Pourquoi l'Amiral Forbin a t-il été inhumé dans une chapelle de l'église Saint Paul ?

Il ne faut pas confondre l'amiral Bertrand de Forbin avec son homologue plus célèbre, et amiral également Claude de Forbin qui vécu presque deux siècles plus tard. En parcourant la généalogie du premier, on note que le second n'est d'ailleurs pas son descendant. Le nom de Bertrand de Forbin ne survivra pas plus de deux générations après lui. Sur la famille Forbin on peut se référer à l'Inventaire analytique des titres de la maison de Forbin, mais il y est peu question de Bertrand de Forbin.

Ce premier amiral a laissé bien moins de traces que l'amiral Claude de Forbin. Il en est fait mention dans l'article Les galères de France de Paul Masson (1938), et c'est presque tout ce que nous avons trouvé à son sujet. Dans une note de bas de page, on lit :

Bertrand de Forbin, inhumé à Lyon, a été qualifié bien à tort de « grand amiral des mers de S. M. », V. Journal des Débats 5 août 1929: le tombeau d'un amiral de Forbin. Son acte de décès l’appelle, à tort aussi, « maître des mers de Levant. »

On se réfère donc à l'article paru dans le Journal des débats le 5 aout 1929, « le tombeau d'un amiral de Forbin » :

Le tombeau d'un amiral de Forbin

La marine est à l'ordre du jour. Des fêtes officielles ont commémoré le deuxième centenaire de la naissance de Suffren. Après l'ouvrage de M. Georges Lecomte sur le célèbre bailli provençal, un livre de M. Auguste Dupony a tiré de l'oubli le nom du fameux officier de marine armoricain Yves de Kerguelen.

L'occasion est peut-être bonne de rappeler qu'un des chefs de notre marine militaire au seizième siècle repose dans une église lyonnaise sans que son nom, simplement gravé sur le mur, rappelle au passant l'existence de sa tombe.

Il s'agit de l'amiral de Fourbin (1), qui mourut étant de passage à Lyon, en 1595, et fut enseveli dans le quartier Saint-Paul.

Son acte de décès fut consigné dans les registres paroissiaux de Saint-Paul, conservés aux archives municipales de Lyon :

« Le dimanche 24 dudit est décédé noble Bertrand de Fourbin, conseiller du Roy, maitre des mers du Levant, lequel a esté prins en la maison de Monsieur du Sou, près le Lyon d'Argent. A esté ensevenly dans l'église Saint-Laurent, en la cave du fils Guillaume Auldry.

Accordé des droitz par Monsieur Renoudz, corrier de lad. église, à cinq écus.... 15 livres. »

L'église Saint-Laurent, construite parallèlement à l'église Saint-Paul, collégiale, était église paroissiale.

Dans son ouvrage sur La Fondation et les antiquités de la basilique collégiale canoniale et curiale de Saint-Paul de Lyon, l'historien Quincarnon signale qu'à la date du 25 septembre 1595, M. de Fourbin, grand amiral des mers de Sa Majesté », fut inhumé dans L’église Saint-Paul, en la chapelle de Notre-Dame de Grace.

Il y eut probablement réinhumation du corps tout d'abord déposé dans un des caveaux de Saint-Laurent, obligeamment prêté par son propriétaire.

La chapelle en question semble destinée à ce rôle de lieu de sépulture pour des hôtes de choix: d'autres personnages notables y furent ensevelis.

Tour à tour dédiée à Notre-Dame de Grace, à Notre-Dame de la Paix et à Saint-François-Xavier, elle fut construite par le Chanoine Jean Machart, curé de Saint-Paul, en 1494. Sous la voussure de l'arc ogival qui la précède, six anges musiciens jouent d'instruments divers: trompette, guitare, harpe, orgue à main, cornemuse. Quatre anges tiennent un écusson aux armes du chanoine.

C'est tout à côté de la chapelle où repose l'amiral de Fourbin que s'élève le monument commémorant le souvenir du chancelier Gerson, qui vécut cinq ans dans le cloître de Saint-Paul et fut inhumé dans l'église Saint-Laurent. Il sera inauguré au cours des fêtes qui auront lieu à Lyon en décembre prochain.

MARTIN BASSE.

source : le Journal des débats, 5 août 1929

On peut observer que la plaque que l'auteur souhaitait de ses vœux a finalement bien été apposée au mur de la chapelle.

A la fin de cet article, la note suivante précise à propos des Forbin (ou Fourbin comme indiqué sur la plaque commémorative de Saint-Paul) :

Bertrand de Fourbin devait appartenir à la famille de ce Palamède de Forbin ou Fourbin surnommé le Grand, qui, artisan de la cession du comté de Provence à la France, fut nommé par le roi Louis XI gouverneur de la province.

Un autre Forbin (1656-1733), le plus célèbre de tous, effectua dans la marine française une belle carrière. Après avoir servi sous Duquesne lors du bombardement d'Alger, et avoir été chargé de mission au Siam, il participa aux croisières de Jean Bart contre les Anglais.

Nommé chef d'escadre, il combattit aux côtés de l’illustre Duguay-Trouin.

Un autre Forbin (1625-1713) fut évêque de Digne, Marseille, Beauvais, ambassadeur de Louis XIV en Pologne et près du Saint-Siège, grand aumônier. Le roi de Pologne, Jean Sobieski, à l'élection de qui il avait puissamment contribué, lui fit donner le chapeau de cardinal.

Pendant le siège de Lyon, en 1793, un jeune Forbin (1779-1841) fut témoin de la mort de son père et de son grand-père. Le célèbre dessinateur lyonnais de Boissieu le recueillit et constatant ses heureuses dispositions, l'initia à la pratique de son art.

Il fut peintre et écrivain, directeur général des musées et membre de l'Académie des beaux-arts.