Question d'origine :
Cher et indispensable Guichet, pourquoi, en vieillissant, avons nous l'impression que le temps s'accélère, que les jours et les saisons passent plus vite ? Des recherches, par exemple en psychologie ou en biologie, existent-elles sur ce sujet ? Merci.
Réponse du Guichet
Quelques explications sur la notion de temps lors du vieillissement.
« Qu’est-ce que vieillir ?
Néanmoins, il semble qu’avec le temps, les échanges avec l’extérieur deviennent moins efficaces, le renouvellement se ralentit, comme s'il y avait « usure » des mécanismes mis en oeuvre. C’est du moins en ces termes que s’énonçaient les premières théories du vieillissement biologique, qui ont eu le mérite d’en dégager un aspect essentiel. À la différence des atomes radioactifs, notre probabilité de mourir varie au cours du temps. C’est même précisément le sens du mot « vieillir ». [...]Le temps ne serait donc que l’autre nom de la mort, un nom moins angoissant, plus neutre, une ultime ruse par laquelle nous parvenons à réduire la puissance affective du mot « mort ». À l’en croire, le temps ne serait finalement rien d’autre qu’un masque de la mort, plus vivace qu’elle, seulement destiné à la rendre verbalement présentable et intellectuellement admissible. Cette conception ne manque pas d’arguments. L’idée de la mort a sans conteste un impact sur notre temps humain, plus exactement sur notre perception humaine du temps : c’est elle qui lui donne cette odeur de sapin si particulière, ce parfum diffus qui imprègne toutes nos réflexions sur le temps."
In Temps et vieillissement par Etienne Klein par ailleurs auteur de Le temps, excellente introduction pour resituer votre questionnement.
« Vous l’avez remarqué comme moi : le temps passe de plus en plus vite. C’est bien sûr une illusion. Le mouvement des planètes ou de nos horloges demeure inchangé. Le nombre d’heures dans le jour ou de jours dans l’année reste inentamé. Mais ils nous filent de plus en plus entre les doigts, mais ils semblent s’enfuir à vitesse croissante. « C’était hier », dit-on. Mon père ajoutait souvent : « Même pas ! C’était ce matin. Et encore, pas très tôt ! » Ce n’est pas le temps qui s’accélère, c’est nous qui vieillissons.
Plus on avance en âge, chacun l’éprouve, plus le temps semble passer vite. L’arithmétique pourrait suffire à l’expliquer. Pour un enfant de 4 ans, une année, c’est le quart de sa vie. Pour un adolescent, environ un quinzième. Pour moi, qui ai 51 ans, un peu moins de 2 %. Pour un octogénaire, à peine plus de 1 %… Comme cela paraît long, pour l’enfant, et court, pour l’homme mûr ou le vieillard ! Il y a sans doute autre chose. L’enfant, hors ses moments de jeu, vit surtout dans l’attente. L’année qui compte, elle est devant lui : il en est séparé par trois cent soixante-cinq jours, qu’il faudra vivre un par un. Le vieillard vit davantage dans le souvenir. Cette année qui lui semble si brève, c’est d’abord celle qui est derrière lui. Il s’en souvient en bloc, il la porte tout entière en lui, déjà vécue, déjà passée, ou plutôt il porte tout entier en lui le peu qu’il lui en reste : quelques souvenirs, quelques regrets – presque rien.»
Lire la suite de Le temps s’accélère, André Comte-Sponville sur Psychologies.com.
On trouve des échos de cette question avec la même réponse à peu près dans plusieurs forums sur Internet (par exemple : L’âge de son logarithme ?, Forum Futura- Sciences).
Il semble que « Plusieurs études en gérontologie contemporaine ont effectivement mis de l’avant certaines représentations de la temporalité qui sont directement en lien avec le vieillissement du corps d’un point de vue physiologique. À cet effet, certaines gens mettent en jeu la règle selon laquelle la durée vécue du temps varie en raison inverse de l’âge. Plus on est jeune, moins le temps passe vite et, inversement, plus on est vieux plus le temps passe vite ».
Le processus d’informatisation sociale : un regard sur la représentation de la temporalité, Luc Bonneville.
Il y a bien une recherche s’intéressant aux conséquences du vieillissement sur la perception du temps, notamment en neuropsychologie (par exemple : Viviane Pouthas (Directeur de recherche au CNRS, Unité de Neurosciences Cognitives et Imagerie Cérébrale UPR 640-LENA, Hôpital de la Salpêtrière, 47 Bd de l'Hôpital, 75651 Paris Cedex 13 Tel : 01.42.46.14.14 ; viviane.pouthas@chups.jussieu.fr) dont les recherches portent sur :
- Bases neurales des mécanismes qui sous-tendent la perception du temps (bases de temps et mémoire) : imagerie cérébrale et approche neuropsychologique.
- Evolution de ces mécanismes au cours du vieillissement normal.)
Il est par contre plus difficile de trouver un traitement direct de votre question. Finalement c’est sur le site personnel d’un certain Laurent Dubois sur Voyage dans le temps et science-fiction que nous avons trouvé un résumé (dans le chapitre Perception du temps) des principales hypothèses qui pourraient expliquer l’impression de temps passant plus vite avec l’âge.(voir surtout à partir de Physiologie du temps).
Pour mieux comprendre, l’article Perception du temps de Wikipedia peut vous aider :
« Mécanismes physiologiques
On peut distinguer plusieurs mécanismes de perception du temps, selon l'échelle à laquelle on se place" : voir le tableau.
"Modèles d'horloge interne
Actuellement plusieurs hypothèses s'affrontent sans pour autant être contradictoires.
• d'une part le modèle du Pacemaker/Accumulateur, qui est fondé sur l'idée qu'il existe des zones précises dans le cerveau responsables de la perception du temps. Dans ce modèle, un pacemaker (réseau de neurones specialisé) délivre des impulsions de manière régulière. Ces impulsions sont "stockées" dans un accumulateur. Lorsqu'il s'agit par la suite d'utiliser un jugement temporel (longueur d'un stimulus par exemple), l'accumulateur communique le nombre d'impulsions comptabilisées à la "mémoire de réference". Le cerveau peut ensuite comparer ce nombre à un stimulus ultérieur, et comparer ainsi les durées.
• d'autre part le modèle de l'encodage spatial du temps, tenant compte de la dynamique des réseaux neuronaux. Le pricipe est le suivant : lorsque l'on perçoit un stimulus, il va y avoir activation d'un certain nombre de neurones au sein d'un réseau. On peut voir le réseau de neurones comme une grille. Ainsi l'information temporelle est encodée par le nombre et la position des neurones activés. Des neurones "extérieurs" peuvent décoder cette information grâce à un renforcement des synapses spécifiques des neurones détéctés. Pour qu'un tel modèle soit possible, il faut cependant qu'un stimulus déclenche toujours la même cascade d'événements, ce qui semble être le cas d'après des études de modélisation informatique.
• d'autres hypothèses sont également prises en compte, incluant des "neurones oscillateurs" ou des différences dans l'activation des neurones. »
Pour en savoir plus :
Penser le temps pour lire la vieillesse
Temps et raisonnement : développement cognitif de l'enfant à l'adulte, Jacques Crépault.
Le temps : perspectives psychophysiologiques, Françoise Macar.
Le Temps psychologique, n°1, vol. 50 de Psychologie française, mars 2005.