Le nationalisme est il lié au désintérêt de la politique ?
Le 14/02/2013 à 15h59
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Question d'origine :
Est ce que le nationalisme est lié au désintérêt de la vie politique de la part des électeurs ? La hausse du nationalisme est elle liée aux crises mondiales ?
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 16/02/2013 à 09h22
Bonjour,
Nous aborderons la montée du nationalisme face à la crise économique par une brève analyse la situation actuelle et laisserons nos collègues vous apporter, dans une deuxième réponse, une approche historique du nationalisme.
Revenons tout d’abord sur la complexité de définir ce qu’est le nationalisme. Comme l’explique Raoul Girardet dans son article, « NATIONALISME », publié dans l’ Encyclopædia Universalis (base de données disponible dans les bibliothèques du réseau BML ; URL : http://www.universalis-edu.com/encyclop ... ionalisme/), il n'est guère de mot, dans le vocabulaire historique et politique de l'époque contemporaine, plus chargé d'ambiguïté que celui de nationalisme. Non seulement les considérations d'ordre moral, les préoccupations de la polémique, le souci de justifier et de condamner ne cessent d'en altérer l'utilisation, mais c'est surtout sur le terme même et sur sa définition que pèse durablement l'équivoque : mis en usage en Grande-Bretagne et en France dans le courant du XIXe siècle, il n'a cessé de s'enrichir de significations successives, dérivées les unes des autres, mais non obligatoirement réductibles l'une à l'autre.
En France même, le mot, vraisemblablement d'origine britannique (l'adjectif nationalist est mentionné dans la langue anglaise dès 1715), n'apparaît qu'à l'extrême fin du XVIIIe siècle, et pour désigner essentiellement les excès du patriotisme jacobin. Resté longtemps d'un usage très épisodique en même temps que très incertain, il se généralise dans les dernières années du siècle suivant, mais en conservant, dans les habitudes les plus courantes de la langue, une triple signification. Il peut en effet être péjorativement employé pour stigmatiser certaines formes outrancières de patriotisme, devenant alors synonyme de chauvinisme. Il peut encore désigner les revendications d'un peuple assujetti aspirant à l'indépendance (les nationalismes polonais, irlandais, etc.). Il peut enfin servir d'étiquette et de profession de foi à certaines écoles et à certains groupements qui, affirmant la primauté dans l'ordre politique de la défense des valeurs nationales et des intérêts nationaux, sont généralement classés à droite ou à l'extrême droite de l'opinion politique (les nationalismes barrésien, maurrassien, etc.)…
Ceci étant posé il existe donc différentes significations du nationalisme et celui-ci peut être entendu comme économique, politique …. Et il apparaît que les crises économiques entraînent généralement un repli protectionniste et des discours populistes.
Ainsi, sur le nationalisme économique, une dépêche de l’AFP du lundi 26 avril 2010(que vous pourrez lire dans son intégralité à partir de la base de données Europresse disponible dans les bibliothèques du réseau BML) reprend les propos de Daniel Cohn-Bendit, alors leader d’Europe Ecologie et qui déplorait que l'Allemagne "joue la carte du nationalisme économique" pour des raisons de politique intérieure en rechignant à participer à l'aide financière à la Grèce mais qu'elle finira par y venir (…) "Depuis le début de la crise financière, on s'aperçoit que l'Allemagne joue la carte du souverainisme économique, du nationalisme économique.
Mais ces mêmes réflexions peuvent aussi s’appliquer à d’autres pays et un article publié dans Actualité, le 25 février 2009 notait déjà que les dirigeants mondiaux se disent convaincus par la nécessité du libre-échange pour sortir de la crise. Pourtant, ils n'hésitent pas à dresser des barrières.
La campagne «Achetez américain» aux Etats-Unis, la multiplication des manifestations hostiles aux travailleurs étrangers en Grande-Bretagne et les mesures prises par plusieurs pays pour favoriser leurs secteurs industriels en difficulté font craindre un regain de nationalisme économique qui pourrait aggraver la récession mondiale.(…) «Les moments difficiles suscitent un désir de se protéger», soulignaitPascal Lamy, directeur du Fonds monétaire international dans une interview donnée lors du Forum économique mondial de Davos. «Rendre l'étranger responsable de tous nos maux est un vieux réflexe en politique», ajoutait-il.
Parallèlement, Alain Duhamel constatait dans son article « Crise économique et tentation des années 30 », du jeudi 23 juin 2011, publié dans Libération, une forte poussée des nationalismes :
Chacun le constate et peut malheureusement le vérifier : la crise économique et monétaire actuelle est la plus grave que le monde ait eue à affronter depuis la grande crise des années 30. Les gouvernements et les institutions internationales disposent certes en 2011 de connaissances et de moyens d'intervention, donc de répliques qui n'existaient pas il y a quatre-vingts ans. En revanche, la mondialisation accélère et amplifie la vulnérabilité générale, la contagion immédiate de chaque nouvelle secousse. Depuis 2008, celles-ci ne cessent de se succéder, particulièrement désastreuses en Europe et notamment en Europe méridionale.
On se rappelle que dans les années 30 la grande crise avait provoqué sur le Vieux Continent des convulsions politiques qui avaient engendré une chaîne dramatique de dictatures (Allemagne, Italie, Espagne, Roumanie, Hongrie, Autriche, Tchécoslovaquie, Portugal, Grèce, Yougoslavie, Pologne, Bulgarie) puis la guerre la plus féroce, la plus sanglante et la plus totale de l'Histoire. Nous n'en sommes pas là et ce qui se produit actuellement ne correspond qu'à la première phase de cette tourmente des années 30 qui a enfanté la catastrophe de 1939-1945. Encore faut-il que la mémoire soit attentive et, en l'occurrence, dissuasive car les éléments constitutifs de la première phase des années 30 sont aujourd'hui réunis : crise économique, désastre social, montée du populisme et de l'extrême droite, spectre de la xénophobie, du nationalisme, du protectionnisme, de cet aveuglement qui se pare des oripeaux de l'égoïsme sacré. Le totalitarisme n'est pas de retour, la guerre ne rode pas devant notre porte mais, ce qui a conduit jadis au désastre final, les racines du chaos fatal sont aujourd'hui en train de pousser de nouveau. Cette crise n'est pas seulement économique et sociale - ce serait déjà beaucoup -, elle est grosse de dangers politiques et elle menace l'Union européenne.
Exagération ? Il suffit de regarder chez nous et autour de nous pour se convaincre du contraire. La crise monétaire et financière agresse la zone euro (…) Du coup, le populisme et l'extrême droite progressent, de la Ligue du Nord italienne aux «patriotes» finlandais, suédois ou danois, de la Grande-Bretagne (aux élections européennes) à la Hongrie ou à la Roumanie. La Hollande, la Flandre belge, la France, la Suisse sont gravement touchées. En Allemagne, les thèmes les plus poujadistes remportent les plus grands succès de librairie ou de presse. Jamais depuis les années 30 on n'a vu l'extrême droite et le populisme redresser pareillement la tête.
Leurs points communs aboutissent partout à une trilogie constituée par le réveil des nationalismes, le retour de l'appel au protectionnisme et la résurgence de la xénophobie. La tentation des années 30 est en chemin. La peur du lendemain, la crainte du déclassement, le pessimisme noir engendré par la crise sont les pires conseillers. Le creusement théâtral des inégalités (bonus immoraux contre croissance de la grande pauvreté), l'augmentation des actes de violence physique accentuent le sentiment de descente collective vers un purgatoire social. Tous les gouvernements en place, de gauche comme de droite, en sont irrésistiblement affaiblis, qu'ils gèrent bien ou mal la crise, qu'ils fassent preuve de résolution ou de résignation. L'Allemagne et la France, les pivots de l'Europe, ne sont pas plus épargnées que les autres même s'ils sont plus actifs et plus influents.
Or face à cette pente collective périlleuse, l'Europe hésite, tergiverse, piétine. La solution la plus logique, la plus réaliste, la plus vigoureuse est pourtant connue de tous. Devant la mondialisation et devant la crise, l'Union européenne doit avant tout se renforcer, se muscler, s'unir davantage, se donner les moyens de décider plus vite, d'aller plus loin, de devenir enfin la force qu'elle pourrait être, dont elle possède les bases et les capacités. Cela s'appelle l'Europe fédérale avec des décisions à la majorité, un ministre des Finances européen, des bons du trésor européens, un exécutif digne de ce nom et des ambitions fortes. C'est la seule réplique viable à la tentation des années 30, la seule alternative sérieuse aux antagonismes et aux radicalisations qui se dessinent. Ce devrait être le débat central de la campagne présidentielle : inventer une Europe énergique pour contrer le cancer des nationalismes retrouvés.
Cette tendance qui semble se généraliser qui n'est pas liée à un désintérêt pour la politique mais révèle au contraire des inquitéudes quant à la situtaion économique a été étudiée, au niveau européen, par Dominique Reynié dans son ouvrage Populismes : la pente fatale que nous ne pouvons que vous conseiller de parcourir.
Bonnes lectures.
Nous aborderons la montée du nationalisme face à la crise économique par une brève analyse la situation actuelle et laisserons nos collègues vous apporter, dans une deuxième réponse, une approche historique du nationalisme.
Revenons tout d’abord sur la complexité de définir ce qu’est le nationalisme. Comme l’explique Raoul Girardet dans son article, « NATIONALISME », publié dans l’ Encyclopædia Universalis (base de données disponible dans les bibliothèques du réseau BML ; URL : http://www.universalis-edu.com/encyclop ... ionalisme/), il n'est guère de mot, dans le vocabulaire historique et politique de l'époque contemporaine, plus chargé d'ambiguïté que celui de nationalisme. Non seulement les considérations d'ordre moral, les préoccupations de la polémique, le souci de justifier et de condamner ne cessent d'en altérer l'utilisation, mais c'est surtout sur le terme même et sur sa définition que pèse durablement l'équivoque : mis en usage en Grande-Bretagne et en France dans le courant du XIXe siècle, il n'a cessé de s'enrichir de significations successives, dérivées les unes des autres, mais non obligatoirement réductibles l'une à l'autre.
En France même, le mot, vraisemblablement d'origine britannique (l'adjectif nationalist est mentionné dans la langue anglaise dès 1715), n'apparaît qu'à l'extrême fin du XVIIIe siècle, et pour désigner essentiellement les excès du patriotisme jacobin. Resté longtemps d'un usage très épisodique en même temps que très incertain, il se généralise dans les dernières années du siècle suivant, mais en conservant, dans les habitudes les plus courantes de la langue, une triple signification. Il peut en effet être péjorativement employé pour stigmatiser certaines formes outrancières de patriotisme, devenant alors synonyme de chauvinisme. Il peut encore désigner les revendications d'un peuple assujetti aspirant à l'indépendance (les nationalismes polonais, irlandais, etc.). Il peut enfin servir d'étiquette et de profession de foi à certaines écoles et à certains groupements qui, affirmant la primauté dans l'ordre politique de la défense des valeurs nationales et des intérêts nationaux, sont généralement classés à droite ou à l'extrême droite de l'opinion politique (les nationalismes barrésien, maurrassien, etc.)…
Ceci étant posé il existe donc différentes significations du nationalisme et celui-ci peut être entendu comme économique, politique …. Et il apparaît que les crises économiques entraînent généralement un repli protectionniste et des discours populistes.
Ainsi, sur le nationalisme économique, une dépêche de l’AFP du lundi 26 avril 2010(que vous pourrez lire dans son intégralité à partir de la base de données Europresse disponible dans les bibliothèques du réseau BML) reprend les propos de Daniel Cohn-Bendit, alors leader d’Europe Ecologie et qui déplorait que l'Allemagne "joue la carte du nationalisme économique" pour des raisons de politique intérieure en rechignant à participer à l'aide financière à la Grèce mais qu'elle finira par y venir (…) "Depuis le début de la crise financière, on s'aperçoit que l'Allemagne joue la carte du souverainisme économique, du nationalisme économique.
Mais ces mêmes réflexions peuvent aussi s’appliquer à d’autres pays et un article publié dans Actualité, le 25 février 2009 notait déjà que les dirigeants mondiaux se disent convaincus par la nécessité du libre-échange pour sortir de la crise. Pourtant, ils n'hésitent pas à dresser des barrières.
La campagne «Achetez américain» aux Etats-Unis, la multiplication des manifestations hostiles aux travailleurs étrangers en Grande-Bretagne et les mesures prises par plusieurs pays pour favoriser leurs secteurs industriels en difficulté font craindre un regain de nationalisme économique qui pourrait aggraver la récession mondiale.(…) «Les moments difficiles suscitent un désir de se protéger», soulignaitPascal Lamy, directeur du Fonds monétaire international dans une interview donnée lors du Forum économique mondial de Davos. «Rendre l'étranger responsable de tous nos maux est un vieux réflexe en politique», ajoutait-il.
Parallèlement, Alain Duhamel constatait dans son article « Crise économique et tentation des années 30 », du jeudi 23 juin 2011, publié dans Libération, une forte poussée des nationalismes :
Chacun le constate et peut malheureusement le vérifier : la crise économique et monétaire actuelle est la plus grave que le monde ait eue à affronter depuis la grande crise des années 30. Les gouvernements et les institutions internationales disposent certes en 2011 de connaissances et de moyens d'intervention, donc de répliques qui n'existaient pas il y a quatre-vingts ans. En revanche, la mondialisation accélère et amplifie la vulnérabilité générale, la contagion immédiate de chaque nouvelle secousse. Depuis 2008, celles-ci ne cessent de se succéder, particulièrement désastreuses en Europe et notamment en Europe méridionale.
On se rappelle que dans les années 30 la grande crise avait provoqué sur le Vieux Continent des convulsions politiques qui avaient engendré une chaîne dramatique de dictatures (Allemagne, Italie, Espagne, Roumanie, Hongrie, Autriche, Tchécoslovaquie, Portugal, Grèce, Yougoslavie, Pologne, Bulgarie) puis la guerre la plus féroce, la plus sanglante et la plus totale de l'Histoire. Nous n'en sommes pas là et ce qui se produit actuellement ne correspond qu'à la première phase de cette tourmente des années 30 qui a enfanté la catastrophe de 1939-1945. Encore faut-il que la mémoire soit attentive et, en l'occurrence, dissuasive car les éléments constitutifs de la première phase des années 30 sont aujourd'hui réunis : crise économique, désastre social, montée du populisme et de l'extrême droite, spectre de la xénophobie, du nationalisme, du protectionnisme, de cet aveuglement qui se pare des oripeaux de l'égoïsme sacré. Le totalitarisme n'est pas de retour, la guerre ne rode pas devant notre porte mais, ce qui a conduit jadis au désastre final, les racines du chaos fatal sont aujourd'hui en train de pousser de nouveau. Cette crise n'est pas seulement économique et sociale - ce serait déjà beaucoup -, elle est grosse de dangers politiques et elle menace l'Union européenne.
Exagération ? Il suffit de regarder chez nous et autour de nous pour se convaincre du contraire. La crise monétaire et financière agresse la zone euro (…) Du coup, le populisme et l'extrême droite progressent, de la Ligue du Nord italienne aux «patriotes» finlandais, suédois ou danois, de la Grande-Bretagne (aux élections européennes) à la Hongrie ou à la Roumanie. La Hollande, la Flandre belge, la France, la Suisse sont gravement touchées. En Allemagne, les thèmes les plus poujadistes remportent les plus grands succès de librairie ou de presse. Jamais depuis les années 30 on n'a vu l'extrême droite et le populisme redresser pareillement la tête.
Leurs points communs aboutissent partout à une trilogie constituée par le réveil des nationalismes, le retour de l'appel au protectionnisme et la résurgence de la xénophobie. La tentation des années 30 est en chemin. La peur du lendemain, la crainte du déclassement, le pessimisme noir engendré par la crise sont les pires conseillers. Le creusement théâtral des inégalités (bonus immoraux contre croissance de la grande pauvreté), l'augmentation des actes de violence physique accentuent le sentiment de descente collective vers un purgatoire social. Tous les gouvernements en place, de gauche comme de droite, en sont irrésistiblement affaiblis, qu'ils gèrent bien ou mal la crise, qu'ils fassent preuve de résolution ou de résignation. L'Allemagne et la France, les pivots de l'Europe, ne sont pas plus épargnées que les autres même s'ils sont plus actifs et plus influents.
Or face à cette pente collective périlleuse, l'Europe hésite, tergiverse, piétine. La solution la plus logique, la plus réaliste, la plus vigoureuse est pourtant connue de tous. Devant la mondialisation et devant la crise, l'Union européenne doit avant tout se renforcer, se muscler, s'unir davantage, se donner les moyens de décider plus vite, d'aller plus loin, de devenir enfin la force qu'elle pourrait être, dont elle possède les bases et les capacités. Cela s'appelle l'Europe fédérale avec des décisions à la majorité, un ministre des Finances européen, des bons du trésor européens, un exécutif digne de ce nom et des ambitions fortes. C'est la seule réplique viable à la tentation des années 30, la seule alternative sérieuse aux antagonismes et aux radicalisations qui se dessinent. Ce devrait être le débat central de la campagne présidentielle : inventer une Europe énergique pour contrer le cancer des nationalismes retrouvés.
Cette tendance qui semble se généraliser qui n'est pas liée à un désintérêt pour la politique mais révèle au contraire des inquitéudes quant à la situtaion économique a été étudiée, au niveau européen, par Dominique Reynié dans son ouvrage Populismes : la pente fatale que nous ne pouvons que vous conseiller de parcourir.
Bonnes lectures.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 16/02/2013 à 15h51
Réponse du Département Civilisation
Bonjour,
Vous trouverez ici, en complément de la réponse de nos collègues, quelques éléments bibliographiques de compréhension de ce phénomène historique.
Une définition en 3 points nous est fournie par l’introduction deLe nationalisme de Jean-Luc Chabot, publié dans la collection Que sais-je ? :
- l’amour de la nation, ou patriotisme,
- la revendication d’un peuple quand la reconnaissance ou l’indépendance de son état en tant que nation fait défaut,
- la doctrine politique selon laquelle la réalité nationale est la clef pour expliquer et résoudre les problèmes qui se posent à l’humanité.
Reprenons l’Encyclopaedia Universalis en ligne : « Ainsi, dans leur première vague, les nationalismes européens du XIXe siècle sont-ils historiquement inséparables des aspirations libérales, de l'héritage doctrinal et affectif légué par la Révolution française : c'est tout le vieil ordre traditionnel, féodal ou monarchique, qu'il s'agissait de remettre en cause. Dans leur dernière vague, par contre, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe ils apparaissent le plus souvent liés aux idéologies conservatrices, autoritaires ou antidémocratiques. »
Aspiration à créer son propre Etat-souverain dans un cas, la nation constituée en Etat comme valeur primordiale dans un autre.
Quatre thèmes prévalent : souveraineté, unité, passé historique et prétention à l'universalité.
- souveraineté : revendication première des peuples assujettis,
- cohésion du groupe national, qui suppose la lutte contre les particularismes,
- reconstruction d’une culture et d’un passé historique,
- exaltation de la valeur nationale, messianisme.
L’auteur, Raoul Girardet, propose de distinguer entre le nationalisme affirmant sa volonté de créer un État-nation et le nationalisme s'exprimant dans le cadre d'un État-nation déjà constitué.
Pour la France, par exemple, l'affirmation progressive du sentiment national au cours des temps modernes apparaît comme étroitement liée au développement territorial et administratif de l'État monarchique.
Au XIX siècle, en Europe, cette aspiration de certains peuples à devenir des Etats-Nations conduisit à de nombreux mouvements connus sous le terme dePrintemps des peuples , que l'on n'a pas manqué d'évoquer récemment lors des différents soulèvements des pays arabes ("Printemps arabe").
Dans son ouvrageHistoire des nations et des nationalismes Guy Hermet rappelle que l’Empire romain, les royaumes du Moyen Age ignoraient la dimension territoriale. Le concept de « frontière » crée les enjeux du nationalisme après 1800, et l’on assiste depuis le milieu du XIXe siècle à l’aspiration des « petites nationalités » à disposer d’un Etat séparé, en raison de leurs spécificités linguistiques, ethniques ou religieuses. En Europe, la « fin des rois » a été à l’origine de cette recherche d’un ciment unificateur qu’est « la Nation ». (p. 15-16)
L’auteur mentionne le rôle des « nouvelles techniques de communication qui ont pu faire surgir des opinions publiques à l’échelle d’un pays entier, permettant par là au sentiment national tel qu’on l’entend aujourd’hui de se manifester. » (p.73)
L’unité de l’Allemagne et de l’Italie a marqué la fin de la phase de formation des grands Etats-Nations en Europe et signe vers 1870 un tournant du nationalisme, la nécessaire indépendance économique des nations prônée par certains idéologues venant s’opposer aux revendications culturelles, ethniques, religieuses de micro-nationalismes.
L’auteur repère aussi le troisième grand tournant du nationalisme en Europe dans les années 1917-1919 avec le surgissement des petites nationalités à partir de 1918, « après son éclosion révolutionnaire associée au triomphe de l’idée de souveraineté populaire à la fin du XVIIIe siècle, puis sa transformation en patriotisme d’état survenue vers 1850 dans le cadre de la consolidation des grandes nationalités » (p.192-193).
En conclusion à son ouvrage, Jean-Luc Chabot, l’auteur du « Que sais-je ? » déjà cité, note qu’après la seconde guerre mondiale, « le nationalisme s’est développé hors d’Europe, manifestant le désir des peuples colonisés d’accéder à l’indépendance au prix même d’un affrontement avec les nations européennes colonisatrices. (…) La colonisation a suscité aux colonisés l’idée d’une identité nationale en même temps qu’elle se constituait en repoussoir nécessaire à la réalisation indépendante de cette identité. » Plus loin, « les nationalismes concomitants de la décolonisation sont plus historiques qu’idéologiques. Les nationalismes religieux, au contraire, renouent avec l’idée d’une structure temporelle unique et totalisante.» (p. 95-97)
Autre problématique intéressante soulevée par cette analyse, dans le contexte de l’Afrique postcoloniale : « La caractéristique principale du nationalisme de ces nouvelles nations, c’est qu’il n’a pas pour objet, comme dans le cas de l’Allemagne ou de l’Italie au XIXe siècle, de donner un état à une nation préexistante, mais à l’inverse, de donner une nation à un état préexistant ? Ce n’est point la nation qui construit l’Etat, mais l’Etat qui construit la nation. Ce nationalisme est donc diffusé par l’élite dirigeante auprès de la population, de façon a lui donner conscience de son unité, de sa cohésion, de son identité, par-delà ses divisions ethniques, linguistiques ou religieuses. » Cette dualité de culture entre modernité et tradition, modèle culturel et économique hérité du colonisateur et réalités locales n’est pas sans poser la question de la réelle unité de cette nation en réalisation, et l'on voit souvent la mise en place d’un système monocratique de gouvernement allié à un système mono-partisan : un chef et un parti pour forger une nation.
Eric Hobsbawm, dansNations et nationalisme depuis 1780 , réédité en 2010, aborde en fin d'ouvrage les problématiques nationales révélées par l’explosion du bloc soviétique dans les années 90. Il note la prolifération de nouveaux et petits Etats-Nations. Cependant, « tous les mouvements recherchant une certaine autonomie territoriale se croient en train d’établir une « nation » même quand ce n’est tout simplement pas le cas. Et tous les mouvements d’intérêt régional, local ou même sectoriel contre la centralisation et la bureaucratie de l’Etat endosseront, s’ils le peuvent, le costume national, de préférence dans sa version ethno-linguistique. Les nations et le nationalisme semblent donc avoir plus d’influence et être plus omniprésents qu’ils ne le sont. » Le recul des « économies nationales » au bénéfice d’une économie transnationale dans le monde ne signifie pas que les fonctions économiques des états aient diminué, au contraire. En conclusion, il affirme qu’il faudrait inévitablement l’écrire [l’histoire mondiale] comme l’histoire d’un monde qui ne peut plus être contenu, sur le plan politique, , économique, culturel ou même linguistique, dans les limites des « nations » et des « Etats-nations » tels qu’on les définissait habituellement. » Ces termes ne seraient plus adéquats.
Autres lectures :
-Le nationalisme de Pierre de Senarclens, avec en sous-titre « le passé d’une illusion », nous semble une bonne introduction à cette question.
- LeDictionnaire des nations et des nationalismes de Sandrine Kott et Stéphane Michonneau, classé par mots-clés « Economie », « Minorités », « Religion » etc. vous permettra d’aborder ces thématiques de façon tout à fait synthétique.
- Dans la collection Guide Repères,Comment se fait l’histoire , ouvrage d’épistémologie de l’histoire, vous aidera à saisir comment les historiens analysent les concepts de nation et nationalisme.
Bonjour,
Vous trouverez ici, en complément de la réponse de nos collègues, quelques éléments bibliographiques de compréhension de ce phénomène historique.
Une définition en 3 points nous est fournie par l’introduction de
- l’amour de la nation, ou patriotisme,
- la revendication d’un peuple quand la reconnaissance ou l’indépendance de son état en tant que nation fait défaut,
- la doctrine politique selon laquelle la réalité nationale est la clef pour expliquer et résoudre les problèmes qui se posent à l’humanité.
Reprenons l’
Aspiration à créer son propre Etat-souverain dans un cas, la nation constituée en Etat comme valeur primordiale dans un autre.
Quatre thèmes prévalent : souveraineté, unité, passé historique et prétention à l'universalité.
- souveraineté : revendication première des peuples assujettis,
- cohésion du groupe national, qui suppose la lutte contre les particularismes,
- reconstruction d’une culture et d’un passé historique,
- exaltation de la valeur nationale, messianisme.
L’auteur, Raoul Girardet, propose de distinguer entre le nationalisme affirmant sa volonté de créer un État-nation et le nationalisme s'exprimant dans le cadre d'un État-nation déjà constitué.
Pour la France, par exemple, l'affirmation progressive du sentiment national au cours des temps modernes apparaît comme étroitement liée au développement territorial et administratif de l'État monarchique.
Au XIX siècle, en Europe, cette aspiration de certains peuples à devenir des Etats-Nations conduisit à de nombreux mouvements connus sous le terme de
Dans son ouvrage
L’auteur mentionne le rôle des « nouvelles techniques de communication qui ont pu faire surgir des opinions publiques à l’échelle d’un pays entier, permettant par là au sentiment national tel qu’on l’entend aujourd’hui de se manifester. » (p.73)
L’unité de l’Allemagne et de l’Italie a marqué la fin de la phase de formation des grands Etats-Nations en Europe et signe vers 1870 un tournant du nationalisme, la nécessaire indépendance économique des nations prônée par certains idéologues venant s’opposer aux revendications culturelles, ethniques, religieuses de micro-nationalismes.
L’auteur repère aussi le troisième grand tournant du nationalisme en Europe dans les années 1917-1919 avec le surgissement des petites nationalités à partir de 1918, « après son éclosion révolutionnaire associée au triomphe de l’idée de souveraineté populaire à la fin du XVIIIe siècle, puis sa transformation en patriotisme d’état survenue vers 1850 dans le cadre de la consolidation des grandes nationalités » (p.192-193).
En conclusion à son ouvrage, Jean-Luc Chabot, l’auteur du « Que sais-je ? » déjà cité, note qu’après la seconde guerre mondiale, « le nationalisme s’est développé hors d’Europe, manifestant le désir des peuples colonisés d’accéder à l’indépendance au prix même d’un affrontement avec les nations européennes colonisatrices. (…) La colonisation a suscité aux colonisés l’idée d’une identité nationale en même temps qu’elle se constituait en repoussoir nécessaire à la réalisation indépendante de cette identité. » Plus loin, « les nationalismes concomitants de la décolonisation sont plus historiques qu’idéologiques. Les nationalismes religieux, au contraire, renouent avec l’idée d’une structure temporelle unique et totalisante.» (p. 95-97)
Autre problématique intéressante soulevée par cette analyse, dans le contexte de l’Afrique postcoloniale : « La caractéristique principale du nationalisme de ces nouvelles nations, c’est qu’il n’a pas pour objet, comme dans le cas de l’Allemagne ou de l’Italie au XIXe siècle, de donner un état à une nation préexistante, mais à l’inverse, de donner une nation à un état préexistant ? Ce n’est point la nation qui construit l’Etat, mais l’Etat qui construit la nation. Ce nationalisme est donc diffusé par l’élite dirigeante auprès de la population, de façon a lui donner conscience de son unité, de sa cohésion, de son identité, par-delà ses divisions ethniques, linguistiques ou religieuses. » Cette dualité de culture entre modernité et tradition, modèle culturel et économique hérité du colonisateur et réalités locales n’est pas sans poser la question de la réelle unité de cette nation en réalisation, et l'on voit souvent la mise en place d’un système monocratique de gouvernement allié à un système mono-partisan : un chef et un parti pour forger une nation.
Eric Hobsbawm, dans
Autres lectures :
-
- Le
- Dans la collection Guide Repères,
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