sans doute elle est objet de fascination et de répulsion.
[…]
Par ailleurs, la frontière entre érotisme et pornographie est l'objet de débats toujours renouvelés.
L'érotisme, est-ce le corps nu ou le « vêtement qui bâille » (Roland Barthes), la représentation directe ou la suggestion, le plaisir et les joies de l'amour ou « l'approbation de la vie jusque dans la mort » (Georges Bataille) ? L'image érotique, ce sont tout aussi bien les nombreux avatars de Vénus et Cupidon, les pastorales de Boucher, les « êtes galantes de Watteau, que des Judith ou des Salomé tenant en main les têtes coupées de leurs victimes, ou les accouplements délétères d'un Otto Dix... autrement dit: « 'élan vital et joyeux du désir, les liens du sexe et de la mort, la fascination et l'effroi (Quignard, 1994).
L'érotisme, c'est un ensemble de motifs et d'obsessions visuelles, un argument de vente, l'impulsion première de l'art. Il se manifeste dans la représentation de scènes de séductions, de contacts corporels, dans la fétichisation de certaines parties du corps, dans l'art de la suggestion contenue dans tel ou tel objet (fleur, fruit, train pénétrant dans un tunnel...). Il innerve la publicité, le cinéma, les arts plastiques.
D’autres dictionnaires vous apporteront des exemples complémentaires :
Dictionnaire mondial des images / sous la direction de Laurent Gervereau
Dictionnaire de la peinture / dir. Michel Laclotte, Jean-Pierre Cuzin; collab. Arnaud Pierre
Ce dictionnaire signale l’importance du «
« Il faut insister sur le fait que, en français au moins, « académie » est synonyme de « nu ».
C'est au XVIIe S. que l'enseignement de la peinture se constitue, sous l'égide des académies, selon des règles qui demeureront immuables jusqu'à la fin du XIXe siècle. Étudier la nature, cela veut dire étudier le corps humain.
Dans la seconde moitié du XVIIIe s., d'abord des écrivains et des critiques, puis des artistes commencent à s'insurger contre les conventions de leur temps ; cette réprobation prend fréquemment un caractère moral, et, quand Diderot se plaint d'avoir assez vu de tétons et de fesses et réclame que les peintres élèvent son esprit vers des pensées plus hautes, c'est précisément le nu,
Et notamment le nu galant de Boucher et de Fragonard qui est en cause. »
Concenant la problématique de l'art et de la pornographie, certains ouvrages sont à découvrir :
La pornographie : une idée fixe de la photographie / Alain Fleischer
L’auteur, écrivain et photographe, analyse de manière sensible et sans hypocrisie les images pornographiques, dans ses caractéristiques et ses usages.
Mauvais genre(s) : érotisme, pornographie, art contemporain / Dominique Baqué
Le livre examine les jeux d’échange, toujours plus nombreux, entre érotisme et pornographie, et les nouvelles figures de l’obscène dans l’art contemporain.
Reconstitutions. (suivi de) Angoisse / Edouard Levé
Le photographe dans sa série « Pornographie » reprend les poses du genre pornographique, mais en utilisant des acteurs entièrement habillés.
Morceaux choisis / Bettina Rheims
Un tout petit livre où les images se situent sur la crête entre érotisme et pornographie.
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