NOTION DU TEMPS
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 21/07/2011 à 15h26
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Question d'origine :
Pourquoi en vieillissant le temps semble passer de plus en plus vite ?
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 22/07/2011 à 09h51
Réponse du service Guichet du Savoir
Voici un document de "psychologies.com", Pourquoi le temps passe-t-il si vite ?, qui présente différentes approches de la question :
Le temps s'accélère. À peine une seconde pour s'asseoir et il faut de nouveau courir. Mais s'agit-il d'une réalité ou d'une illusion ? L'avis de quatre spécialistes.
Enfant, les grandes vacances duraient toute la vie. Arrivé à l'âge adulte, voilà que les années filent comme du sable. Pourtant, le temps est immuable, le même pour tous. Alors, pourquoi cette impression ? Parce que nous sommes des êtres sensibles et subjectifs et que le temps n'a rien de linéaire pour nous. Il s'accélère globalement : nous vivons, par exemple, conjointement, le temps biologique - notre organisme vieillit - et le temps suspendu d'un événement important. D'où vient une telle subjectivité de notre perception de la durée ?
Tout passe d'abord par le cerveau. Marc Schwob, neuropsychiatre, donne l'exemple de la concentration intellectuelle, qu'il s'agisse de regarder un film ou de faire un devoir. Durant ce moment, le temps semble rétréci, suspendu. Je peux revenir à la réalité sans avoir pris conscience du temps qui vient de s'écouler. À l'inverse, lors d'une émotion forte, le temps se bloque. Biologiquement comme philosophiquement, le seul moyen de ralentir sa course réside dans notre capacité à en prendre conscience. Qu'il s'agisse de la méditation, de la réflexion, de la psychanalyse ou de la création, se repositionner dans l'instant nous ouvre à l'éternité.
La réponse psychanalytique
« L'accélération commence à l'adolescence », estime Jean-Jacques Rassial, psychanalyste : « La conscience du temps se construit au cours de la croissance. L'acquisition de la langue est un reflet de cette maturation : les enfants passent du présent à l'imparfait, au plus-que-parfait, puis du futur simple au futur antérieur... et le présent se réduit. Il y a un effet de condensation du présent. Cliniquement, à l'adolescence se produit un phénomène essentiel : la déception existentielle face aux promesses de l'enfance. On ne sera jamais un chevalier ou un prince...
Le temps commence à s'accélérer. Les espoirs passent définitivement du côté du passé. C'est une expérience de la mort. Plus on avance en âge, plus le passé s'alourdit, plus le présent nous précipite en avant. C'est une précipitation subjective, bien sûr, mais réelle. Le paradoxe, c'est que nous aimerions arrêter le temps. Cela se produit quand il ne se passe rien, quand nous sommes dans un état de bien-être. Nous sommes, pour paraphraser Lacan, dans un état de jouissance. » Or, dit-il en substance, « la jouissance suprême, c'est la mort. » La vie, la dynamique sont du côté du désir. La décélération suprême, c'est la mort.
La réponse biologique
« Nous sécrétons de plus en plus souvent les hormones du stress », estime Marc Schwob, neuropsychiatre : « La perception que nous avons d'une accélération du temps n'est pas que subjective, c'est une réalité. Notre temps contemporain n'a plus rien à voir avec le temps des siècles passés ! Ainsi avons-nous inversé le temps d'activité : nous travaillons l'hiver et nous nous reposons l'été. Cela entraîne une adaptation, donc une augmentation du stress qui joue un rôle essentiel dans cette sensation : les hormones du stress, le cortisol et la catécholamine, indispensables pour notre survie, sont sécrétés de plus en plus souvent, provoquant le sentiment d'être dépassé, submergé, de ne plus avoir le temps. On a constaté par exemple que les traders sécrétaient des quantités phénoménales de cortisol ! Et l'impression d'accélération du temps augmente avec l'âge. »
La réponse philosophique
« Le temps file si l'on ne s'en occupe pas », estime Cynthia Fleury, philosophe : « Nous savons que le temps s'accélère avec le vieillissement. Mais, alors que cette période de la vie devrait nous rapprocher de la sagesse, nous sommes perpétuellement déportés vers le passé et ses traumatismes, vers le futur et ses projections. La modernité, avec sa culture de la vitesse, accentue cette sensation. Or, paradoxalement, le temps file et disparaît si l'on ne s'en occupe pas. Si l'on demeure dans le temps de la performance - faire plus, plus vite -, on a le sentiment d'avoir été vivant, pas celui d'avoir vécu. La relation au temps demande un travail. Le temps existentiel est un temps de la réflexion, un temps de regard "sur". La vérité de l'instant présent est à la fois fugacité et éternité, parce qu'elle agit comme une dilatation de l'être, donc du temps. Ainsi, lorsqu'en analyse on arrive à l'instant où le sens apparaît, où l'on "comprend", on bascule de la finitude à la plénitude. De l'aliénation à la liberté. Il en est de même du temps de la création : absorbé dans l'instant, le temps ne compte plus, il est en "suspens", un instant d'éternité. Réfléchir, s'observer permet de prendre du recul sur soi-même et d'instaurer une autre relation avec le temps. »
La réponse anthropologique
« Notre être se fragmente et cela accélère la vitesse des choses », estime David Le Breton, anthropologue et sociologue) : « Les outils nouveaux de communication ont radicalement changé notre relation au temps. Les e-mails, le téléphone, le déversement des informations en continu et accessibles à chaque instant ont modifié le rapport plus pacifié que nous avions avec le temps. Les intrusions permanentes du monde extérieur dans notre monde intérieur nous bousculent. Notre être s'en trouve modifié : on peut dire que chacun d'entre nous possède différents aspects de personnalité, le moi familial, social, amical, amoureux, professionnel... Notre ancienne temporalité nous permettait de passer successivement d'un registre à l'autre. Aujourd'hui, nous les endossons parfois simultanément. Au milieu d'une réunion de travail, voici un appel de ma fille ou de mon vieil ami. Cette fragmentation accélère notre perception du temps. Paradoxalement, nous faisons beaucoup de choses, mais nous avons le sentiment de ne pas parvenir à faire grand-chose, de ne rien maîtriser, nous sommes dans un flux permanent. C'est un changement anthropologique irréversible. Le silence, la marche, la flânerie sont des mesures de sauvegardes pour se retrouver. »
Quelques documents qui vous permettront de poursuivre votre réflexion :
- Le temps qui se dilate et la mémoire qui flanche
- Pourquoi notre perception du temps n'est-elle pas constante ?
- Perception du temps et illusion temporelle
- Capsule outil: Le « chronomètre mental »
- Pour la Science N°384 - octobre 2009
- Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit
Voici un document de "psychologies.com", Pourquoi le temps passe-t-il si vite ?, qui présente différentes approches de la question :
Le temps s'accélère. À peine une seconde pour s'asseoir et il faut de nouveau courir. Mais s'agit-il d'une réalité ou d'une illusion ? L'avis de quatre spécialistes.
Enfant, les grandes vacances duraient toute la vie. Arrivé à l'âge adulte, voilà que les années filent comme du sable. Pourtant, le temps est immuable, le même pour tous. Alors, pourquoi cette impression ? Parce que nous sommes des êtres sensibles et subjectifs et que le temps n'a rien de linéaire pour nous. Il s'accélère globalement : nous vivons, par exemple, conjointement, le temps biologique - notre organisme vieillit - et le temps suspendu d'un événement important. D'où vient une telle subjectivité de notre perception de la durée ?
Tout passe d'abord par le cerveau. Marc Schwob, neuropsychiatre, donne l'exemple de la concentration intellectuelle, qu'il s'agisse de regarder un film ou de faire un devoir. Durant ce moment, le temps semble rétréci, suspendu. Je peux revenir à la réalité sans avoir pris conscience du temps qui vient de s'écouler. À l'inverse, lors d'une émotion forte, le temps se bloque. Biologiquement comme philosophiquement, le seul moyen de ralentir sa course réside dans notre capacité à en prendre conscience. Qu'il s'agisse de la méditation, de la réflexion, de la psychanalyse ou de la création, se repositionner dans l'instant nous ouvre à l'éternité.
« L'accélération commence à l'adolescence », estime Jean-Jacques Rassial, psychanalyste : « La conscience du temps se construit au cours de la croissance. L'acquisition de la langue est un reflet de cette maturation : les enfants passent du présent à l'imparfait, au plus-que-parfait, puis du futur simple au futur antérieur... et le présent se réduit. Il y a un effet de condensation du présent. Cliniquement, à l'adolescence se produit un phénomène essentiel : la déception existentielle face aux promesses de l'enfance. On ne sera jamais un chevalier ou un prince...
Le temps commence à s'accélérer. Les espoirs passent définitivement du côté du passé. C'est une expérience de la mort. Plus on avance en âge, plus le passé s'alourdit, plus le présent nous précipite en avant. C'est une précipitation subjective, bien sûr, mais réelle. Le paradoxe, c'est que nous aimerions arrêter le temps. Cela se produit quand il ne se passe rien, quand nous sommes dans un état de bien-être. Nous sommes, pour paraphraser Lacan, dans un état de jouissance. » Or, dit-il en substance, « la jouissance suprême, c'est la mort. » La vie, la dynamique sont du côté du désir. La décélération suprême, c'est la mort.
« Nous sécrétons de plus en plus souvent les hormones du stress », estime Marc Schwob, neuropsychiatre : « La perception que nous avons d'une accélération du temps n'est pas que subjective, c'est une réalité. Notre temps contemporain n'a plus rien à voir avec le temps des siècles passés ! Ainsi avons-nous inversé le temps d'activité : nous travaillons l'hiver et nous nous reposons l'été. Cela entraîne une adaptation, donc une augmentation du stress qui joue un rôle essentiel dans cette sensation : les hormones du stress, le cortisol et la catécholamine, indispensables pour notre survie, sont sécrétés de plus en plus souvent, provoquant le sentiment d'être dépassé, submergé, de ne plus avoir le temps. On a constaté par exemple que les traders sécrétaient des quantités phénoménales de cortisol ! Et l'impression d'accélération du temps augmente avec l'âge. »
« Le temps file si l'on ne s'en occupe pas », estime Cynthia Fleury, philosophe : « Nous savons que le temps s'accélère avec le vieillissement. Mais, alors que cette période de la vie devrait nous rapprocher de la sagesse, nous sommes perpétuellement déportés vers le passé et ses traumatismes, vers le futur et ses projections. La modernité, avec sa culture de la vitesse, accentue cette sensation. Or, paradoxalement, le temps file et disparaît si l'on ne s'en occupe pas. Si l'on demeure dans le temps de la performance - faire plus, plus vite -, on a le sentiment d'avoir été vivant, pas celui d'avoir vécu. La relation au temps demande un travail. Le temps existentiel est un temps de la réflexion, un temps de regard "sur". La vérité de l'instant présent est à la fois fugacité et éternité, parce qu'elle agit comme une dilatation de l'être, donc du temps. Ainsi, lorsqu'en analyse on arrive à l'instant où le sens apparaît, où l'on "comprend", on bascule de la finitude à la plénitude. De l'aliénation à la liberté. Il en est de même du temps de la création : absorbé dans l'instant, le temps ne compte plus, il est en "suspens", un instant d'éternité. Réfléchir, s'observer permet de prendre du recul sur soi-même et d'instaurer une autre relation avec le temps. »
« Notre être se fragmente et cela accélère la vitesse des choses », estime David Le Breton, anthropologue et sociologue) : « Les outils nouveaux de communication ont radicalement changé notre relation au temps. Les e-mails, le téléphone, le déversement des informations en continu et accessibles à chaque instant ont modifié le rapport plus pacifié que nous avions avec le temps. Les intrusions permanentes du monde extérieur dans notre monde intérieur nous bousculent. Notre être s'en trouve modifié : on peut dire que chacun d'entre nous possède différents aspects de personnalité, le moi familial, social, amical, amoureux, professionnel... Notre ancienne temporalité nous permettait de passer successivement d'un registre à l'autre. Aujourd'hui, nous les endossons parfois simultanément. Au milieu d'une réunion de travail, voici un appel de ma fille ou de mon vieil ami. Cette fragmentation accélère notre perception du temps. Paradoxalement, nous faisons beaucoup de choses, mais nous avons le sentiment de ne pas parvenir à faire grand-chose, de ne rien maîtriser, nous sommes dans un flux permanent. C'est un changement anthropologique irréversible. Le silence, la marche, la flânerie sont des mesures de sauvegardes pour se retrouver. »
Quelques documents qui vous permettront de poursuivre votre réflexion :
- Le temps qui se dilate et la mémoire qui flanche
- Pourquoi notre perception du temps n'est-elle pas constante ?
- Perception du temps et illusion temporelle
- Capsule outil: Le « chronomètre mental »
- Pour la Science N°384 - octobre 2009
- Pourquoi la vie passe plus vite à mesure qu’on vieillit
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