Est-il normal de ne pas savoir quoi répondre sur mes croyances et mes valeurs?
Question d'origine :
Est-il normal de ne pas savoir quoi répondre quand on me demande quelles sont mes croyances et mes valeurs?
Réponse du Guichet
Il n'existe pas de norme quant à la capacité des individus à identifier, ou du moins mettre des mots, sur les croyances et valeurs qui les animent. Néanmoins la philosophie propose des outils pour permettre de mieux les comprendre et les identifier.
Bonjour,
Il n'existe pas de norme quant à la capacité des individus à identifier, ou du moins mettre des mots, sur les croyances et valeurs qui les animent. Si vous posiez cette question à vos proches, à vos collègues ou à de parfaits inconnus, il est tout à parier qu'un grand nombre d'entre eux n'auraient pas une réponse clé en main à vous apporter. Pourtant parmi eux, certains seraient en mesure de mettre des mots sur ce qui guide leur vie ou caractérise leur personnalité. Cela peut tout autant être une religion ou une idéologie politique, qu'un ensemble des valeurs (l'ambition, la bienveillance, la tradition, le pouvoir etc.) qui, en filigrane, révèlent une partie de ce que nous sommes et/ou parfois de la manière dont nous aimerions être perçus. Les croyances et valeurs sont autant des principes qui conduisent nos vies, nos choix, nos actions, que des éléments constitutifs de notre identité. Mais elles n'ont pas besoin d'être clairement identifiées pour produire des effets sur nos comportements. Celles-ci sont souvent inconscientes et sont le résultat d'une éducation, de la société dans laquelle nous avons grandi ou bien le produit des aléas de nos interactions sociales et de nos rencontres.
Pour mieux vous aider à repérer ce qui pourrait constituer le socle de vos croyances et de vos valeurs, il convient de mieux définir ces deux concepts :
Croyance : La croyance peut être prise en plusieurs sens, mais elle implique d’une manière générale de faire crédit, ou de se fier, à quelqu’un ou à quelque chose sans faire intervenir de doute. En ce sens la croyance implique une forme de confiance. En un premier sens, la croyance apparait comme une connaissance imparfaite, qui ne cherche pas à voir les choses telles qu’elles sont mais telles qu’on nous les a racontées (...).
Valeur : Il n'y a pas de valeur sans "rapport". "Il manque quelque chose à l'aune de laquelle on pourrait le mesurer et en relation avec quoi le mot "valeur" aurait un sens" (Nietzsche). C'est également pourquoi aucune chose n'a en elle même de valeur : les valeurs ne sont pas dans les choses, c'est, par exemple, l'homme qui met les valeur dans les choses. (...) Le rapport de valeur constitue une hiérarchie. Ce n’est pas une conséquence, elle est le principe même de cette évaluation. Celui qui domine est celui qui détermine les valeurs. Il n’y a pas de valeur objective: toute valeur se rapporte à une perspective déterminée. L’objectivité est aussi une valeur, autrement dit, il ne peut être compris qu’au sein du subjectif.
Source : Grand dictionnaire de la philosophie, Larousse (2003)
La notion de croyance implique donc nécessairement d'accorder sa confiance. C'est à dire que vous décidez d’attacher une valeur de vérité à un fait ou à un énoncé. Nous ne pouvons jamais vérifier empiriquement ou scientifiquement l'ensemble des choses auxquels nous croyons, pourtant nous y croyons. Nous décidons même de croire en certaines choses plutôt qu'en d'autres sans pour autant avoir tous les éléments qui nous permettraient de nous assurer d'avoir accordé convenablement notre confiance. A ce titre le philosophe anglais David Hume pourrait faire office de bon compagnon de route dans votre cheminement. Cette émission sur France Culture pourrait vous aider : Le savoir n’est-il qu’un ensemble de croyances ?
La valeur est donc consubstantielle d'une hiérarchie ou d'un classement. Elle se réfère toujours à des idéaux humains auxquels, selon les situations ou les époques, nous décidons d'accorder de l'importance ou non. Connaitre ses valeurs signifie donc de prioriser certaines d'entre elles au détriment d'autres. Toutefois, comment se repérer ? C'est difficile, car Nietzsche nous apprend qu'il n'existe pas de valeurs intrinsèquement supérieures. Mais que celles-ci évoluent au sein d'une hiérarchie déterminée notamment par l'Histoire et les normes qu'elle transmet. A ce titre nous vous conseillons de jeter un oeil au concept de renversement des valeurs de Nietzsche. Pour aller plus loin, cette vidéo sur le relativisme de Protagoras devrait aussi vous éclairer. Y est expliqué qu'en somme chaque personne aurait de bonnes raisons de penser ce qu’il pense puisque chaque individu et société à les valeurs de ses habitudes.
Naviguer dans une forme d'incertitude peut toutefois s'avérer nourrissant pour l'esprit. Surtout, nous vous conseillons de ne pas culpabiliser, la philosophie nous apprend que les certitudes peuvent parfois être aussi néfastes que l'absence de connaissance et surtout de réflexion. Petit florilège d'émissions radio sur les joies et peines de l'incertitude et les bénéfices du doute :
- Comment vivre en incertitude ?
- Je doute donc je suis
- Qu'est ce que l'incertitude ?
- "Ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou" - série "Quatre malentendus nietzschéens"
Enfin, quelques références supplémentaire sur les notions de croyance et de valeur dans l'histoire de la philosophie :
- Par delà le bien et le mal / Frédéric Nietzsche (ouvrage)
- L'allégorie de la caverne : vivons nous dans l'illusion ? (émission radio)
- Hume - Tout n'est que croyance (vidéo Youtube)