Question d'origine :
Est-ce que nous avons tous une sensibilité différente, nous ressentons tous des émotions différentes et avons des rapports differents par rapport aux différents aspects de la vie et de la société?
Réponse du Guichet
Il est en effet universellement reconnu que chaque personne possède une individualité et une personnalité qui lui sont propres. il est plus délicat de connaître les différents mécanismes à l'origine de ces différences.
Bonjour,
Comme nous vous l’indiquions dans notre réponse à votre question précédente, de la même manière que les gens sont différents au niveau de leur aspect physique, des variations importantes existent également au niveau de leurs façons de se comporter, de penser et de ressentir. Ces différences s’expliquent par de nombreux facteurs qui occupent des domaines de recherche entiers. Comme l’explique Michael C. Ashton, professeur de psychologie à la Brock University dès l’ouverture de son ouvrage Psychologie de la personnalité et des différences individuelles, «l’objectif central de la psychologie de la personnalité est de comprendre les différences entre les gens». Il s’attache donc tout au long de l’ouvrage à décrire les questions principales sur la nature de la variation de la personnalité, et de présenter les réponses qui ont été données jusqu’ici».
Il aborde donc le concept de «trait de personnalité», central dans la psychologie de la personnalité, qu’il définit comme «différences entre individus (interindividuelles) en ce qui concerne leur tendance typique à se comporter, à penser et à ressentir les choses de manière relativement homogène conceptuellement, et ce à travers une variété de situations pertinentes et durant une période de temps relativement longue». Ces traits de personnalité peuvent être associés à d’autres catégories de différences individuelles, telles les habiletés mentales, les croyances et attitudes ou la sexualité, pour construire des échelles d’inventaires de personnalité.
Ces modèles par traits ont assez largement remplacé les anciens modèles par types psychologiques, auquel se réfère par exemple le MBTI, encore très utilisé dans le monde de l'entreprise malgré les nombreuses lacunes qu'il présente. On peut ainsi citer le modèle des Big Five ou le modèle HEXACO, qui sont désormais largement utilisés pour offrir une vision globale des traits centraux de la personnalité et ont montré une capacité de prédiction du comportement ou de réactions émotionnelles.
Pour aller plus loin, vous pouvez également consulter :
Introduction aux théories de la personnalité, de Carole Fantini-Hauwel
Psychologie de la personnalité, de Michel Hansenne
Psychologie des émotions, dirigé par Olivier Luminet et Delphine Grynberg, (en particulier le chapitre 2 "Personnalité et émotion")
Mais si les psychologues de la personnalité s’attachent à évaluer la personnalité dans un contexte culturel uniforme, les dimensions sociales et culturelles sont également fondamentales dans la construction de la personnalité et des réactions émotionnelles des individus. Le reproche a ainsi souvent été adressé à la psychologie occidentale de sous-estimer l’influence de la culture, en généralisant les observations issues des laboratoires européens à l’ensemble de l’humanité, sans vérifier si cela se justifie réellement.
C’est d’une tentative d’articuler les relations entre culture et comportement qu’est née la psychologie interculturelle, qui se fixe pour objectif de fournir une connaissance aussi objective que possible des liens entre psychologie et culture.
Vous pourrez lire avec profit l’ouvrage introduction à la psychologie interculturelle, de Laurent Licata et Audrey Heine, pour un tour d’horizon tant des fondements de la psychologie interculturelle que de ses différentes branches.
Le sociologue Louis Quéré cherche aussi à articuler les dimensions biologiques et socioculturelles des comportements émotionnels.
Dans son ouvrage Il n’y a pas de cerveau des émotions, il pointe le fait que celles-ci sont non seulement des phénomènes organiques, mais aussi des phénomènes biologiques transformés par un environnement social et culturel, dimension trop peu prise en compte selon lui par les recherches en neurosciences actuelles. Après une présentation des principales approches du domaine, il en pointe les limites et propose une théorie des «habitudes émotionnelles», visant à expliquer la manière dont notre environnement culturel parvient à influer sur ces manifestations organiques que sont nos émotions.
Nous vous souhaitons bonnes lectures,
Le département civilisation