Question d'origine :
Bonjour,
Lorsque je regarde les gravures de Gustave Doré je suis impressionnée par leur finesse et je me pose une question :
dans quelles dimensions Gustave Doré gravait-il ?
Par exemple : sur l'illustration connue du conte de Perrault le petit chaperon rouge ou l'on voit le loup dans le lit avec l'enfant je l'ai vue en 14cm sur 18 mais j'imagine que la plaque sur laquelle la gravure a été réalisée est plus grande.
Réponse du Guichet
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- Département : Fonds Ancien
Le 26/12/2007 à 16h38
Dans les éditions originales des œuvres illustrées par Gustave Doré (1832-1883), et en particulier dans les Contes de Perrault publiés en 1862, les dimensions de la gravure sont les mêmes que celles de la planche de bois sur laquelle l’image a été gravée, puisque la reproduction est faite par impression directe à partir de cette planche.
La finesse qui vous impressionne à juste titre est due au talent du graveur (ou plutôt des graveurs), mais est permise aussi par l’utilisation du procédé du bois de bout. Claude Bouret, dans le chapitre qu’il consacre à « Gustave Doré, ses gravures et ses graveurs », dans le catalogue de l’Exposition Gustave Doré à Strasbourg en 1983, l’explicite ainsi (p. 211) :
« Le bois de bout est la technique de gravure en relief qui utilise des rondelles coupées dans le sens horizontal et perpendiculairement au tronc d’arbre. On préfère le cormier ou le buis qui offrent une surface dure et serrée comparable au métal. Par rapport au bois de fil utilisé en France jusque vers 1820, cette manière permet une grande finesse et une grande souplesse dans le dessin ; on peut obtenir des gris nuancés, des demi-teintes, par des hachures rapprochées ou des pointillés minuscules. Comme les rondelles de bois de bout fournissent des cubes très petits, on colle ensemble plusieurs blocs de même épaisseur pour former une planche plus grande. (…) L’outil essentiel employé sur bois de bout est le burin ; c’est une tige d’acier avec une section en losange aigu, analogue au burin du graveur sur métal, mais encore plus mince. On le manie en le poussant devant soi ; il ne produit pas de copeau, seulement quelques grains de sciure. Le geste et l’outil ne changent pas de direction ; pour les lignes courbes, les angles, les tailles de sens variés, le graveur guide le bloc avec l’autre main et le fait pivoter sur un coussin de cuir. Les échoppes ressemblent à des burins, leur tranchant est plus large avec des angles arrondis ; l’échoppe à champlever sert à creuser des tailles à fond plat. On peut accélérer le travail par l’usage du burin double et du vélo. Le vélo est une lame plus large développant plusieurs burins ou échoppes parallèles d’un seul tenant. »
Si l’on parle couramment de « gravures de Doré », il faut indiquer que Doré n’a en réalité pas lui-même gravé le bois. Dans l’article qu’elle lui consacre dans le Dictionnaire encyclopédique du livre, tome I, Editions du Cercle de la Librairie, 2002, p. 806, Annie Renonciat précise : « on compte au total plus de 10 000 gravures d’après les dessins de Gustave Doré. Cette abondance fut rendue possible par la pratique du bois de teinte, technique nouvelle de reproduction systématisée par l’artiste : dessinant directement sur le bois, Gustave Doré utilisait lavis et gouache blanche au lieu du trait ; il évitait ainsi le report du dessin et laissait à ses graveurs le soin d’interpréter ses indications au moyen de semis de points et de hachures. C’est à ces techniciens (Best, Gauchard, Gusman, Jahyer, Jonnard, Lavieille, Pannemaker, Piaud, Pisan, Riault, Rouget, Sotain, tec.) que les illustrations de Doré doivent leur facture si reconnaissable. »
Pour les Contes de Perrault, les graveurs sont Pizan, Pannemaker, Pierdon, Brevière, Maurand, Boëtzel, Hébert, E. Deschamps, Dumont, Delduc, Fagnon.
Dans la première édition de 1862 publiée chez Hetzel, le dessin de Doré, gravé par Pannemaker et représentant le loup dans le lit avec le Petit chaperon rouge a pour dimensions 19,4 sur 24,2 cm. La Bibliothèque nationale de France en conserve un exemplaire (cote BnF, Estampes et Photographie (Dc 298 j2 Doré XI)) dont vous pouvez voir la reproduction.
La Bibliothèque municipale de Lyon conserve dans la collection jésuite des Fontaines un exemplaire de l’édition de 1867 chez Hetzel.
L’image dessinée par Doré a été souvent reproduite depuis le XIXe siècle en utilisant des techniques d’impression différentes, sans tenir compte forcément du format initial, comme dans l’exemple que vous citez.
Vous pourrez trouver plus de détails sur Gustave Doré en consultant les ouvrages suivants :
- Henri Leblanc, Catalogue de l'œuvre complet de Gustave Doré: Avec un portrait et 29 illustrations documentaires, Paris, 1931
- Annie Renonciat, La vie et l'œuvre de Gustave Doré, Paris, ACR, 1983.
- Philippe Kaenel, Le métier d’illustrateur 1830-1880. Rodolphe Töpffer, J.-J. Grandville, Gustave Doré, Droz, 2005.
Nous remercions le Musée de l'Imprimerie de Lyon pour les précisions apportées. Signalons que le Musée conserve plus d’une centaine de bois ayant servi à l’illustration des œuvres de Rabelais par Doré. De plus, il présente dans ses salles d’exposition les différentes techniques employées pour l’illustration des ouvrages au fil des siècles.
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