Question d'origine :
Est-ce que les gens ont des idées différentes sur ce qui est bien moralement et mauvais moralement?
Réponse du Guichet
En complément de nos deux précédentes réponses à vos questions, voici de quoi alimenter votre réflexion.
Bonjour,
Il nous semble que votre question rejoint deux autres questions que vous avez déjà posées ici :
Est-ce que tout le monde a un code moral personnel ?
Que veut dire "avoir des valeurs" ?
Nous avions conclu que la morale, "ancrée dans notre nature biologique [...] contribue à la survie des individus [...] en particulier en favorisant les comportements coopératifs" tout en étant "en perpétuelle interaction avec la culture dans laquelle les individus se développent et interagissent" - et que "Chaque individu répond et réagit à un ensemble de valeurs, héritées ou construites qui guident sa vie. Ce sont des principes partagés par la société dans laquelle il évolue qui lui indiquent ce qui est juste, désirable ou important."
Qu'il y ait une diversité de conceptions de ce qui est bien et de ce qui est mal, c'est une évidence. Le même acte peut être vu comme bien ou mal selon les idées de la personne qui le regarde : cela hante de grands débats comme celui sur l'avortement, mais des événements comme les Grandes Découvertes peuvent être vues par certains comme un bienfait pour la connaissance du monde ou comme une catastrophe au regard des civilisations détruites et des millions de morts provoquées... tous ces points de vue différents sont liés à l'histoire des cultures, des idées, des religions...
C'est vers le XVIè siècle que l'occident commence à accepter l'idée qu'on puisse penser autrement ailleurs. Dans son essai "Des Cannibales", Montaigne s'oppose à l'horreur provoquée chez ses contemporains par certains rites sud-américains, montrant que ce qui est mal vu ici peut être bien considéré ailleurs
L’enjeu des guerres cannibales est tout moral et n’a rien à voir avec l’accaparement de quelque bien matériel que ce soit : terres productives que les Amérindiens n’ont pas à labourer, richesses qu’ils ne possèdent pas, corps impropres à tout autre exercice que la chasse, la danse ou la guerre. Les Cannibales ne font pas d’esclaves, et s’il leur arrive de transgresser des limites naturelles, c’est pour retourner, une fois la victoire obtenue, « à leur pays, où ils n’ont faute d’aucune chose nécessaire ».
Source : BnF
C'est ainsi que naît une nouvelle science : l'anthropologie, dont le relativisme culturel est un des fondements :
Dans le cadre de leur quête d'objectivité scientifique, les anthropologues actuels préconisent généralement le relativisme culturel, principe qui s'impose à toutes les sous-disciplines de l'anthropologie38. Selon ce principe, les cultures ne doivent pas être jugées en fonction des valeurs ou des points de vue de l'observateur extérieur, mais examinées sans passion selon leurs propres termes. Il ne devrait y avoir aucune notion, en bonne anthropologie, d'une culture meilleure ou pire qu'une autre culture
Nous n'avons pas ici les moyens d'aborder cette question de façon plus détaillée que ce que nous l'avons fait avec nos questions précédentes. Nous vous proposons toutefois d'étoffer un peu les bibliographies proposées afin de nourrir votre réflexion :
La tentation du bien est beaucoup plus dangereuse que celle du mal [Livre] / Boris Cyrulnik, Tzvetan Todorov ; dialogue animé par Nicolas Truong
Psychologie du bien et du mal [Livre] / Laurent Bègue
Le bien et le mal [Livre] / Geneviève Médevielle
Etre quelqu'un de bien [Livre] : philosophie du bien et du mal / Laurence Devillairs
L'homme, le bien, le mal [Livre] : une morale sans transcendance / Axel Kahn et Christian Godin
L'anarchie des valeurs [Livre] : le relativisme est-il fatal? / Paul Valadier
Une même éthique pour tous ? / [Livre] / [Journées annuelles d'éthique, Paris, 15-16 janvier 1997] ; sous la dir. de Jean-Pierre Changeux ; [publ. par le] Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé...
Quelques émissions de radio :
Penser le bien et le mal avec la littérature
Aujourd'hui, le bien et le mal sont mélangés
Les femmes pensent-elles autrement ?
Des réponses du GDS :
Comment savoir si je suis une personne bien ?
Comment la philosophie parle de l'incertitude ?
Bonne journée.