Question d'origine :
Merci pour tout votre travail. Quelle vision les français du Moyen-Age avaient-ils des apôtres et comment les appelaient-ils ?
Réponse du Guichet
Les Douze... et pas un de plus !
Bonjour,
Nous n’avons malheureusement pas trouvé de réponse exacte à vous soumettre.
Votre question appelle à se questionner sur la pratique réelle et effective du christianisme au Moyen-Âge. Or, la période est très vaste et caractéristique de la lente implantation et organisation de l’Église chrétienne au sein de l’Europe occidentale et notamment en France.
De fait, le Moyen-Âge a vu se développer l’évangélisation du christianisme à la fois à travers la constitution de structures telles que la papauté et de pratiques nouvelles telles que le mariage chrétien ou le monachisme qui à travers différents ordres n’a cessé de s’accroître et vivre un véritable âge d’or du IVème au XIIème siècle. Toutes ces évolutions de la société médiévale ont été amenées par des résistances (comme celles des « hérétiques ») mais aussi par différents débats et divergences autour de la théologie et de la liturgie qui ont été exacerbés par divers conflits politiques. Comme exemples phares nous pouvons citer le débat autour du célibat des prêtres ainsi que l’établissement de la suprématie pontificale qui fut délicat.
La pratique exacte du christianisme des Français au Moyen-Âge est difficile à mesurer et elle l’est d’autant plus que les sources historiques sur ce thème sont souvent issues des clercs et institutions religieuses mêmes. Elles ne soulignent alors qu’un pan minoritaire de la société médiévale. En ce sens, nous n’avons hélas pas relevé de désignation particulière pour les apôtres si ce n’est qu’ils ont pu être désignés à la fois comme « disciples » ou bien « apôtres » voire comme « Les Douze ».
Cette distinction se remarque principalement dans le Nouveau Testament où le terme d’« apôtre » y est très utilisé. Le disciple désigne alors tous ceux qui ont suivi l’enseignement de Jésus ainsi que les premiers chrétiens après la Résurrection. Au fur et à mesure, le terme de « disciple » a pu être appliqué aux fidèles. Le mot d’« apôtre » (du mot grec apostolos : « chargé de mission ») quant à lui signifie celui qui porte et prêche l’Évangile et donc par conséquent les douze disciples que Jésus choisit lui-même pour investir cette mission.
Enfin, les douze apôtres tels que nous les connaissons ont pu être désignés également comme « Les Douze » (en référence aux douze tribus d’Israël, un lien entre l’Ancien et le Nouveau Testament).
Pour ce qui est de la vision des Français de la période médiévale concernant les apôtres, il est bien difficile de vous répondre surtout concernant les laïcs. Les historiens, par manque de sources avérées, ont eu tendance à privilégier l’étude plus aisée d’autres saints, récents, et dont le culte se répandit de plus en plus au cours du siècle avec une augmentation des canonisations et la mise en avant des reliques.
Toutefois, nous pouvons vous apporter quelques éléments de réponse.
Pour cela, il faut repréciser le cadre dans lequel la foi s’exprime au Moyen-Âge. Avec le développement massif du christianisme, l’encadrement des fidèles par les clercs est un enjeu majeur qui repose sur quelques pratiques qui ne cessent d’évoluer : la prédication, la messe et les sacrements. Ainsi, le calendrier religieux, la messe dominicale ou bien encore le baptême dès les tout premiers jours de l’individu rythment la vie de la société médiévale.
Néanmoins, il faut souligner que les laïcs sont majoritairement illettrés ou du moins désignés comme des « illiterati » ce qui les distingue des clercs dont le privilège est de savoir lire et écrire en latin. L’Église possède donc un certain monopole du savoir. De même, l’accès à la lecture et à l’écriture est réservé à une classe sociale élevée car le livre est rare et cher ce qui réduit la pratique religieuse auprès des laïcs mais ne l’anéantit pas non plus : la culture est orale et se cultive ainsi.
Dans cette conjecture, il est facile d’observer que la pratique effective des laïcs fut assez systématique avec des prières apprises par cœur comme le Credo ou l’Ave Maria. Il en va de même pour la célébration de la messe dominicale qui est un pilier de l’encadrement des fidèles par l’Église et qui était célébrée en latin : une langue que les laïcs ne comprenaient pas. Il en va de même pour certains chants.
Pour pallier à ce « manque » traduit par l’oralité de la période, l’Église a voulu décupler les images et représentations afin de guider et d’encadrer les fidèles. On le remarque surtout dans l’art et dans l’architecture du Moyen-Âge avec la construction de grandes cathédrales. C’est dans cette dimension iconographique que s’illustrent particulièrement les douze apôtres. En effet, il est assez commun d’identifier des apôtres ornant les devants des églises et cathédrales notamment portails, tympans, ébrasements car ils représentent les guides choisis par Jésus et qui mènent au salut, ce sont eux qui ont porté l’Évangile. L’art médiéval a aussi beaucoup représenté et, plus particulièrement en peinture, le thème de la Cène et du lavement des pieds.
Les images représentées aux fidèles sont aussi celles des miracles, des reliques et des saints ce qui leur permet de mieux comprendre les comportements à suivre pour accéder au salut. La pratique qui met le plus en lumière cette attitude est celle du pèlerinage qui se développe de plus en plus le long de la période avec l’institution d’un nouvel itinéraire, celui de Saint-Jacques de Compostelle qui a pour finalité le tombeau de l’apôtre Jacques le Majeur.
Du côté des clercs, les apôtres représentent un modèle à suivre. Les historiens ont pu observer une tendance de volonté de retour à la vie apostolique (la vita apostolica en latin) c’est-à-dire un retour aux sources en vivant comme les apôtres, comme la première communauté de Jérusalem fondée après la Résurrection (qu’on a aussi appelé « Église primitive »). Cette vie est caractérisée par une vie en communauté où tous les biens et fruits du travail sont mis en commun. Certains grands prêtres de la période ont pu voir en cette vie un modèle idéal, c’est le cas de Saint Dominique et Saint François d’Assise qui ont pu développer certains de ces aspects en faisant vœux de pauvreté dans leurs ordres mendiants à la fin du XIIème siècle.
Le thème du christianisme en Occident et dans la culture médiévale étant très large... voici quelques recommandations :
Histoire religieuse de l'Occident médiéval de Jean Chélini, 2012.
Histoire du christianisme en France sous la direction de Alain Tallon, Catherine Vincent, 2014.
Petite histoire du christianisme médiéval de Jean Wirth, 2018.
La spiritualité du Moyen Âge occidental (VIIIe-XIIIe siècle) d'André Vaucher, 2015.
La religion flamboyante : France, 1320-1520 de Jacques Chiffoleau, 2011.
Église et société au Moyen Âge : Ve-XVe siècle d'Anne-Marie Helvétius et Jean-Michel Matz, 2014.
Et enfin cette étude précise autour du culte de Saint André :
- Saint André : culte et iconographie en France (Ve-XVe siècles) de Charlotte Denoël, 2004.
En vous souhaitant d'agréables lectures ! :)