Question d'origine :
Qui était papon
Réponse du Guichet
Nous avons supposé que votre question concernait Maurice Papon, condamné pour complicité de crimes contre l'humanité en raison de sa collaboration durant la seconde guerre mondiale.
Bonjour,
Nous ne savons quelles sont vos attentes ni votre niveau d'études et il sera donc difficile pour nous de vous répondre. Nous allons néanmoins vous apporter des informations sur Maurice Papon, tristement célèbre pour ses hauts faits de collaboration et sa participation active à la déportation de la population juive.
Charles-Louis Foulon rédige dans L'Universalis une biographie sur Maurice Papon :
Depuis sa condamnation pour complicité de crimes contre l'humanité, Maurice Papon incarne la collaboration de la haute fonction publique avec les persécutions antisémites du IIIe Reich. C'est pourquoi, au surlendemain de sa mort survenue le 17 février 2007, le journal Libération put qualifier de « préfet du crime » celui qui fut ensuite préfet de police, député, trésorier du parti gaulliste et ministre du Budget.
Né le 3 septembre 1910 à Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne), où il devait être inhumé, ce fils d'un notaire devenu industriel et élu local est diplômé de Sciences Po quand il devient, en 1935, rédacteur au ministère de l'Intérieur. Jeune radical-socialiste, il est membre de cabinets ministériels à Paris puis à Vichy. À partir de 1942, auprès du préfet régional de Bordeaux Maurice Sabatier, en sa qualité de secrétaire général de la préfecture de la Gironde, il contrôle le Service des affaires juives et participe à la politique d'arrestation et de déportation coordonnée par René Bousquet et Jean Leguay. Au prétexte dévoyé du respect de la souveraineté française, il revient aux gendarmes et policiers français d'arrêter, en zone occupée comme en zone dite libre, les juifs à déporter.
Jusqu'en 1944, onze convois partent de Bordeaux vers Drancy, où étaient rassemblés ceux qui seront ensuite exterminés à Auschwitz-Birkenau ; parmi eux figurèrent donc 1 457 juifs adultes et 233 enfants. Malgré la plaidoirie de maître Varaut niant la communauté d'intention entre les fonctionnaires français et les Allemands, la responsabilité de Maurice Papon sera reconnue pour quatre des convois, non pour complicité d'assassinats mais pour « complicité d'arrestations illégales et de séquestrations arbitraires ».
Avant cette condamnation, dans une région où les mouvements résistants avaient été décapités, le zèle de Papon lui avait permis de promouvoir sous-préfet son chef du service des affaires juives Pierre Garat et de devenir lui-même, à l'été de 1944, préfet et directeur de cabinet du commissaire de la République Gaston Cusin. Zélé dans tous ses postes, du Bordelais à la Corse, de l'Algérie à Paris, où il fut neuf ans préfet de police (1958-1967), il couvrit aussi bien la répression sanglante des manifestants algériens (17 oct. 1961) que les heurts meurtriers du métro Charonne (8 févr. 1962), évoqués à tort pendant le procès de Bordeaux où seuls des crimes contre l'humanité, imprescriptibles, pouvaient être jugés.
Devenu P.-D.G. de Sud-Aviation en 1967, élu député du Cher en 1968, ministre du Budget de 1978 à 1981, Papon fut rattrapé cette année-là par son passé ; un jury d'honneur suggéra qu'il eût dû démissionner plutôt que de concourir aux déportations. Différé pendant seize ans, son procès se tint du 8 octobre 1997 au 2 avril 1998 ; il y bénéficia des témoignages de résistants éminents qui s'étaient concertés. Pugnace, Maurice Papon lança aux jurés avant le début des délibérations – qui allaient durer 19 heures – qu'il ne pouvait y avoir un criminel contre l'humanité à 15, 30 ou 60 p. 100 : « Le crime ne se tronçonne pas. Je suis coupable ou innocent. »
Dix-huit mois après sa condamnation à dix ans de réclusion, il fut incarcéré à Paris le 22 octobre 1999. Moins de trois ans après et bien qu'il y eût alors en France deux nonagénaires et trente-neuf octogénaires incarcérés, ce détenu de quatre-vingt-douze ans bénéficia, le 18 septembre 2002, de la loi autorisant les sorties de prison en cas d'état de santé incompatible avec la détention. Le 12 avril précédent, il avait obtenu du Conseil d'État que la moitié des dommages et intérêts dus aux parties civiles soient pris en charge par l'État républicain au motif que, à côté de sa faute personnelle, il y avait une faute de service imputable à l'administration. Cette reconnaissance d'une responsabilité étatique a peut-être poussé Raymond Barre, en février 2007, à qualifier son ancien ministre de grand commis de l'État, qui n'avait pas à démissionner de ses fonctions sous Vichy car : « On démissionne lorsqu'il s'agit vraiment d'un intérêt national majeur. [...] Il fallait faire fonctionner la France. »
Sa condamnation étant devenue incontestable après le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation, le 11 juin 2004, Maurice Papon échoua dans sa tentative de faire interdire la diffusion télévisée de 80 des 475 heures de son procès, le plus long de l'après-guerre. Dans ses souvenirs, son avocat a dénoncé l'acharnement judiciaire disproportionné qui fit de son client un bouc émissaire ; plus serein, le journaliste américain Adam Nossiter vit dans ces audiences « une leçon sur la nature humaine ».
Divers articles, consultables en ligne, apportent des précisions sur Maurice Papon et sa responsabilité dans les crimes imputés dont la répression des manifestants algériens :
THENAULT Sylvie, « Des couvre-feux à Paris en 1958 et 1961 : Une mesure importée d'Algérie pour mieux lutter contre le FLN ? », Politix, 2008/4 (n° 84), p. 167-185.
FLEURY Béatrice, WALTER Jacques, « Le procès Papon. Médias, témoin-expert et contre-expertise historiographique », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2005/4 (no 88), p. 63-76.
BOURDET Claude, « « Monsieur le préfet de police » (réédition). question de Claude Bourdet à Maurice Papon », Vacarme, 2001/4 (n° 17), p. 49-50.
WEIL Nicolas, "Penser le procès Papon", Le Débat, 1999/1 (n° 103), pages 100 à 111.