Question d'origine :
La politique menée par la suisse discrimine-t- elle les étrangers ?
Commentaire de
argali :
Publié le 14/02/2013 à 16:19
Les discours menés par les hommes politiques autrichiens sont ils xénophobes ?
Commentaire de
argali :
Publié le 14/02/2013 à 16:20
La politique menée par le Royaume -Unis est elle discriminatoire vis -à-vis de certaines personnes ?
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 15/02/2013 à 10h25
Bonjour,
Nous nous pencherons plus globalement sur la discrimination et la montée en Europe de la « xénophobie » pour vous vous apporter une réponse plus spécifique en fonction de chacun de ces pays.
Pour commencer, la Commission Européenne veille et s’attache à ce qu’une véritable politique européenne soit menée contre les discriminations. Ainsi, après avoir légiféré en 1997 sur la discrimination sexiste, la législation européenne a étendu en 1998 l’application de la lutte antidiscrimination à tous les mobiles attestés, dont en particulier "la race et l’origine ethnique" (nouvel article 13 introduit par le traité d’Amsterdam dans le Traité instituant la Communauté européenne). La Commission européenne a
soumis aux États membres de l’Union deux directives européennes ainsi qu’un programme d’action communautaire contre les discriminations. Les trois volets de ce "paquet antidiscrimination" ont été adoptés par le Conseil de l’Union européenne en 2000.
Source : millénaire.com .
Cela ne veut pas dire pour autant que la discrimination soit totalement absente en Europe, bien au contraire. Pour la troisième année consécutive, l’Eurobaromètre sur les discriminations propose un état des lieux de la perception des discriminations en Europe. Une telle évaluation est proposée selon cinq critères, à savoir le sexe, l’origine ethnique, la religion ou les convictions, l’âge, le handicap et enfin l’orientation sexuelle. Ce même rapport propose une comparaison entre les États-membres de l’UE. Cette étude est donc déclarative et s’appuie sur des sondages : 26 756 personnes ont été questionnées, soit environ 1 000 individus par pays, excepté pour les petits pays comme le Luxembourg, où la population recensée a été réduite de moitié. Cet échantillon représente l’ensemble du territoire des pays participant à l’étude, ainsi que la distribution de leur population entre zones urbaines et rurales notamment.
Dans cette étude 16 % des Européens s’estimaient victimes de discriminations en 2009. 26 % considéraient en avoir été témoins et 20 % des personnes interrogées au Royaume-Uni déclaraient avoir subi une discrimination dont 58 % en raison de l’origine ethnique
Qu’en est-il réellement aujourd’hui ?
Une dépêche de l’AFP du 03.05.2012 reprise sur lemonde.fr notait une montée des discours xénophobes :
La crise économique favorise l'augmentation du racisme et e la xénophobie, estime dans un rapport, jeudi 3 mai, l'organe de lutte contre le racisme du Conseil de l'Europe, qui appelle les Etats européens à "agir" contre la banalisation du discours hostile aux immigrés. "La réduction des prestations sociales, la diminution des offres d'emploi et l'augmentation conséquente de l'intolérance à l'égard des groupes d'immigrés et des minorités historiques" sont les "tendances inquiétantes" constatées par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) dans son rapport annuel 2011.
(…)
le discours xénophobe "s'est généralisé ces dix dernières années, étant de plus en plus accepté par la société", affirme l'ECRI. Elle évoque "le ton du débat politique" dans certains pays où "l'immigration rime avec l'insécurité, les migrants en situation irrégulière, les demandeurs d'asile et les réfugiés 'volent les emplois' ou risquent 'de faire chavirer notre système de protection sociale' tandis que les musulmans 'sont incapables de s'intégrer dans les sociétés occidentales'".
Penchons nous brièvement sur la situation au Royaume-Uni en Autriche et en Suisse.
Royaume Uni
Le Royaume-Uni a été l'un des premiers États membres de l'UE à mettre en place une législation contre la discrimination raciale, et le cadre législatif britannique reste le plus important parmi les États membres. Une série de Race Relations Acts (1965, 1968, 1976, et en 1997 le Race
Relations Northern Irland Order) a cherché à assurer l’égalité des opportunités entre les populations immigrantes et les nationaux britanniques. Le Race Relations Act (RRA) de 1976 (amendé en 2000), principal instrument de ce dispositif, interdit la discrimination pour des motifs raciaux, définis comme liés à "la couleur, la race, la nationalité, ou
l'origine ethnique ou nationale". Au titre de cette loi, toute discrimination tant directe
(…)
La loi a également mis en place la Commission pour l'égalité entre les races (CRE), qui a pour mission d'œuvrer pour supprimer la discrimination, de promouvoir l'égalité des chances et les bonnes relations entre personnes de différentes races, et de contrôler la mise en oeuvre de la loi. Il existe toute une série de mesures d'information et
d'orientation à l'intention des employeurs adoptant des politiques d'égalité raciale. S'il n'existe pas de preuves absolues de l'impact de ces initiatives, une étude menée en 1993-1994 par le CRE indique que 90 % des entreprises de plus de 7 000 salariés ont une politique d'égalité ethnique.
Cette législation ne peut enrayer les pratiques discriminatoires quotidiennes. Des statistiques récentes montrent qu'environ 2 000 infractions à la loi sont enregistrées chaque année auprès des tribunaux du travail, l'employeur étant condamné dans 6 à 10 % des cas.
Source : millénaire.com
Autriche
Parmi les pays de l’Union européenne qui ont fait l’objet de l’enquête, seules l’Autriche, l’Allemagne et l’Espagne abordent spécifiquement la discrimination multiple dans leur législation.La loi autrichienne sur l’égalité de traitement devant le handicap stipule bien que les autorités sont libres de prendre en compte toute discrimination multiple lors de l’évaluation des montants des dommages-intérêts mais n’aborde la discrimination multiple dans aucune autre de
ses dispositions (...) Parmi les différentes législations en vigueur dans les États membres de l’Union européenne, seules les législations autrichienne, allemande et roumaine comportent donc des dispositions spécifiques sur la manière de traiter la discrimination multiple.
Source : Lutte contre la discrimination multiple: pratiques, politiques et lois
Il importe néanmoins de modérer ce constat avec l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. De premières recherches à partir de la base de données Europresse disponible dans les bibliothèques du réseau BML ou accessible à distance grâce à votre numéro d’abonné vous permettra de suivre toutes ces « tribulations ». Sans faire une revue de presse, voici une première sélection d’articles qui devrait vous permettre de vous faire une idée :
« Une immigration sans perspective d'intégration. Xénophobie à l'autrichienne », Le Monde diplomatique, Octobre 1998 :
Au jeu des comparaisons en Europe, l'Autriche ne cesse d'étonner par son particularisme. Avec une proportion de résidents étrangers parmi les plus élevées des Quinze (9 % de la population), elle enregistre un taux de chômage exceptionnellement faible de 4,4 % dans un continent depuis longtemps habitué à la barre des 10 %. D'autre part, alors que tensions sociales et violences racistes se développent dans la plupart des pays de l'Union, on n'en voit nulle trace de ce côté-ci des Alpes (…) Après avoir longtemps été un modèle de partenariat social, l'Autriche serait-elle devenue une figure exemplaire d'harmonie communautaire? On pourrait le croire, si un parti de droite nationaliste et xénophobe, le Parti libéral autrichien (Freiheitliche Partei Österreichs, FPÖ) de M. Jörg Haider, ne rassemblait pas 22 % des électeurs .
(…)
Prise de court par la soudaineté des événements, harcelée à droite par un FPÖ bien décidé à exploiter les fantasmes d'invasion, mais aussi à gauche par la puissante Fédération des syndicats autrichiens (ÖGB), réticente à l'égard de toute immigration, la coalition au pouvoir (4) chercha à réagir rapidement. Elle prit une série de mesures, souvent plus spectaculaires qu'efficaces: rétablissement des visas, déploiement de 2 000 militaires le long des frontières, procédure accélérée et restrictive pour les demandes d'asile.
Parallèlement, elle s'attacha à adapter la législation existante. Ainsi le Parlement a voté, en juin 1992, une loi sur le droit d'asile intégrant la fameuse clause du "pays tiers": est refusée toute personne qui, avant d'entrer en Autriche, a traversé un Etat réputé démocratique. Quant à la loi sur l'entrée et le séjour des étrangers (janvier-juillet 1993), ce fut la première en Europe à fixer des quotas annuels d'immigration en fonction des besoins du marché: 21 000 personnes la première année, 8 500 en 1998.
Et le texte impose aux étrangers installés depuis longtemps, pour le renouvellement de leur carte de séjour, les mêmes conditions draconiennes que pour une première obtention (…) Si cette évolution restrictive et discriminatoire de la loi a pu se développer de façon consensuelle au sein de la classe politique, sans provoquer de réactions de la part de la société, c'est que cette dernière partageait largement l'avis de ses représentants. "La xénophobie est un sentiment commun à presque tous les Autrichiens, commente, attristé, M. Nikolaus Kunrath, secrétaire général de SOS Mitmensch (SOS - Notre prochain), plate-forme de lutte contre toute forme d'exclusion….
La situation a-t-elle alors évoluée ?
« L'extrême droite s'ancre dans le paysage politique. En Autriche, l'amer bilan des années Haider », par Pierre Daum, Le Monde diplomatique, Juillet 2009 :
Klagenfurt, samedi 18 octobre 2008. Sur la place centrale de la capitale de la Carinthie, vingt-cinq mille personnes venues de tout le pays attendent en silence le transfert de la dépouille du dirigeant de l'extrême droite autrichienne et gouverneur de la région, Jörg Haider, mort quelques jours plus tôt dans un accident automobile (1). Une impressionnante piété traverse la foule(…) Au premier rang, aucun des hommes politiques autrichiens ne manque à l'appel. Parmi eux, M. Heinz Fischer, président de la République et membre du Parti social-démocrate autrichien (SPÖ), le chancelier Alfred Gusenbauer (SPÖ), tous les ministres du gouvernement, ainsi que les dirigeants de tous les partis. " De véritables funérailles nationales ", admet M. Gusenbauer, qui réclama même de prendre la parole, alors que rien ne l'y obligeait (2).
Et tout cela pour un homme qui, lors d'un débat au Parlement de Carinthie, le 13 juin 1991, vanta la " politique de l'emploi bien menée " du IIIe Reich. Qui, à l'occasion d'un rassemblement, à Krumpendorf, le 30 septembre 1995, exprima son admiration pour les vétérans des Waffen-SS, " ces hommes intègres, restés fidèles jusqu'à aujourd'hui à leurs convictions, malgré les vents contraires ". Qui introduisit la xénophobie dans les campagnes politiques, avec des slogans comme Stop der Überfremdung ! - " Stop au déferlement d'étrangers ! " -, le mot Überfremdung renvoyant directement au vocabulaire nazi. Quelques jours avant sa mort, il enferma des demandeurs d'asile dans un centre isolé au milieu des alpages, et gardé par des milices privées, sous prétexte que certains d'entre eux étaient soupçonnés de délits mineurs
(…)
Résultat : aux élections de 2002, les ouvriers et petits employés, qui avaient constitué les gros bastions des électeurs du FPÖ trois ans plus tôt, exprimèrent leur déception. Le FPÖ dégringola à 10 %, l'ÖVP bondit à 42 %, et M. Schüssel exulta. Trois mois plus tard, il reconduisait sa coalition avec le FPÖ, puis avec l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ), le nouveau parti de Haider, permettant ainsi à l'extrême droite de siéger, au total, sept années.
Le pari raté du gouvernement de M. Schüssel
Aux élections d'octobre 2006, celle-ci reprit quelques couleurs (11 % pour le FPÖ et 4 % pour le BZÖ, soit 15 %). Son retour sur les bancs de l'opposition, en janvier 2007, lors du gouvernement de coalition rouge-noirmené par M. Gusenbauer, lui permit de reconstituer toutes ses forces. Et même d'en trouver de nouvelles : aux élections de septembre 2008, l'extrême droite (FPÖ + BZÖ) obtint 28,2 % des voix, dépassant le score historique de 1999 ! La " stratégie " de M. Schüssel semble avoir complètement échoué
(…)
Pendant toutes ces années, non seulement l'extrême droite n'a pas modéré son discours raciste, mais les autres partis se sont peu à peu laissé entraîner sur le même terrain. Chez les sociaux-démocrates, qui avaient tant dénoncé en février 2000 le " pacte de la honte " de M. Schüssel avec le FPÖ, tout le monde, ou presque, envisage aujourd'hui sans sourciller l'éventualité d'une alliance rouge (SPÖ) - bleue (FPÖ) aux prochaines élections régionales. " Même les Verts, jusque-là épargnés, donnent des signes de vacillement ", soutient le philosophe viennois Oliver Marchart, pour qui " une des conséquences les plus perceptibles de février 2000 est l'infiltration lente mais inexorable du racisme dans le discours public ". Récemment, à Linz, un des élus Verts a repris à son compte l'exigence de l'extrême droite d'" expulser immédiatement et sans exception tous les demandeurs d'asile déboutés ". Après débat, la direction du parti a décidé de soutenir son élu - et sa revendication.
Suisse
Comme l’explique Rosita Fibbi dans son article La discrimination : une frontière par rapport à l’intégration publié dans Sociologies en 2010, avec 1,5 million de personnes, les étrangers représentent le cinquième de la population résidente en Suisse, la proportion la plus élevée en Europe, après le Luxembourg, bien avant l’Allemagne (8,9 % en 2001) ou la France (5,6 %). Par ailleurs, le fait que 23 % de ses habitants soient nés à l’étranger confirme que la Suisse est un véritable pays d’immigration.
Quelle politique est alors menée ? existe-t-il en Suisse des discriminations ?
Sur la Plateforme d'information humanrights.ch qui publie de nombreuses études et rapports sur la discrimination et consacre une rubrique aux droits humains dans la législation, il est ainsi expliqué que la législation suisse en matière de discrimination raciale est par exemple mentionnée dans trois endroits différents (cf. points 93, 126, 263). Si on lit les trois passages ensemble, on a l’impression que le Conseil fédéral défend le point de vue selon lequel les bases juridiques actuelles suffisent à protéger contre les discriminations. Or, il reconnaît que peu de procès pour discrimination sont intentés. «La voie juridique semble rebuter nombre de personnes concernées car les risques et les coûts sont trop élevés comparativement à l’utilité effective d’un succès devant les tribunaux,» explique-t-il.
Au paragraphe 126 du rapport, sont répertoriées différentes dispositions du droit suisse qui peuvent être utiles contre les discriminations (il est fait mention par exemple de la loi sur l’égalité entre hommes et femmes, qui concerne les discriminations en raison du sexe et qui n’est en fait pas utile en ce qui concerne les discriminations raciales). Au point 264, on apprend que, effectivement, la Suisse ne dispose pas d’une législation nationale destinée à lutter contre les discriminations raciales au niveau fédéral. Selon le rapport, cette particularité n’est pas tant l’expression d’une lacune quant au fond, mais celle de la spécificité de l’ordre juridique suisse. Quelques lignes plus loin, au paragraphe 266, les auteurs du document ajoutent: «La mise en place du dispositif législatif complet de lutte contre la discrimination au niveau national que réclament la CFR et de nombreuses ONG se heurte actuellement à un manque de volonté politique.»
Finalement, le rapport évoque le fait que la Confédération planifie une étude «afin de mieux appréhender les mécanismes qui font obstacle à l’accès à la justice.» Un tel mandat est actuellement en consultation.
Dans un même temps, le lundi 29 octobre 2012, Le Temps rapporte que la Suisse peut faire mieux dans la lutte contre la xénophobie.
Plusieurs pays ont demandé lundi à la Suisse, devant le Conseil des droits de l'homme, des mesures supplémentaires en matière de droits humains. Berne peut faire davantage pour lutter contre la discrimination raciale, la xénophobie et pour renforcer l'égalité entre hommes et femmes sur le marché du travail.
Le conseiller fédéral Didier Burkhalter a présenté lundi à Genève devant le Conseil des droits de l'homme le rapport global de la Suisse en matière de droits humains. Lors du débat public qui s'est ensuivi, plusieurs Etats, en particulier africains, se sont inquiétés de «la montée du racisme, de l'intolérance et de la xénophobie» en Suisse (…) Des mesures plus fermes contre la traite des êtres humains, des femmes et des mineurs en particulier, sont revenues souvent dans les recommandations. Le recours disproportionné à la force de la part des forces de police, le traitement des demandes d'asile, dont la détention des mineurs non accompagnés, les discriminations visant les femmes migrantes ont également été critiqués.
Interdiction des minarets
La Pakistan est revenu sur la votation, fin 2009, sur l'interdiction de la construction de nouveaux minarets. Il a demandé l'adoption d'un texte de loi interdisant les activités de toutes les organisations prônant le racisme. La Turquie a demandé la levée de l'interdiction de nouveaux minarets, une décision populaire regrettée également par les Etats-Unis et la Norvège.
De nombreux pays, comme les Pays-Bas et l'Espagne, ont dénoncé les inégalités persistantes sur le marché du travail et dans les postes de décision entre les hommes et les femmes. La Suisse doit lancer une stratégie nationale à cet égard, ont demandé les Pays-Bas.
Divers Etats ont également demandé que le Centre suisse de compétence pour les droits humains, opérationnel depuis 2011 et créé pour une durée pilote de cinq ans, soit transformé en une institution nationale indépendante des droits humains avec un large mandat. (… ) Interrogé lors d'une conférence de presse sur les nombreuses critiques dénonçant la montée de la xénophobie, Didier Burkhalter a affirmé qu'il ne faut pas exagérer et que ce n'est pas «un drame» en Suisse. «La crainte de la montée du racisme et de l'extrémisme existe un peu partout. Nous sommes conscients qu'il faut combattre ce danger, mais ce n'est pas un problème uniquement en Suisse », a dit le conseiller fédéral.
Nous vous laissons poursuivre les recherches en consultant les articles de presse via Ueropresse et en parcourant les études suivantes :
* Populismes : la pente fatale / Dominique Reynié, 2011.
* Etrangers : Une obsession européenne [Revue] : Xénophobie : Montée de l'extrême droite : Fermeture des frontières.../ Télérama, 2011.
* Rejet des exilés: le grand retournement du droit de l'asile / Jérôme Valluy, 2009.
* Racisme et xénophobie en Europe: une comparaison internationale / Philippe Bataille, Kristin Couper, Danilo Marturccelli... [et al.]; sous la dir. de Michel Wierviorka, 1994.
Nous nous pencherons plus globalement sur la discrimination et la montée en Europe de la « xénophobie » pour vous vous apporter une réponse plus spécifique en fonction de chacun de ces pays.
Pour commencer, la Commission Européenne veille et s’attache à ce qu’une véritable politique européenne soit menée contre les discriminations. Ainsi, après avoir légiféré en 1997 sur la discrimination sexiste, la législation européenne a étendu en 1998 l’application de la lutte antidiscrimination à tous les mobiles attestés, dont en particulier "la race et l’origine ethnique" (nouvel article 13 introduit par le traité d’Amsterdam dans le Traité instituant la Communauté européenne). La Commission européenne a
soumis aux États membres de l’Union deux directives européennes ainsi qu’un programme d’action communautaire contre les discriminations. Les trois volets de ce "paquet antidiscrimination" ont été adoptés par le Conseil de l’Union européenne en 2000.
Source : millénaire.com .
Cela ne veut pas dire pour autant que la discrimination soit totalement absente en Europe, bien au contraire. Pour la troisième année consécutive, l’Eurobaromètre sur les discriminations propose un état des lieux de la perception des discriminations en Europe. Une telle évaluation est proposée selon cinq critères, à savoir le sexe, l’origine ethnique, la religion ou les convictions, l’âge, le handicap et enfin l’orientation sexuelle. Ce même rapport propose une comparaison entre les États-membres de l’UE. Cette étude est donc déclarative et s’appuie sur des sondages : 26 756 personnes ont été questionnées, soit environ 1 000 individus par pays, excepté pour les petits pays comme le Luxembourg, où la population recensée a été réduite de moitié. Cet échantillon représente l’ensemble du territoire des pays participant à l’étude, ainsi que la distribution de leur population entre zones urbaines et rurales notamment.
Dans cette étude 16 % des Européens s’estimaient victimes de discriminations en 2009. 26 % considéraient en avoir été témoins et 20 % des personnes interrogées au Royaume-Uni déclaraient avoir subi une discrimination dont 58 % en raison de l’origine ethnique
Qu’en est-il réellement aujourd’hui ?
Une dépêche de l’AFP du 03.05.2012 reprise sur lemonde.fr notait une montée des discours xénophobes :
La crise économique favorise l'augmentation du racisme et e la xénophobie, estime dans un rapport, jeudi 3 mai, l'organe de lutte contre le racisme du Conseil de l'Europe, qui appelle les Etats européens à "agir" contre la banalisation du discours hostile aux immigrés. "La réduction des prestations sociales, la diminution des offres d'emploi et l'augmentation conséquente de l'intolérance à l'égard des groupes d'immigrés et des minorités historiques" sont les "tendances inquiétantes" constatées par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) dans son rapport annuel 2011.
(…)
le discours xénophobe "s'est généralisé ces dix dernières années, étant de plus en plus accepté par la société", affirme l'ECRI. Elle évoque "le ton du débat politique" dans certains pays où "l'immigration rime avec l'insécurité, les migrants en situation irrégulière, les demandeurs d'asile et les réfugiés 'volent les emplois' ou risquent 'de faire chavirer notre système de protection sociale' tandis que les musulmans 'sont incapables de s'intégrer dans les sociétés occidentales'".
Penchons nous brièvement sur la situation au Royaume-Uni en Autriche et en Suisse.
Le Royaume-Uni a été l'un des premiers États membres de l'UE à mettre en place une législation contre la discrimination raciale, et le cadre législatif britannique reste le plus important parmi les États membres. Une série de Race Relations Acts (1965, 1968, 1976, et en 1997 le Race
Relations Northern Irland Order) a cherché à assurer l’égalité des opportunités entre les populations immigrantes et les nationaux britanniques. Le Race Relations Act (RRA) de 1976 (amendé en 2000), principal instrument de ce dispositif, interdit la discrimination pour des motifs raciaux, définis comme liés à "la couleur, la race, la nationalité, ou
l'origine ethnique ou nationale". Au titre de cette loi, toute discrimination tant directe
(…)
La loi a également mis en place la Commission pour l'égalité entre les races (CRE), qui a pour mission d'œuvrer pour supprimer la discrimination, de promouvoir l'égalité des chances et les bonnes relations entre personnes de différentes races, et de contrôler la mise en oeuvre de la loi. Il existe toute une série de mesures d'information et
d'orientation à l'intention des employeurs adoptant des politiques d'égalité raciale. S'il n'existe pas de preuves absolues de l'impact de ces initiatives, une étude menée en 1993-1994 par le CRE indique que 90 % des entreprises de plus de 7 000 salariés ont une politique d'égalité ethnique.
Cette législation ne peut enrayer les pratiques discriminatoires quotidiennes. Des statistiques récentes montrent qu'environ 2 000 infractions à la loi sont enregistrées chaque année auprès des tribunaux du travail, l'employeur étant condamné dans 6 à 10 % des cas.
Source : millénaire.com
Parmi les pays de l’Union européenne qui ont fait l’objet de l’enquête, seules l’Autriche, l’Allemagne et l’Espagne abordent spécifiquement la discrimination multiple dans leur législation.La loi autrichienne sur l’égalité de traitement devant le handicap stipule bien que les autorités sont libres de prendre en compte toute discrimination multiple lors de l’évaluation des montants des dommages-intérêts mais n’aborde la discrimination multiple dans aucune autre de
ses dispositions (...) Parmi les différentes législations en vigueur dans les États membres de l’Union européenne, seules les législations autrichienne, allemande et roumaine comportent donc des dispositions spécifiques sur la manière de traiter la discrimination multiple.
Source : Lutte contre la discrimination multiple: pratiques, politiques et lois
Il importe néanmoins de modérer ce constat avec l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. De premières recherches à partir de la base de données Europresse disponible dans les bibliothèques du réseau BML ou accessible à distance grâce à votre numéro d’abonné vous permettra de suivre toutes ces « tribulations ». Sans faire une revue de presse, voici une première sélection d’articles qui devrait vous permettre de vous faire une idée :
« Une immigration sans perspective d'intégration. Xénophobie à l'autrichienne », Le Monde diplomatique, Octobre 1998 :
Au jeu des comparaisons en Europe, l'Autriche ne cesse d'étonner par son particularisme. Avec une proportion de résidents étrangers parmi les plus élevées des Quinze (9 % de la population), elle enregistre un taux de chômage exceptionnellement faible de 4,4 % dans un continent depuis longtemps habitué à la barre des 10 %. D'autre part, alors que tensions sociales et violences racistes se développent dans la plupart des pays de l'Union, on n'en voit nulle trace de ce côté-ci des Alpes (…) Après avoir longtemps été un modèle de partenariat social, l'Autriche serait-elle devenue une figure exemplaire d'harmonie communautaire? On pourrait le croire, si un parti de droite nationaliste et xénophobe, le Parti libéral autrichien (Freiheitliche Partei Österreichs, FPÖ) de M. Jörg Haider, ne rassemblait pas 22 % des électeurs .
(…)
Prise de court par la soudaineté des événements, harcelée à droite par un FPÖ bien décidé à exploiter les fantasmes d'invasion, mais aussi à gauche par la puissante Fédération des syndicats autrichiens (ÖGB), réticente à l'égard de toute immigration, la coalition au pouvoir (4) chercha à réagir rapidement. Elle prit une série de mesures, souvent plus spectaculaires qu'efficaces: rétablissement des visas, déploiement de 2 000 militaires le long des frontières, procédure accélérée et restrictive pour les demandes d'asile.
Parallèlement, elle s'attacha à adapter la législation existante. Ainsi le Parlement a voté, en juin 1992, une loi sur le droit d'asile intégrant la fameuse clause du "pays tiers": est refusée toute personne qui, avant d'entrer en Autriche, a traversé un Etat réputé démocratique. Quant à la loi sur l'entrée et le séjour des étrangers (janvier-juillet 1993), ce fut la première en Europe à fixer des quotas annuels d'immigration en fonction des besoins du marché: 21 000 personnes la première année, 8 500 en 1998.
Et le texte impose aux étrangers installés depuis longtemps, pour le renouvellement de leur carte de séjour, les mêmes conditions draconiennes que pour une première obtention (…) Si cette évolution restrictive et discriminatoire de la loi a pu se développer de façon consensuelle au sein de la classe politique, sans provoquer de réactions de la part de la société, c'est que cette dernière partageait largement l'avis de ses représentants. "La xénophobie est un sentiment commun à presque tous les Autrichiens, commente, attristé, M. Nikolaus Kunrath, secrétaire général de SOS Mitmensch (SOS - Notre prochain), plate-forme de lutte contre toute forme d'exclusion….
La situation a-t-elle alors évoluée ?
« L'extrême droite s'ancre dans le paysage politique. En Autriche, l'amer bilan des années Haider », par Pierre Daum, Le Monde diplomatique, Juillet 2009 :
Klagenfurt, samedi 18 octobre 2008. Sur la place centrale de la capitale de la Carinthie, vingt-cinq mille personnes venues de tout le pays attendent en silence le transfert de la dépouille du dirigeant de l'extrême droite autrichienne et gouverneur de la région, Jörg Haider, mort quelques jours plus tôt dans un accident automobile (1). Une impressionnante piété traverse la foule(…) Au premier rang, aucun des hommes politiques autrichiens ne manque à l'appel. Parmi eux, M. Heinz Fischer, président de la République et membre du Parti social-démocrate autrichien (SPÖ), le chancelier Alfred Gusenbauer (SPÖ), tous les ministres du gouvernement, ainsi que les dirigeants de tous les partis. " De véritables funérailles nationales ", admet M. Gusenbauer, qui réclama même de prendre la parole, alors que rien ne l'y obligeait (2).
Et tout cela pour un homme qui, lors d'un débat au Parlement de Carinthie, le 13 juin 1991, vanta la " politique de l'emploi bien menée " du IIIe Reich. Qui, à l'occasion d'un rassemblement, à Krumpendorf, le 30 septembre 1995, exprima son admiration pour les vétérans des Waffen-SS, " ces hommes intègres, restés fidèles jusqu'à aujourd'hui à leurs convictions, malgré les vents contraires ". Qui introduisit la xénophobie dans les campagnes politiques, avec des slogans comme Stop der Überfremdung ! - " Stop au déferlement d'étrangers ! " -, le mot Überfremdung renvoyant directement au vocabulaire nazi. Quelques jours avant sa mort, il enferma des demandeurs d'asile dans un centre isolé au milieu des alpages, et gardé par des milices privées, sous prétexte que certains d'entre eux étaient soupçonnés de délits mineurs
(…)
Résultat : aux élections de 2002, les ouvriers et petits employés, qui avaient constitué les gros bastions des électeurs du FPÖ trois ans plus tôt, exprimèrent leur déception. Le FPÖ dégringola à 10 %, l'ÖVP bondit à 42 %, et M. Schüssel exulta. Trois mois plus tard, il reconduisait sa coalition avec le FPÖ, puis avec l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ), le nouveau parti de Haider, permettant ainsi à l'extrême droite de siéger, au total, sept années.
Le pari raté du gouvernement de M. Schüssel
Aux élections d'octobre 2006, celle-ci reprit quelques couleurs (11 % pour le FPÖ et 4 % pour le BZÖ, soit 15 %). Son retour sur les bancs de l'opposition, en janvier 2007, lors du gouvernement de coalition rouge-noirmené par M. Gusenbauer, lui permit de reconstituer toutes ses forces. Et même d'en trouver de nouvelles : aux élections de septembre 2008, l'extrême droite (FPÖ + BZÖ) obtint 28,2 % des voix, dépassant le score historique de 1999 ! La " stratégie " de M. Schüssel semble avoir complètement échoué
(…)
Pendant toutes ces années, non seulement l'extrême droite n'a pas modéré son discours raciste, mais les autres partis se sont peu à peu laissé entraîner sur le même terrain. Chez les sociaux-démocrates, qui avaient tant dénoncé en février 2000 le " pacte de la honte " de M. Schüssel avec le FPÖ, tout le monde, ou presque, envisage aujourd'hui sans sourciller l'éventualité d'une alliance rouge (SPÖ) - bleue (FPÖ) aux prochaines élections régionales. " Même les Verts, jusque-là épargnés, donnent des signes de vacillement ", soutient le philosophe viennois Oliver Marchart, pour qui " une des conséquences les plus perceptibles de février 2000 est l'infiltration lente mais inexorable du racisme dans le discours public ". Récemment, à Linz, un des élus Verts a repris à son compte l'exigence de l'extrême droite d'" expulser immédiatement et sans exception tous les demandeurs d'asile déboutés ". Après débat, la direction du parti a décidé de soutenir son élu - et sa revendication.
Comme l’explique Rosita Fibbi dans son article La discrimination : une frontière par rapport à l’intégration publié dans Sociologies en 2010, avec 1,5 million de personnes, les étrangers représentent le cinquième de la population résidente en Suisse, la proportion la plus élevée en Europe, après le Luxembourg, bien avant l’Allemagne (8,9 % en 2001) ou la France (5,6 %). Par ailleurs, le fait que 23 % de ses habitants soient nés à l’étranger confirme que la Suisse est un véritable pays d’immigration.
Quelle politique est alors menée ? existe-t-il en Suisse des discriminations ?
Sur la Plateforme d'information humanrights.ch qui publie de nombreuses études et rapports sur la discrimination et consacre une rubrique aux droits humains dans la législation, il est ainsi expliqué que la législation suisse en matière de discrimination raciale est par exemple mentionnée dans trois endroits différents (cf. points 93, 126, 263). Si on lit les trois passages ensemble, on a l’impression que le Conseil fédéral défend le point de vue selon lequel les bases juridiques actuelles suffisent à protéger contre les discriminations. Or, il reconnaît que peu de procès pour discrimination sont intentés. «La voie juridique semble rebuter nombre de personnes concernées car les risques et les coûts sont trop élevés comparativement à l’utilité effective d’un succès devant les tribunaux,» explique-t-il.
Au paragraphe 126 du rapport, sont répertoriées différentes dispositions du droit suisse qui peuvent être utiles contre les discriminations (il est fait mention par exemple de la loi sur l’égalité entre hommes et femmes, qui concerne les discriminations en raison du sexe et qui n’est en fait pas utile en ce qui concerne les discriminations raciales). Au point 264, on apprend que, effectivement, la Suisse ne dispose pas d’une législation nationale destinée à lutter contre les discriminations raciales au niveau fédéral. Selon le rapport, cette particularité n’est pas tant l’expression d’une lacune quant au fond, mais celle de la spécificité de l’ordre juridique suisse. Quelques lignes plus loin, au paragraphe 266, les auteurs du document ajoutent: «La mise en place du dispositif législatif complet de lutte contre la discrimination au niveau national que réclament la CFR et de nombreuses ONG se heurte actuellement à un manque de volonté politique.»
Finalement, le rapport évoque le fait que la Confédération planifie une étude «afin de mieux appréhender les mécanismes qui font obstacle à l’accès à la justice.» Un tel mandat est actuellement en consultation.
Dans un même temps, le lundi 29 octobre 2012, Le Temps rapporte que la Suisse peut faire mieux dans la lutte contre la xénophobie.
Plusieurs pays ont demandé lundi à la Suisse, devant le Conseil des droits de l'homme, des mesures supplémentaires en matière de droits humains. Berne peut faire davantage pour lutter contre la discrimination raciale, la xénophobie et pour renforcer l'égalité entre hommes et femmes sur le marché du travail.
Le conseiller fédéral Didier Burkhalter a présenté lundi à Genève devant le Conseil des droits de l'homme le rapport global de la Suisse en matière de droits humains. Lors du débat public qui s'est ensuivi, plusieurs Etats, en particulier africains, se sont inquiétés de «la montée du racisme, de l'intolérance et de la xénophobie» en Suisse (…) Des mesures plus fermes contre la traite des êtres humains, des femmes et des mineurs en particulier, sont revenues souvent dans les recommandations. Le recours disproportionné à la force de la part des forces de police, le traitement des demandes d'asile, dont la détention des mineurs non accompagnés, les discriminations visant les femmes migrantes ont également été critiqués.
Interdiction des minarets
La Pakistan est revenu sur la votation, fin 2009, sur l'interdiction de la construction de nouveaux minarets. Il a demandé l'adoption d'un texte de loi interdisant les activités de toutes les organisations prônant le racisme. La Turquie a demandé la levée de l'interdiction de nouveaux minarets, une décision populaire regrettée également par les Etats-Unis et la Norvège.
De nombreux pays, comme les Pays-Bas et l'Espagne, ont dénoncé les inégalités persistantes sur le marché du travail et dans les postes de décision entre les hommes et les femmes. La Suisse doit lancer une stratégie nationale à cet égard, ont demandé les Pays-Bas.
Divers Etats ont également demandé que le Centre suisse de compétence pour les droits humains, opérationnel depuis 2011 et créé pour une durée pilote de cinq ans, soit transformé en une institution nationale indépendante des droits humains avec un large mandat. (… ) Interrogé lors d'une conférence de presse sur les nombreuses critiques dénonçant la montée de la xénophobie, Didier Burkhalter a affirmé qu'il ne faut pas exagérer et que ce n'est pas «un drame» en Suisse. «La crainte de la montée du racisme et de l'extrémisme existe un peu partout. Nous sommes conscients qu'il faut combattre ce danger, mais ce n'est pas un problème uniquement en Suisse », a dit le conseiller fédéral.
Nous vous laissons poursuivre les recherches en consultant les articles de presse via Ueropresse et en parcourant les études suivantes :
* Populismes : la pente fatale / Dominique Reynié, 2011.
* Etrangers : Une obsession européenne [Revue] : Xénophobie : Montée de l'extrême droite : Fermeture des frontières.../ Télérama, 2011.
* Rejet des exilés: le grand retournement du droit de l'asile / Jérôme Valluy, 2009.
* Racisme et xénophobie en Europe: une comparaison internationale / Philippe Bataille, Kristin Couper, Danilo Marturccelli... [et al.]; sous la dir. de Michel Wierviorka, 1994.
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