La fabrique de châles de l'Ile Barbe
LYON, MÉTROPOLE ET RÉGION
+ DE 2 ANS
Le 26/10/2011 à 16h26
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Question d'origine :
Cher Guichet,
Que sais-tu de la fabrique de châles de la Sauvagère (Sauvagerie ?) sur l'Ile Barbe qui opéra au début du XIXe siècle et de Jean-Charles Berna et Pierre Sabran, les fondateurs ? Existe-t-il des archives de cette fabrique ? La propriété existe-elle toujours aujourd'hui ?
Dans un livre sur le cimetière de Loyasse paru en 1834 (Pierre Boeuf), page 206 il est fait mention de deux sépultures, l'une au nom de Jean-Antoine Berna de Francfort sur le Main décédé le 1er mai 1819, l'autre au nom de Jean-Charles Berna de Mayence décédé le 27 mai 1832, connait-on leur lien de parenté ?
Merci d'avance.
Praline
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 29/10/2011 à 15h18
La Sauvagère était une importante fabrique de châles située non pas sur l’Ile-Barbe mais sur la rive droite de la Saône, à proximité de l’île.
Vous trouverez sur le web diverses ressources à même de satisfaire en partie votre curiosité :
Un extrait de thèse de l'université Lyon 2 s'intéresse à la Sauvagère comme modèle d'usine-internat :
« Le passage à l’usine-internat s’est réalisé dès la fin du premier Empire : en 1812, les frères Massot de Lyon ont fait construire à Saint-Nazaire en Royans dans la Drôme une fabrique d’étoffes de soie comptant plus de 80 métiers et occupant environ 50 ouvriers. Cinq ans plus tard, s’installait à Saint-Rambert, au bord de la Saône, en face du pont de l’île Barbe, près de Lyon, l’usine de la Sauvagère qui sera un peu le modèle original pour les autres usines-internats. Créée par Berna de Francfort, cette usine de châles intégrait toutes les opérations de fabrication : préparation de la matière, tissage avec un métier perfectionné dérivé du Jacquard, découpage et apprêt. L’amélioration technique introduite dans l’usine, qui réunissait en 1827, 250 métiers, permettait l’utilisation d’une main d’œuvre non qualifiée et très jeune : plusieurs centaines de garçons qui mangeaient en commun et couchaient dans de grands dortoirs. De même, les jeunes filles avaient leur dortoir et chacune d’elles avait son lit, ce qui représentait un progrès notable par rapport au lit étroit que devaient se partager deux ouvrières dans les ateliers de Lyon. Dupétiaux et Villermé qui ont enquêté sur la misère ouvrière au début des années 1840, se sont attachés à montrer les avantages de cet établissement en souhaitant qu’il serve de modèle : la nourriture y était bon marché, une école était prévue pour ceux qui travaillaient dans la maison et surtout le propriétaire de la Sauvagère dirigeait paternellement sa “communauté” alors qu’entre les ouvriers des ateliers et les marchands-fabricants, il n’y avait pas de lien et ils pouvaient même ne pas se connaître. On voit donc quel type de relation était souhaité par les spécialistes des questions sociales, dans l’usine textile : on préférait une relation maître-serviteur à une relation patron-ouvrier. »
Précisons simplement que la fabrique est installée à La Sauvagère par la maison Charles Depouilly, Louis Schirmer et compagnie, et passera aux mains de Charles Berna trois ans plus tard.
N’hésitez pas à consulter les références bibliographiques citées pour approfondir le sujet.
La base Presse lyonnaise du XIXe contient un article fort intéressant du Précurseur, paru le 6 octobre 1827, qui reproduit un article du Constitutionnel consacré aux châles en bourre de soie. En voici un extrait :
« Il n'existe à Lyon qu'un grand établissement de fabrique [de châles] :
c'est celui de la Sauvagère , situé sur les bords de la Saône,
près l'île-Barbe. MM. Sabran père, fils et Comp, y ont fait monter
250 métiers de tissage en divers genres. Ils occupent environ
600 ouvriers, dont la plupart sont logés et nourris dans l'établissement
, où s'exécutent toutes les manutentions accessoires et
toutes les préparations de matières. Parmi les nombreux produits
manufacturés par MM. Sabran père , fils et Comp, on remarque
plus particulièrement le tissu, soit uni, soit broché, nommé
Thibet , fabriqué par les soins de M. J.-Ch. Berna, leur associé.
La matière de cette étoffe est un mélange de laine indigène et
de bourre de soie; les premiers essais datent de 1819. Les manufacturiers de la Sauvagère emploient au-dehors et jusqu à Tarare
une centaine du métiers , outre les 250 métiers à tisser de leur
-établissement principal. »
On y trouve aussi plusieurs annonces de vente de materiel et de mise en location du domaine parues en 1844 et 1845, nous indiquant la cessation d'activité de la fabrique, comme cette annonce parue dans Le Censeur du 21 juillet 1845 :
"A LOUER.
LA MANUFACTURE DE LA SAUVAGÈRE,
A SAINT-RAMBERT-ILE-BARBE.
Ce bel établissement, aux portes de Lyon, sur
une route servie par des omnibus, dans un village
qui offre toutes les ressources nécessaires à une
nombreuse population ouvrière, se compose de
quatre grands bâtiments séparés par des cours et
admirablement disposés pour toutes sortes d'industries,
telles que tissage, filature, impression, etc.
Il est également propre à un collège ou à une maison
religieuse.
S'adresser, pour les renseignements, à M. Sauvaneau,
rue de la Liberté, n. 3, à Lyon. (3006)"
Vous trouverez par ailleurs dans la Revue du Lyonnais (n°23, 1897) un article de E. Pariset, L’Entrée des Souverains à Lyon de 1496 à 1896, qui nous informe que plusieurs personnalités visitèrent La Sauvagère, comme Louis-Philippe, la Duchesse de Berry ou le duc d’Orléans.
Pour compléter ces informations, rien de tel qu'une petite visite à la Documentation Lyon et Rhône-Alpes, au quatrième étage de la bibliothèque de la Part-Dieu, pour y consulter les ouvrages suivants :
Pierre CAYEZ consacre deux pages à la Sauvagère dans Métiers jacquard et hauts fourneaux (p. 161-162). On y apprend notamment que Berna, négociant originaire de Francfort, est arrivé à Lyon sous l’Empire. Il s’associa avec son beau-fils Sabran. On y découvre aussi que Berna a un frère commerçant à Francfort.
Le Catalogue des Lyonnais dignes de mémoire de Breghot du Lut et Pericaud contient une brève notice sur Jean-Charles Berna :
« Né à Mayence en 1779, riche manufacturier d’étoffes de soie à la Sauvagère, près de l’Ile-Barbe, un des principaux fondateurs de la Société d’instruction élémentaire autorisée par ordonnance royale du 15 octobre 1829, mort à Lyon le 27 mai 1832.
Avant de devenir une fabrique, la Sauvagère était un domaine et une grande demeure. Pour en connaître les propriétaires et usages successifs (fabrique, clinique, centre d’apprentissage…), vous pouvez consulter :
Joseph Steinman et la Sauvagère, article paru dans le Bulletin municipal officiel de Lyon du 25 avril 2011
Saint-Rambert-l'Ile-Barbe au fil du temps de Blanche Carron
Aujourd’hui le lycée professionnel de la Sauvagère se trouve toujours sur le domaine.
Existe-t-il des archives de cette fabrique ?
Les archives d’entreprises ne font pas l’objet d’un dépôt obligatoire, leur conservation est donc aléatoire. Vous pouvez contacter les archives municipales de Lyon http://www.archives-lyon.fr/archives/ et les archives départementales du Rhône http://archives.rhone.fr/ qui conservent toutes deux des fonds d’archives privées dont des archives d’entreprises.
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