Question d'origine :
Qu'elle l'origine du nom du quai des Etroits à Lyon?
Merci
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 06/06/2007 à 16h07
Le quai des Etroits en contrebas des pentes de Sainte-Foy était, au XVIIe et XVIIIe siècle, un sentier très étroit – d’où son nom – utilisé comme chemin de halage le long des berges de la rive gauche du Rhône, entre la Quarantaine et la Mulatière. Le confluent s’arrêtant alors à Ainay, les eaux du Rhône baignaient donc cette rive. Le quai ne s’est substitué au chemin qu’assez tardivement, sous le règne de Louis-Philippe.
Pendant longtemps, il fut considéré comme l’une de plus belles entrées de notre cité, si l’on en juge du moins par les commentaires apportés par les lyonnais de l’époque dans les innombrables Guide de l’étranger à Lyon.
Devenu un lieu de promenade apprécié, il n’est donc pas étonnant que l’on trouvait aux alentours de cette voie quelques unes des plus belles demeures de Lyon : le château de Bellevue qui appartenait à Madame Lobreau, directrice des Théâtres de Lyon sous Louis XV ; la villa de Belle-Rive (ou Bellerive) des Perisse, libraires à Lyon ; ou bien encore celle du bibliophile lyonnais Léon Cailhava sont parmi les plus connues. Au cours des années 1860, le célèbre Docteur Charles-Gabriel Pravaz, inventeur de la seringue, installa même au numéro 46 du quai son "Institut orthopédique et pneumatique" (on trouve une gravure de cet établissement dans Notice sur l'institut orthopédique et pneumatique de Lyon, par Charles-Gabriel Pravaz, Lyon, Vingtrinier, 1861).
Le site fut par ailleurs parcouru par la plupart des artistes de notre ville. Ponthus-Cinier, Fonville, Vibert, Balthazard-Jean Baron… à peu près tous les artistes lyonnais du XIXe siècle ont dessiné, gravé ou peint le quai des Etroits. Certaines de ces gravures ou dessins sont aujourd’hui conservées dans les collections de la Bibliothèque de Lyon.
Des faits historiques s’y sont également déroulés, à commencer par l’exécution le 19 juillet 1816 du général Mouton-Duvernet qui avait rallié Lyon à Napoléon un an plus tôt.
Mais l’événement le plus connu qui s’y soit passé, reste la halte de Jean-Jacques Rousseau (cf. Livre IV des Confessions). Privé de ressources, l’auteur y a en effet passé une nuit à la belle étoile, dans l’une des excavations du quai, pendant un séjour qu’il fit à Lyon en 1732 :
"Je me souviens même, d’avoir passé une nuit délicieuse hors de la ville dans un chemin qui côtoyait le Rhône ou la Saône, car je ne me rappelle pas lequel des deux. Des jardins élevés en terrasse bordaient le côté opposé. Il avait fait très chaud ce jour-là ; la soirée était charmante ; la rosée humectait l’herbe flétrie ; point de vent, une nuit tranquille ; l'air était frais sans être froid ; le soleil en se couchant avait laissé dans le ciel des vapeurs rouges dont la réflexion rendait l’eau couleur de rose ; les arbres des terrasses étaient chargés de rossignols qui se répondaient de l’un à l’autre. Je me promenais dans une sorte d'extase, livrant mes sens et mon cœur à la jouissance de tout cela, et soupirant seulement un peu du regret d'en jouir seul. Absorbé dans ma douce rêverie, je prolongeai fort avant dans la nuit ma promenade sans m'apercevoir que j'étais las. Je m'en aperçus enfin. Je me couchai voluptueusement sur la tablette d'une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse, le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ', un rossignol était précisément au-dessus de moi ; je m'endormis à son chant ; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage. Il était grand jour : mes yeux en s'ouvrant virent l’eau, la verdure, un paysage admirable. Je me levai, me secouai : la faim me prit, je m'acheminai gaîment vers la ville, résolu de mettre à un bon déjeuner deux pièces de six blancs qui me restaient encore."
Certaines vues du quai ou chemin des Etroits sont actuellement visibles au sein de l’exposition "Lyon pittoresque", réalisée à la Bibliothèque de la Part-Dieu (Espace Patrimoine) dans le cadre de la manifestation lyonnaise L’Esprit d’un siècle
Image :
"Vue de la grotte des Etroits", dessinée par Guyot, gravé par Dequevauller (BM Lyon, Fonds Coste 832)
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